COMMUNIQUÉ DE PRESSE
ÉFAI
Le climat d’impunité dans lequel évoluent les agents de la force publique et les responsables d’établissements pénitentiaires, ainsi que le ministère public, fait le lit des mauvais traitements dans les lieux de détention en Bosnie-Herzégovine, explique Amnesty International dans un rapport rendu public ce mercredi 6 février.
« Alors qu’elles en ont l’obligation aux termes du droit national et international, les autorités de Bosnie-Herzégovine ne font rien pour empêcher les mauvais traitements, dont l’ampleur dans l’ensemble du pays reste alarmante, a déclaré David Diaz-Jogeix, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. Les victimes craignant des représailles, les coups que reçoivent les détenus sont rarement signalés et ne font donc pas l’objet d’investigations, et les quelques plaintes qui sont déposées ne sont pas suivies d’effets. »
Le rapport Bosnia and Herzegovina : "Better keep quiet" : ill-treatment by the police and in prisons, engage les autorités à faire savoir clairement à toutes les parties concernées que les mauvais traitements infligés par des gardiens de prison et des policiers ne seront pas tolérés et seront sanctionnés.
Les mauvais traitements peuvent débuter au moment de l’arrestation et se poursuivre au poste de police, puis, après condamnation, en prison. Un homme arrêté à Prijedor, en Republika Srpska, a ainsi déclaré : « J’ai été arrêté, ils m’ont emmené au poste de police […] Ils ont commencé par des tapes, puis se sont mis à me rouer de coups ».
Une vidéo révélant des événements ayant eu lieu en octobre 2006 et rendue publique en 2007 montrait un homme en uniforme, un membre de la police du canton de Sarajevo selon certaines allégations, rouant de coups de pied et de poing un jeune homme, près d’un véhicule de la police. Le jeune homme est alors contraint de se déshabiller, toujours sous les coups, puis abandonné inconscient dans une rue de Sarajevo.
L’absence de mécanismes efficaces pour examiner les fautes commises par des policiers dans l’exercice de leurs fonctions constitue l’un des principaux obstacles à la lutte contre les mauvais traitements. Selon les dispositions existantes, le ministère public est tenu d’ouvrir une information judiciaire dès qu’il soupçonne qu’une personne peut avoir été victime de violences policières. Cependant, cela arrive rarement. Les systèmes internes de la police pour le traitement et le suivi des plaintes s’avèrent dans certains cas inefficaces, la police étant réticente ou inapte à « faire régner l’ordre dans ses rangs ».
« Il est essentiel d’aborder, dans le cadre des discussions en cours sur la réforme de la police, le problème de l’absence d’obligation pour la police de rendre des comptes et des conséquences de cette situation sur les droits humains, a ajouté David Diaz-Jogeix. Les autorités doivent faire en sorte que le parquet ouvre dans les meilleurs délais une enquête indépendante, impartiale et rigoureuse lorsqu’il existe des raisons de soupçonner que la police s’est rendue coupable de torture ou de mauvais traitements. »
Des cas de mauvais traitements et de violence dans les prisons sont toujours signalés en Bosnie-Herzégovine ; les effectifs du système carcéral sont insuffisants, et certaines prisons sont surpeuplées, tandis que les conditions matérielles y sont inadéquates. Il ressort par exemple des entretiens réalisés par Amnesty International auprès de détenus de la prison de Zenica que les mauvais traitements infligés aux prisonniers y constituent une pratique bien établie. Des gardiens de prison auraient ainsi matraqué des prisonniers se trouvant en cellule d’isolement.
« Aucun système ne semble avoir été mis en place pour permettre aux prisonniers de porter plainte pour mauvais traitements sans avoir à craindre de représailles, en particulier quand les gardiens sont les auteurs de ces agissements, ni pour que ces plaintes puissent faire l’objet d’enquêtes », a expliqué David Diaz-Jogeix.
Il n’est donc pas surprenant que, selon les chiffres officiels, aucune procédure pénale n’ait été engagée contre des gardiens de prison soupçonnés d’avoir maltraité des détenus ces dernières années. Compte tenu du climat d’impunité et d’intimidation qui règne dans le pays, il semble peu probable que quiconque, hors de l’enceinte de la prison, entende parler de ces mauvais traitements.
Les délégués d’Amnesty International ont présenté leurs conclusions aux autorités de Bosnie-Herzégovine les 4 et 5 février 2008.
« Nous prenons note de ce que les autorités sont conscientes de la nécessité de mettre fin aux mauvais traitements imputables aux responsables de l’application des lois, a déclaré David Diaz-Jogeix. Nous les exhortons maintenant à faire preuve de volonté politique en accélérant la mise en œuvre des mesures qui ont été discutées. »
Amnesty International demande aux autorités de Bosnie-Herzégovine de concrétiser immédiatement l’engagement qu’elles ont pris d’améliorer les conditions de vie et les traitements réservés aux prisonniers qui se trouvent dans l’unité psychiatrique de la prison de Zenica. Des inspecteurs des prisons doivent être nommés pour renforcer l’obligation de rendre des comptes.
En ce qui concerne les autorités de la Republika Srpska, Amnesty International se félicite de ce que le ministre de la Justice est en train de créer des quartiers de haute sécurité dans les prisons. Il faudrait mettre en place un mécanisme garantissant le droit des détenus de porter plainte en toute confidentialité auprès des directeurs d’établissement pénitentiaires ou d’instances supérieures sans craindre de représailles.
Amnesty International appelle les autorités de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et de la Republika Srpska à mettre en place l’enregistrement audiovisuel des interrogatoires dans les postes de police.
« Faire à tous les niveaux le pari de l’ouverture, de la transparence et de l’obligation de rendre des comptes ne peut qu’améliorer la confiance du public dans la capacité des autorités à combattre les problèmes persistants dans ce domaine », a conclu David Diaz-Jogeix.