DÉCLARATION PUBLIQUE
ÉFAI-
18 novembre 2009
Amnesty International appelle la communauté internationale et les autorités de Bosnie-Herzégovine à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les juges et procureurs internationaux de la Chambre des crimes de guerre de la Cour d’État puissent continuer à engager des poursuites en rapport avec les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis lors de la guerre de 1992-1995.
Bien que cette guerre ait pris fin il y a quatorze ans, une grande partie des auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés pendant le conflit sont toujours en liberté, et l’impunité pour ces crimes se perpétue. On estime qu’entre 6 000 et 16 000 cas de crimes de guerre non élucidés, à divers stades de la procédure, ont été signalés à différentes instances judiciaires de tout le pays.
La plupart des cas de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide ont été traités par la Chambre des crimes de guerre de la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine. Cette chambre, qui a été créée en 2005, regroupe juges et procureurs internationaux et nationaux. Le mandat des magistrats internationaux expirera fin 2009, à moins que la loi ne soit modifiée et que des ressources supplémentaires ne soient allouées, de sorte qu’ils puissent poursuivre leur travail.
Ces juges et procureurs internationaux ont contribué au renforcement du système judiciaire du pays du fait de leur compétence, de leur impartialité et de leur indépendance. Alors que le Conseil de mise en œuvre de la paix doit se réunir cette semaine, Amnesty International exhorte la communauté internationale à redoubler d’efforts afin de soutenir le système judiciaire de Bosnie-Herzégovine. Le Conseil est un organe intergouvernemental dont le rôle est d’assurer un suivi de l’application de l’Accord de paix de Dayton, qui a mis fin au conflit en Bosnie-Herzégovine.
Au cours de l’année écoulée, la situation politique du pays s’est dégradée et les tensions entre les trois composantes de la population – Musulmans, Bosno-Croates et Bosno-Serbes – ont augmenté.
Certains politiciens de haut niveau continuent à tenir un discours nationaliste. Quelques-uns ont ouvertement critiqué l’indépendance du système judiciaire ou nié l’existence de crimes de guerre, en dépit de jugements rendus par des cours de justice confirmant l’existence du crime et condamnant les personnes reconnues coupables. Il est donc plus que jamais essentiel de soutenir les juges et procureurs internationaux dans leur tâche consistant à engager des poursuites en relation avec les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis durant la guerre.
En outre, les juges et procureurs internationaux de la Chambre des crimes de guerre travaillent actuellement sur un certain nombre de cas de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Amnesty International déplore qu’aucune disposition n’ait été prise afin que ces dossiers soient transmis aux magistrats locaux, bien que le mandat des juges et procureurs internationaux soit censé expirer d’ici quelques semaines dans l’éventualité d’une non prorogation.
Cette négligence pourrait se solder par la nécessité de reprendre depuis le début les poursuites engagées dans nombre de ces cas, ainsi que le requiert le Code de procédure pénale de Bosnie-Herzégovine. Il faudrait alors dans certains cas que les témoins soient de nouveau interrogés, ce qui constituerait un véritable calvaire pour eux.
Amnesty International demande au gouvernement de Bosnie-Herzégovine et à la communauté internationale de prendre toutes les mesures qui s’imposent afin que les juges et procureurs internationaux puissent poursuivre leur important travail sur les affaires de crimes de guerre. L’organisation engage également la communauté internationale à aider à instaurer un climat politique propice à ce que des poursuites équitables, indépendantes et impartiales soient engagées contre les auteurs présumés des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis pendant la guerre. La communauté internationale doit continuer à fournir les ressources humaines et financières requises afin que les juges et procureurs internationaux puissent continuer à remplir le rôle clé qui est le leur, aux côtés du système judiciaire de Bosnie-Herzégovine, et ainsi veiller à ce que les procédures soient conformes aux normes internationales en matière d’équité des procès.
Complément d’information
Entre avril 1992 et septembre 1995, la Bosnie-Herzégovine a été le théâtre de graves violations des droits humains constituant des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des actes de génocide, parmi lesquels de nombreux homicides, viols et déplacements forcés. Amnesty International a fait état d’un grand nombre de ces crimes de droit international dans des rapports publiés pendant et après la guerre (voir ci-après).
On estime que quelque 100 000 personnes ont été tuées au cours de ce conflit ; environ 2 millions d’individus sont devenus réfugiés ou ont été déplacés à l’intérieur de leur pays. Près de 12 500 personnes sont toujours portées disparues.
Depuis 1993, des poursuites sont engagées devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie contre de hauts responsables politiques et militaires accusés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide.
Depuis 2005, des fonctionnaires moins gradés sont poursuivis devant la Chambre des crimes de guerre de la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine. Depuis sa création, la Chambre des crimes de guerre a traité 39 cas et 90 autres sont en cours d’examen.
Dans son rapport intitulé Whose Justice ? The Women of Bosnia and Herzegovina Are Still Waiting , publié en septembre 2009, Amnesty International a livré des informations pointant l’insuffisance du soutien et de la protection accordés aux témoins par l’ensemble des tribunaux de Bosnie-Herzégovine, carences ayant, dans certains cas, empêché des victimes de violences sexuelles constituant des crimes de guerre d’obtenir justice.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le travail effectué par Amnesty International sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés en Bosnie-Herzégovine, consultez également les documents suivants :
Bosnia and Herzegovina : Submission to the UN Universal Periodic Review : Seventh session of the UPR Working Group of the Human Rights Council, February 2010
Bosnia-Herzegovina : Shelving Justice - War Crimes Prosecutions in Paralysis
Bosnie-Herzégovine. Flagrantes atteintes aux droits fondamentaux de l’homme (Index AI : EUR 63/001/1992)
Bosnie-Herzégovine. Viols et sévices sexuels pratiqués par les forces armées (Index AI : EUR 63/001/1993)
Yugoslavia:Torture and deliberate and arbitrary killings in war zones (Index AI : EUR 48/026/1991)
Yugoslavia : Further reports of torture and deliberate and arbitrary killings in war zones (Index AI : EUR 48/013/1992)