BRÉSIL - Carandiru, 13 ans d’impunité

Index AI : AMR 19/005/2006

Le 15 février, une cour de São Paulo aura à connaître de l’appel interjeté par le colonel Ubiratan Guimarães contre la peine de six cent trente-deux ans d’emprisonnement qui lui a été infligée en juin 2001 en raison du rôle qu’il a joué, à la tête de son unité, dans le massacre de la prison de Carandiru, commis en 1992.

« Ce procès en appel est un jalon important auquel on pourra se référer pour évaluer jusqu’à quel point le système judiciaire brésilien est résolu à instaurer un accès égal et universel à la justice et désireux de promouvoir et de protéger les droits humains de tous les Brésiliens », a déclaré Tim Cahill, chercheur d’Amnesty International chargé du Brésil.

Le colonel Guimarães est entré dans la Casa de Detenção de São Paulo, prison mieux connue sous le nom de Carandiru, le 2 octobre 1992, à la tête des troupes de choc de la police militaire. Il a plus tard été reconnu responsable de la mort de 111 détenus sans armes, tués ce jour-là.

Le colonel Guimarães a été maintenu en liberté en attendant que la justice se soit prononcée sur l’appel qu’il a interjeté de sa condamnation. Pendant cette période, il a été élu à l’Assemblée législative de l’État.

À ce jour, personne ne purge de peine d’emprisonnement pour avoir pris part au massacre.

Aucun des 84 policiers inculpés d’homicide n’a comparu devant un juge. Dans le cas de 29 autres policiers, à qui étaient imputés des coups et blessures, l’action en justice est éteinte par expiration du délai de prescription. De surcroît, rien n’a été fait pour déterminer l’éventuelle responsabilité du gouverneur de l’État en fonction à cette époque ou du secrétaire d’État à la Sécurité publique.

« Un véritable sentiment d’impunité s’est dégagé à la suite du massacre de Carandiru, et l’opinion a pu l’éprouver d’autant plus fortement que les autorités n’ont pas su établir les responsabilités aux différents échelons de la hiérarchie, comme le voudraient les normes internationales en matière de droits humains », a affirmé Tim Cahill.

Mais des enseignements encore plus essentiels sont à retirer de ce crime. À ce jour, les autorités de l’État de São Paulo et du Brésil n’ont pas fait le nécessaire pour appliquer réellement les mesures prescrites par la Commission interaméricaine des droits de l’homme en ce qui concerne cette affaire. Parmi ces mesures figuraient notamment l’indemnisation des familles des victimes et la mise en œuvre de dispositions protégeant les droits des détenus.

Divers organes des Nations unies qui défendent les droits humains, ainsi que des ONG nationales et internationales, ont formulé des recommandations visant à garantir les droits des détenus et à faire en sorte que des enquêtes impartiales et efficaces soient menées sur les exécutions extrajudiciaires présumées ; mais, là encore, les mesures préconisées sont restées lettre morte.

« Il est temps de dissiper le brouillard d’impunité qui obscurcit depuis de trop longues années le souvenir de Carandiru. »

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