BRÉSIL : Eldorado dos Carajás : espoirs déçus

Index AI : AMR 19/008/02

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le plus grand procès de l’histoire du Brésil, celui du massacre d’Eldorado dos Carajás, s’est terminé ce jour (13 juin) à Belém, après 120 heures d’audience réparties en cinq séances. Selon Amnesty International, ce procès a une nouvelle fois mis en lumière les failles importantes du système judiciaire de l’État brésilien du Pará.

Un colonel, deux commandants, un capitaine, quatre lieutenants, 11 sergents et 127 soldats de la police militaire de l’État du Pará avaient été mis en accusation dans la procédure ouverte après le massacre, en 1996, de 19 militants du mouvement des paysans sans terre. De tous les accusés, seuls le colonel Mario Pantoja et le commandant José Maria Oliveira ont été condamnés, pour avoir en partie dirigé les opérations de police destinées à disperser les manifestants et dégager la route à Eldorado dos Carajás le 17 avril 1996. Leur condamnation est apparue comme une véritable victoire dans le combat mené contre l’impunité.

Toutefois, selon Amnesty International, « ces condamnations ne représentent guère plus qu’un geste symbolique étant donné que l’enquête policière et la procédure judiciaire n’ont pas permis d’identifier les responsables des tirs et du massacre ayant causé la mort des 19 militants. » Le climat général d’impunité est aggravé par la décision qui a été prise de ne pas inculper les responsables politiques, notamment le gouverneur de l’État et le secrétaire d’État à la Sécurité publique, qui ont de toute évidence joué un rôle décisif dans les opérations de la police ce jour-là.

Amnesty International a déclaré que « la longue suite d’erreurs et de dissimulations dont le procès a été truffé et qui a empêché de traduire les responsables présumés du massacre en justice a pour conséquence que beaucoup de proches des victimes et de militants sont de plus en plus convaincus que l’impunité est depuis longtemps l’un des objectifs de la police et du système judiciaire de l’État. »

« Parmi les fautes fondamentales commises au cours de ce procès sont à noter la manière inepte et pleine d’irrégularités dont l’enquête a été menée par la police, l’incapacité à protéger les témoins menacés, l’autorisation accordée aux membres de la police militaire inculpés de meurtre de continuer à exercer leurs fonctions et la décision prise de juger 127 soldats au cours d’une seule et même audience. La crédibilité dont le système judiciaire de l’État disposait peut-être a été ébranlée par toutes ces anomalies » , a déclaré l’organisation de défense des droits humains.

« Le nombre de meurtres de militants du mouvement des paysans sans terre dans le sud de l’État de Pará a augmenté l’année dernière et il est essentiel que les failles de la procédure judiciaire d’Eldorado n’encouragent pas ceux qui prônent l’usage de la violence à continuer dans cette voie », a déclaré Amnesty International. L’orga-nisation a ajouté que « le gouvernement fédéral doit désormais prendre ses responsabilités et créer un système fédéral transparent, équitable, professionnel et informé capable de mener à bien des enquêtes sur les violations des droits humains et d’en déférer les responsables présumés à la justice. »

Complément d’information

Le procès du massacre de 19 paysans sans terre par la police militaire de l’État de Pará avait débuté le 18 mai 2002, sous la direction du troisième juge à être nommé dans cette affaire. L’avant-dernière juge, Dra Eva do Amaral, s’était retirée du procès à la suite des protestations réitérées du ministère public quant à ses compétences et à son impartialité.

Les membres du Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra (MST, Mouvement des paysans sans terre), qui apportaient leur soutien à l’accusation, s’étaient retirés du procès en raison des problèmes liés à la procédure de nomination officielle d’un nouveau juge. Les membres de la Sociedade Paraense de Defesa dos Direitos Humanos (SPDDH, Société de défense des droits humains), une organisation non gouvernementale qui soutenait également l’action du ministère public, s’étaient aussi retirés en cours de procédure en déclarant que l’issue du procès était compromise.

Les deux officiers condamnés ont été laissés en liberté et pourront interjeter appel de leurs condamnations ; d’autre part, tous les jugements ont été frappés d’appel.

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