Brésil : L’enquête sur l’assassinat de Marielle Franco piétine

L’absence de progrès dans l’enquête sur le meurtre de la défenseure des droits humains et conseillère de la ville de Rio de Janeiro Marielle Franco et de son chauffeur Anderson Gomes le 14 mars soulève des interrogations quant à la crédibilité de la justice pénale au Brésil.

«  Le fait que le meurtre de Marielle Franco ne soit toujours pas élucidé quatre mois plus tard témoigne de l’inefficacité et du manque de volonté manifeste des institutions du système de la justice pénale brésilienne pour résoudre cette affaire. Il faut qu’un mécanisme externe et indépendant suive la procédure, a déclaré Jurema Werneck, directrice d’Amnesty International Brésil.

« Le secret et la confidentialité visant à garantir l’efficacité de l’enquête ne doivent pas servir aux autorités chargées de faire toute la lumière sur les circonstances entourant le meurtre de Marielle de prétexte pour garder le silence. Il faut identifier et traduire en justice ceux qui ont appuyé sur la gâchette, mais aussi ceux qui ont commandité son assassinat, et établir le mobile du crime. »

Les investigations doivent encore clarifier les informations parues dans les médias selon lesquelles les caméras de surveillance filmant le lieu du crime avaient été désactivées la veille des coups de feu et les balles tirées provenaient d’un lot acheté par la police fédérale brésilienne. L’arme du crime serait un pistolet-mitrailleur que seules les forces de sécurité utilisent et des armes du même modèle auraient disparu de l’arsenal de la police civile. En outre, le mode opératoire et la précision des tirs laissent à penser que certains des auteurs ont suivi une formation spécialisée.

Selon la presse brésilienne, le président Michel Temer a organisé une rencontre en mai avec le ministre de la Sécurité publique Raul Jungmann et le général Walter Braga Netto, en charge de l’intervention militaire dans le cadre de la sécurité publique à Rio de Janeiro, au cours de laquelle ils auraient convenu de garder le silence sur cette affaire afin de ne pas gêner l’unité de la police civile chargée des homicides qui mène l’enquête.

« L’incapacité à résoudre cette affaire témoigne du manque de détermination de l’État brésilien à protéger les défenseurs des droits humains. Si une militante aussi connue peut être assassinée sans que les autorités ne réagissent fermement, tous les autres sont en danger, a déclaré Werneck.

« Marielle prônait sans relâche la justice et luttait contre la violence d’État. Demander que son assassinat soit élucidé est un moyen de poursuivre son combat pour les droits humains, et de rendre hommage à son héritage et à sa mémoire.  »

Marielle Franco, défenseure des droits humains

Marielle est née et a grandi dans la favela de Maré, à Rio. Sociologue, elle avait un master en administration publique. Elle a commencé à travailler pour la défense des droits humains en 2000, lorsqu’un ami a été tué dans une fusillade dans leur quartier. En 2007, elle a rejoint la Commission pour la défense des droits humains et de la citoyenneté de l’Assemblée legislative de Rio.

Pendant 10 années passées au sein de la Commission, Marielle a apporté son soutien aux familles des victimes d’homicides et des policiers tués en service, et a travaillé sur d’autres sujets tels que le droit à un logement convenable. En 2016, elle a été élue au conseil municipal de Rio de Janeiro, se classant au cinquième rang en termes de nombre total de voix obtenues au niveau de la municipalité. En tant que conseillère municipale, elle a défendu les droits des femmes, des personnes LGBTI et des jeunes noirs vivant dans les favelas.

Quelques jours avant son assassinat, elle avait été nommée rapporteuse d’une commission chargée de surveiller l’intervention des services fédéraux dans le domaine de la sécurité publique à Rio de Janeiro.

Elle s’opposait à l’intervention et aux méthodes frontales des forces de sécurité, dénonçait fréquemment les violations des droits humains et entretenait des liens étroits avec les mouvements sociaux.

Depuis le 14 mars, Amnesty International ne cesse de demander aux autorités de mener dans les meilleurs délais une enquête approfondie, impartiale et indépendante sur le meurtre de Marielle et d’Anderson.

Au cours des quatre derniers mois, plus de 100 000 personnes de pays comme l’Argentine, le Brésil, le Canada, l’Italie, le Pérou, le Portugal, l’Espagne et la Suède ont signé une pétition réclamant la tenue d’une enquête efficace et demandant que justice soit rendue à Marielle et à Anderson. En outre, Amnesty International a organisé trois manifestations devant les bureaux de l’unité de la police civile chargée des homicides à Rio, du ministère de la Sécurité publique et du procureur général de l’État de Rio.

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