BRÉSIL : Espírito Santo : trêve de promesses creuses, des vies sont en jeu

Index AI : AMR 19/014/02

« La récente vague de manœuvres d’intimidation dont ont été victimes des défenseurs des droits humains dans l’État de l’Espírito Santo – où plus de 50 personnes ont été menacées de mort la semaine dernière – souligne une fois de plus l’urgente nécessité d’enquêter de manière exhaustive sur les atteintes aux droits humains, le crime organisé et la corruption qui perdurent dans cet État, et de traduire enfin en justice les responsables présumés », a déclaré ce jour (jeudi 25 juillet 2002) Amnesty International.

« C’est le moyen le plus efficace dont disposent les autorités pour garantir la protection des défenseurs des droits humains, et mettre fin aux homicides commis dans cet État », a ajouté Amnesty International, le jour de la publication par l’organisation brésilienne de défense des droits fondamentaux Justiça Global d’un nouveau rapport, consacré à la situation critique des militants des droits humains dans l’Espírito Santo.

Amnesty International a exhorté les autorités à accorder à la nouvelle équipe spéciale, créée par le gouvernement fédéral pour enquêter sur la criminalité organisée dans cet État, le soutien durable et sans réserve dont elle a besoin – tant sur le plan politique que financier – pour pouvoir s’acquitter efficacement de sa tâche.

« Sans quoi, cette équipe spéciale deviendra une autre promesse creuse à inscrire au bilan du président en matière de droits humains », a souligné l’organisation.

Amnesty International a formulé diverses recommandations précises en vue de garantir l’efficacité de cette équipe spéciale. Elle a notamment engagé les autorités à :
– veiller à ce que cette équipe soit clairement mandatée pour enquêter sur les atteintes aux droits humains qui demeurent impunies depuis des années dans l’Espírito Santo, et à traduire en justice les responsables présumés. Cela implique que des investigations fédérales soient menées sur ces crimes, comme le permettent les dispositions de la loi n° 10 440 de mai 2002 ;
– faire en sorte que chaque enquête soit menée de manière impartiale en toute transparence, et que la sécurité des représentants de l’appareil judiciaire de l’État soit garantie, afin que toutes les enquêtes judiciaires puissent se dérouler rapidement ;
– établir clairement quels seront les critères appliqués pour décider d’une éventuelle prolongation des activités de cette équipe spéciale au-delà de la période initiale de quatre-vingt-dix jours, et qui sera habilité à se prononcer sur ce point.

« Le gouvernement fédéral doit surtout ne pas se décharger de ses responsabilités à l’égard de tous les défenseurs des droits humains de l’Espírito Santo, qui sont tout particulièrement exposés aujourd’hui en raison de leur engagement de longue date dans la lutte contre le crime organisé, la violence, les atteintes aux droits humains, la corruption et l’impunité », a indiqué Amnesty International.

Le gouverneur de l’État de l’Espírito Santo, José Ignácio Ferreira, a récemment demandé à rencontrer des représentants de l’organisation. Amnesty International recueillera avec intérêt toutes les informations que le gouverneur voudra bien lui communiquer au cours de cette rencontre. Elle a d’ores et déjà sollicité des renseignements précis sur de nombreux sujets et s’est notamment enquise du nombre d’homicides commis par des policiers, ainsi que de l’état d’avancement de toute enquête sur ces affaires, en demandant des détails sur les investigations relatives à des cas précis d’homicides, comme ceux du père Gabriel Maire, de Jean Alvez da Cunha et de Marcelo Denadai.

Tant qu’elle n’aura pas obtenu ces informations, Amnesty International continuera à considérer que cet État est en situation de crise sur le plan des droits humains. Cette analyse se fonde sur plusieurs missions d’enquête effectuées dans l’Espírito Santo, dont la dernière date d’avril 2002, et sur des informations émanant de sources extrêmement diverses, notamment du Conselho de Defesa dos Direitos da Pessoa Humana (Conseil de défense des droits de la personne humaine) du ministère de la Justice, du rapport de la Commission d’enquête parlementaire fédérale chargée de mener des investigations sur le trafic de stupéfiants, de membres du gouvernement de l’État, de la communauté locale des défenseurs des droits humains, du ministère public de l’État, et de l’Ordem dos Advogados do Brasil (OAB, Ordre des avocats du Brésil), ainsi que de policiers en service ou en retraite.

Amnesty International entend envoyer une autre délégation dans l’Espírito Santo cette année, afin de suivre l’évolution des investigations confiées à l’équipe spéciale du gouvernement fédéral, et de mettre à jour les informations recueillies dans le cadre de sa précédente visite.
« Nous retournerons dans l’Espírito Santo pour nous assurer que des mesures efficaces ont été prises afin de protéger ceux qui contribuent à la défense des droits humains et à la lutte contre la violence et la corruption, et de mettre fin à l’impunité généralisée dont ont bénéficié jusqu’ici les responsables de violations des droits fondamentaux dans cet État », a conclu Amnesty International.

Complément d’information
Ce mois-ci, le Conseil de défense des droits de la personne humaine du ministère de la Justice avait recommandé une intervention fédérale dans l’Espírito Santo, étant donné la gravité des problèmes d’atteintes aux droits humains, de criminalité organisée et d’impunité auxquels est confronté cet État. Le procureur général fédéral ayant refusé d’appuyer ces recommandations, le ministère de la Justice a annoncé la création d’une équipe spéciale fédérale, chargée de mener des investigations sur la criminalité organisée dans l’Espírito Santo pendant une période de quatre-vingt-dix jours. Cette équipe sera entièrement composée d’enquêteurs fédéraux.

Amnesty International rappelle qu’en décembre 2001, le ministère de la Justice avait annoncé l’envoi d’une équipe spéciale fédérale chargée de mener des investigations sur la violence, le crime organisé et l’esclavage dans le sud de l’État du Pará pour une période de six mois. Cette équipe spéciale n’a jamais vu le jour.

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