Brésil. Le gouvernement doit travailler avec les communautés pour venir à bout de la crise de la sécurité

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AMR 19/015/2007

Amnesty International a appelé ce jeudi 6 juillet les autorités fédérales et des différents États du Brésil à travailler avec les communautés locales, et non à s’opposer à elles, pour venir à bout de la crise de la sécurité publique dans le pays.

Cet appel est lancé après des mois d’opérations de police avec violence dans le Complexo do Alemão et à Vila da Penha qui ont fait des dizaines de morts et laissé des milliers de personnes démunies face à la fermeture des écoles et des centres de santé et aux coupures d’eau et d’électricité.

"Le nouveau gouvernement de Rio de Janeiro sacrifie la vie et les moyens de subsistance de centaines de milliers de personnes en recourant sporadiquement à des opérations de maintien de l’ordre qui sont tout à la fois discriminatoires, violentes et inefficaces", a déclaré Tim Cahill, chercheur pour le Brésil auprès d’Amnesty International.

« Loin d’apporter la sécurité aux communautés qui la réclament désespérément, ces incursions par intermittence dans le Complexo do Alemão et à Vila da Penha ont mis des vies en danger et causé des dommages sociaux et économiques qui nécessiteront des années d’effort pour tout réparer », a déclaré Tim Cahill.

En mai 2007, José Mariano Beltrame, secrétaire d’État à la Sécurité publique, a déclaré à Amnesty International que les opérations de sécurité menées dans les favelas de Rio avaient le soutien des communautés car elles leur garantissaient le libre passage à l’intérieur de leur quartier. Il reconnaissait que ce type d’opérations pouvait avoir quelques effets négatifs, mais soulignait que « l’on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs ».

« Il est temps que Rio de Janeiro et ses dirigeants entendent les voix de ceux et celles qu’ils prétendent défendre. Il ne s’agit pas d’œufs ici, mais bien de gens avec des noms et des adresses. Malheureusement pour eux, leur adresse semble les exclure du type de protection offert aux quartiers riches, comme Leblon et Ipanema », a déclaré Tim Cahill.

Amnesty International est également préoccupée par le fait qu’une partie des médias et les autorités fédérales et de certains États cherchent à mettre en cause et discréditer les résidents de ces communautés et les militants des droits humains qui se sont opposés aux actions de certains policiers.

« Il est irresponsable de laisser entendre que ceux et celles qui dénoncent de possibles exécutions extrajudiciaires, actes de torture et d’intimidation, pillages pendant ces opérations réclament un maintien de l’ordre avec « des pétales de rose et du talc » ou qu’il sont à la solde de réseaux liés à la drogue, a déclaré Tim Cahill.

« Discréditer ou étouffer ces plaintes ne fera au mieux que renforcer l’idée selon laquelle la sécurité et le bien-être des résidents ont une importance secondaire pendant ces opérations et, au pire, enverront le message que des actions illégales perpétrées dans le cadre de ces opérations sont permises.

Une véritable sécurité ne pourra être obtenue qu’en travaillant avec les communautés à la protection de tous leurs droits et en combinant une présence policière permanente et respectueuse avec des investissements sociaux ciblés. »

Complément d’information

Lorsque le nouveau gouvernement de Rio de Janeiro est entré en fonction en janvier 2007, il a promis une approche nouvelle des problèmes de sécurité publique qui touchent depuis longtemps la ville et de remplacer la violence et l’intimidation par une stratégie à long terme de réintégration des communautés exclues de Rio. Au lieu de cela, les premiers six mois de l’année ont été les plus violents que la ville ait jamais connus, avec un nombre record de personnes tuées par la police et de policiers tués.

L’opération de police qui a duré deux mois dans les favelas du Complexo do Alemão et de Vila da Penha, au nord de Rio, est symptomatique de la situation. Ces communautés sont censées abriter les dirigeants de l’un des principaux réseaux de drogue de la ville qui domine et terrorise les résidents depuis des années ; pourtant, lorsqu’Amnesty International s’est rendue dans le Complexo do Alemão en mai, aucune présence policière n’était visible.

Amnesty International s’est rendue dans la communauté de Grota et a également parlé avec les représentants des communautés du Complexo do Alemão et de Vila da Penha. Tous ont insisté sur le fait qu’ils voulaient se débarrasser du joug des trafiquants de drogue et souhaitaient une présence policière permanente et efficace. Mais ils ont également fait état de morts et blessures dues à des balles perdues, d’agressions physiques et verbales par des policiers, de la destruction de biens, de coupures d’eau et d’électricité et de la fermeture des écoles, des centres de santé et des petits commerces.

Soixante jours après le début des opérations, le bilan s’établit à 44 morts et plus de 80 blessés, parmi lesquels des policiers et plusieurs passants touchés par des balles perdues.

Le 27 juin, la police a lancé ce qu’elle a appelé une « méga opération » avec 1350 policiers fédéraux et de l’État de Rio. Dix-neuf personnes ont été tuées au cours de cette opération. Selon des membres de la commission des droits humains de l’État, plusieurs homicides se sont produits dans des circonstances qui laissent supposer qu’il s’agissait d’exécutions extrajudiciaires. Amnesty International s’inquiète des tentatives faites pour dénigrer ces allégations et demande avec insistance aux autorités de briser la tradition consistant à couvrir les auteurs de tels faits et de mettre fin à l’impunité dont ont bénéficié les auteurs d’actes semblables dans le passé. Un maintien de l’ordre fondé sur l’illégalité met en danger à la fois les civils et les policiers.

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