Brésil. Les militants pour le droit à la terre sont de nouveau pris pour cibles par la justice pénale

Synthèse destinée aux médias

ÉFAI

Amnesty International s’inquiète de ce que des membres du système judiciaire pénal brésilien cherchent à criminaliser les militants pour le droit à la terre, compromettant ainsi leur lutte en faveur de réformes agraires et foulant aux pieds leurs droits fondamentaux.

Ces inquiétudes font suite à une série de mesures judiciaires prises à tort à l’encontre des militants pour le droit à la terre dans plusieurs États. Dans le Rio Grande do Sul, les procureurs et la police militaire prennent pour cible le Mouvement des paysans sans terre (MST), en recourant à des accusations pénales fallacieuses et à des expulsions illégales et abusives. Dans l’État du Pará, les militants pour le droit à la terre sont en butte à des décisions de justice irrationnelles et dépourvues de fondement légal qui visent à compromettre leur travail, tandis que ceux qui les menacent et les tuent échappent à toute sanction.

« L’expansion agraire au Brésil ne doit pas se faire au détriment des droits des plus vulnérables ni de ceux qui les défendent, a déclaré Tim Cahill, chercheur sur le Brésil à Amnesty International.

« Les autorités fédérales et étatiques ont le devoir de protéger les droits de tous les Brésiliens, y compris le droit à un logement, à une nourriture et à une eau convenables. »

Dans le Rio Grande do Sul, les procureurs étatiques et fédéraux, avec l’appui de la police militaire, ont lancé une campagne dont l’objectif avoué est de déclarer illégal le Mouvement des paysans sans terre (MST). Cette campagne s’est traduite par des accusations pénales dirigées contre des membres du MST, des actions en justice douteuses et des expulsions illégales de camps du MST.

Dans cet État, la police militaire et les procureurs étatiques ont à maintes reprises lancé des accusations infondées contre le MST, lui reprochant d’être, entre autres, un groupe de criminels, une organisation paramilitaire et une menace pour la sécurité nationale. Toutefois, aucun élément crédible n’est venu étayer ces allégations. En outre, une enquête menée précédemment par la police fédérale sur des accusations analogues formulées par des propriétaires terriens contre le MST n’avait pas permis de mettre en lumière des éléments probants susceptibles de les corroborer.

Bien qu’elles s’appuient sur des décisions de justice, les expulsions des camps du MST sont souvent effectuées en recourant de manière excessive à la force, en violation des normes minimales du droit à un logement suffisant et du droit de ne pas être expulsé de force (définies dans l’article 11-1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, PIDESC). L’État n’a pas non plus pris toutes les mesures appropriées afin de garantir que les familles expulsées ne se retrouvent pas sans toit ni exposées à une violation d’autres droits humains et de veiller à les reloger dans des logements convenables ou à leur offrir un accès à une terre productive (article 16 de l’Observation générale 7 du PIDESC).

Le 17 juin, la police militaire a expulsé plusieurs familles du MST installées depuis trois ans sur des terres qui leur avaient été cédées par des propriétaires terriens dans la municipalité de Carazinho. Les policiers ont forcé plusieurs familles à quitter leur campement et ont détruit des récoltes, des habitations, une école, une église et une crèche, ainsi que du bétail en pâture. Les familles ont été contraintes de camper le long d’un grand axe routier.

Le 12 juin, dans l’État amazonien du Pará, un tribunal fédéral a condamné à une peine de deux ans et cinq mois d’emprisonnement José Batista Gonçalves Afonso, avocat de la Commission pastorale de la terre (CPT), liée à l’Église catholique. Il était accusé d’avoir orchestré l’occupation par le MST d’un bâtiment gouvernemental et d’avoir retenu des représentants de l’État contre leur volonté, alors qu’il se trouvait à l’intérieur en train de négocier avec ces mêmes représentants lorsque le bâtiment a été envahi.

Toutes les autres personnes inculpées dans cette affaire ont été enjointes de verser des amendes ou d’effectuer des travaux d’intérêt général. Seul José Batista s’est vu condamner à une peine d’emprisonnement, bien que le juge ait reconnu dans sa décision que celui-ci n’avait aucun contrôle sur les manifestants. Ce qui a eu pour effet d’accroître les soupçons selon lesquels cette décision visait à entraver le travail des défenseurs des droits humains dans l’État du Pará. José Batista fait actuellement appel de cette décision afin de recouvrer sa liberté.

Au cours des derniers mois, d’autres événements témoignent de la pression que subissent ceux qui luttent pour les droits des sans-terre dans tout le Brésil. En mai, un tribunal de l’État du Pará a infirmé la condamnation d’un fermier accusé d’être le commanditaire du meurtre de sœur Dorothy Stang, qui défendait avec vigueur l’environnement et les sans-terre. Divers experts judiciaires de premier plan et des membres du gouvernement fédéral ont mis en cause le fondement légal de ce jugement.

En mai également, dans l’État du Paraná, des familles de sans-terre ont été agressées par des hommes de main armés qui conduisaient un camion blindé spécialement transformé. Plusieurs de ces hommes, employés de la société de sécurité privée NF Segurança, avaient déjà été inculpés pour avoir participé au meurtre d’un dirigeant du MST dans une ferme appartenant à la multinationale Syngenta, en octobre 2007. Plus d’un an après, une enquête de la police fédérale concluait que le personnel et les directeurs avaient commis un certain nombre d’irrégularités. Pourtant, NF Segurança continue d’exercer en tant que société de sécurité, un organe juridique de la police fédérale et les procureurs fédéraux n’ayant pas donné suite à ces allégations.

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