Brésil. Lorsqu’une police parallèle torture des reporters, ce sont la liberté d’expression et l’état de droit qui sont menacés

AMNESTY INTERNATIONAL
COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI
5 juin 2008

Des bandes criminelles composées de policiers n’étant pas en service sont en train de mettre en péril la liberté de la presse et la protection des droits humains à Rio de Janeiro, a déclaré Amnesty International en réaction aux informations selon lesquelles une équipe de reporters aurait été kidnappée et torturée par un de ces groupes appelés « milicias ».

« Amnesty International se félicite de ce que le secrétaire d’État à la Sécurité publique José Beltrame a assuré qu’une enquête serait menée sur ces crimes odieux, a déclaré Tim Cahill, responsable des recherches sur le Brésil au sein de l’organisation. Les auteurs de ces violences doivent être amenés à rendre des comptes, et des mesures doivent être prises de toute urgence pour démanteler les milicias. »

« Jusqu’à maintenant, le gouvernement de Rio de Janeiro a été loin d’honorer la responsabilité qu’il a de combattre cette police parallèle. Cette attitude renforce le sentiment de légitimité de ces groupes. »

Le 14 mai, dans le quartier de Batan de Rio de Janeiro, trois membres du personnel du quotidien O Dia et un habitant du quartier ont été retenus et brutalisés pendant plusieurs heures par les membre de la milicia locale. Batan est l’un de ces quartiers dont le contrôle a été arraché aux trafiquants de drogues par les milicias.

Les trois personnes travaillant pour O Dia, deux hommes et une femme, vivaient en cachette dans le quartier de Batan pour enquêter sur les activités des milicias.

« Les tortures qu’ils ont endurées ont permis de mettre fin au mythe entretenu par certains membres de la classe politique et des médias selon lequel les milicias constitueraient une protection efficace contre le crime et la violence », a indiqué Tim Cahill.

« L’action des journalistes est essentielle pour faire connaître les atteintes aux droits humains endurées par les populations les plus vulnérables à Rio de Janeiro et ailleurs dans le monde. »

Complément d’information

Les milicias sont composées de pompiers et de policiers qui ne sont pas en service. De nombreux habitants de favelas ont décrit comment ces groupes contrôlent leur quartier par la violence, extorquant des fonds en échange de leur protection tout en contrôlant les ventes d’essence, les transports, les connexions au réseau de télévision par câble et d’autres services. On les accuse d’exercer un pouvoir politique en obtenant, par des manœuvres d’intimidation, des voix pour certains députés.

Les milices existent à Rio de Janeiro depuis un certain temps déjà, mais l’accroissement soudain de leur nombre remonte à décembre 2006 lorsque plus d’une centaine de favelas ont été envahies par ces groupes. L’augmentation du nombre des milices peut sans aucun doute être attribuée aux décennies d’un maintien de l’ordre caractérisé par la négligence, les violations des droits humains et l’impunité qui ont permis aux malfaiteurs et aux policiers corrompus de prospérer aux dépens des personnes travaillant tous les jours pour faire vivre ces quartiers.

Le maintien de l’ordre par la force, tel que préconisé encore la semaine dernière par le gouverneur Sergio Cabral et qui se traduit par un nombre élevé d’homicides et d’opérations de type militaire, s’est avéré peu efficace. Dans le rapport qu’il a présenté récemment au Conseil des droits de l’homme, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a déclaré que la stratégie du gouverneur avait été motivée par des considérations politiques et qu’elle s’était appuyée sur les sondages d’opinion ; il a souligné son caractère contre-productif.

Les autorités de l’État se sont constamment réfugiées derrière des considérations techniques ou opérationnelles pour justifier leur absence d’intervention face à ces milices, tout en justifiant les opérations discriminatoires et répressives contre les trafiquants de stupéfiants. Le résultat est que les millions d’habitants des favelas vivent toujours dans l’insécurité sous l’emprise des groupes de trafiquants et des milicias.

FIN

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