Face au premier cas connu d’homicide par balle à la frontière de l’Union européenne, Amnesty International demande à la ministre bulgare de l’Intérieur de veiller à ce que l’enquête ouverte sur la mort d’un demandeur d’asile afghan à la frontière entre la Bulgarie et la Turquie dans la nuit du 15 octobre soit indépendante, rigoureuse et efficace, et que ses résultats soient rendus publics. Amnesty International demande également aux autorités bulgares de faire le nécessaire pour que l’ensemble des témoins des faits soient interrogés et se voient donner la possibilité de relater les événements sans crainte d’être persécutés, intimidés ou menacés.
Selon des informations largement relayées par les médias, le soir du 15 octobre vers 22 heures, un groupe d’une cinquantaine de personnes, toutes de nationalité afghane semble-t-il, a été intercepté par la police bulgare des frontières près de la ville de Sredets, dans le sud-est du pays, à environ 30 kilomètres de la frontière entre la Bulgarie et la Turquie. Selon les déclarations des autorités bulgares faites le 16 octobre, alors que le groupe de réfugiés résistait à l’arrestation, un coup de semonce a été tiré en l’air par un des policiers pour finalement ricocher et blesser grièvement l’un des hommes, qui est mort sur le chemin de l’hôpital.
D’après les médias, le parquet régional de Bourgas a ouvert une enquête sur ce décès. Amnesty International se félicite de cette décision et demande aux autorités de mener une enquête minutieuse afin de déterminer si la police des frontières a agi conformément au droit bulgare et aux normes internationales en matière de droits humains juridiquement contraignantes pour la Bulgarie, et si le recours à la force était proportionné face aux circonstances de l’événement.
Amnesty International rappelle aux autorités bulgares qu’en vertu du droit international relatif aux droits humains et des normes élaborées dans le but de protéger les droits à la vie et à l’intégrité physique et morale, les responsables de l’application des lois sont tenus d’éviter et de limiter le recours à la force, et qu’ils doivent respecter les critères de proportionnalité et de nécessité à tout moment. Selon la disposition spéciale n° 9 des Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, « [l]es responsables de l’application des lois ne doivent pas faire usage d’armes à feu contre des personnes, sauf en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave, ou pour prévenir une infraction particulièrement grave mettant sérieusement en danger des vies humaines, ou pour procéder à l’arrestation d’une personne présentant un tel risque et résistant à leur autorité, ou l’empêcher de s’échapper, et seulement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes pour atteindre ces objectifs. Quoi qu’il en soit, ils ne recourront intentionnellement à l’usage meurtrier d’armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines. »
Les autorités bulgares doivent également veiller à ce qu’une assistance et des secours médicaux soient fournis aussi rapidement que possible à toute personne blessée. Les gouvernements doivent établir des procédures d’enquête dignes de ce nom lorsqu’une personne est blessée après que la police a recouru à la force, et doivent garantir qu’une utilisation arbitraire ou abusive de la force par la police soit punie comme une infraction pénale.
Les autres membres du groupe ont été arrêtés et sont incarcérés au centre de détention d’Elhovo. Amnesty International exhorte les autorités bulgare à prendre des mesures pour qu’ils aient accès à une procédure d’asile et à un accueil adapté. On a recensé par le passé des cas de demandeurs d’asile transférés de garde à vue - où ils étaient sous la responsabilité de la police des frontières - directement en détention, où l’accès à la procédure d’asile était limitée.
Complément d’information
Le nombre de réfugiés, demandeurs d’asile et migrants arrivant sur le territoire bulgare après avoir franchi la frontière avec la Turquie a fortement augmenté en 2015 (environ 21 000 personnes). Ils n’étaient que 3 000 en 2014 (contre environ 11 000 en 2013), après la construction d’une clôture de 33 kilomètres le long de la frontière avec la Turquie et le déploiement d’un système de surveillance de grande ampleur, incluant détecteurs, caméras thermiques et la présence de nombreux éléments de la police des frontières.
Des organisations internationales et nationales, parmi lesquelles Amnesty International, ont fait état d’allégations de renvois forcés de réfugiés et de migrants par la police bulgare à la frontière avec la Turquie. En mars, deux yézidis sont morts d’hypothermie à la frontière turque après avoir été renvoyés de force et roués de coups par des policiers bulgares. L’enquête interne ouverte sur cette affaire a été suspendue, car les autorités bulgares n’ont pas été en mesure d’établir où les faits avaient eu lieu. Aucune autre enquête n’est en cours et les autorités bulgares ont toujours nié les allégations.