BURUNDI : Déploiement des observateurs du cessez-le-feu : un moment essentiel

Index AI : AFR 16/002/2003

L’Union africaine se prépare à envoyer une force internationale au Burundi pour surveiller la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu signé en décembre 2002 par le gouvernement du Burundi et le Conseil national pour la défense de la démocratie - Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD). Amnesty International a profité de cette occasion pour demander, ce mercredi 5 février 2003, aux signataires de l’accord de prendre immédiatement des mesures pour empêcher leurs forces de commettre des atteintes aux droits humains, en particulier en tuant des civils non armés.

« L’accord de cessez-le-feu ne signifiera quasiment rien pour la population burundaise si ce climat de violation des droits humains perdure, voire se détériore », a déclaré l’organisation de défense des droits humains.
Pour Amnesty International, il est essentiel que le mandat des forces de l’Union africaine intègre de manière explicite la protection des droits humains et la lutte contre les atteintes à ces droits. Pour remplir cette mission, les forces déployées doivent disposer de moyens suffisants, d’une formation adéquate et du soutien politique nécessaire. Il faut que des informations détaillées soient fournies sur les atteintes aux droits humains.

Trente-cinq observateurs doivent arriver au Burundi de manière imminente ; ils seront suivis par une force de surveillance plus importante. Le déploiement de cette force d’observation internationale est un des points capitaux de l’accord de cessez-le-feu. Cette étape est attendue impatiemment par certaines parties, tandis que d’autres la craignent ou s’y opposent, notamment parce qu’elle pose immédiatement la question ultra sensible de la réforme des forces armées gouvernementales.

De telles réactions ne peuvent être qu’exacerbées par le conflit et les exactions actuels, qui créent en outre un climat propice à une aggravation de la crise des droits humains.

Les combats entre les forces armées du gouvernement et le CNDD-FDD s’étaient apaisés en décembre 2002. Cependant, les hostilités ont repris en divers endroits du pays - en particulier autour de Gitega et dans la zone frontalière du sud-est, autour de Ruyigi. Des informations y ont fait état de civils non armés tués en représailles par les forces armées, ainsi que d’homicides illégaux et de pillages imputables au CNDD-FDD. La reprise des hostilité a par ailleurs aggravé une situation humanitaire déjà déplorable. Dans ces régions, des dizaines de milliers de personnes auraient été récemment déplacées et se trouveraient dans l’impossibilité de recevoir une aide humanitaire.

De 20 à 30 civils non armés ont été exécutés extrajudiciairement par des membres des forces armées gouvernementales à Muvumu (Gisuru) le 20 janvier. Ces homicides semblent avoir été perpétrés en représailles à la mort de 10 soldats tués deux jours auparavant dans une embuscade tendue par le CNDD-FDD. Selon certaines informations, d’autres homicides de ce type ont récemment été commis par des soldats du gouvernement. Le 2 février, par exemple, sept civils ont été choisis au hasard et abattus à Kamenge (Bujumbura), en riposte à une embuscade tendue à un véhicule militaire près de Kamenge.

Plusieurs personnes, dont au moins un responsable gouvernemental local (chef de secteur), ont été délibérément et illégalement tuées par des combattants du CNDD-FDD au cours de cette même période.

Plusieurs autres personnes auraient été enlevées, et de très nombreuses maisons auraient été pillées.

L’autre principal groupe politique armé, le PALIPEHUTU-FNL, dirigé par Agathon Rwasa, n’a pas signé l’accord de cessez-le-feu ; il est toujours actif aux environs de la capitale, attaquant et pillant régulièrement des quartiers périphériques. Il commet de nombreuses exactions, dont des homicides illégaux sur la personne de responsables gouvernementaux et de civils soupçonnés d’avoir collaboré d’une manière ou d’une autre avec le gouvernement ou l’armée dans la zone où ce groupe opère.

 Amnesty International demande instamment à l’Union africaine et aux autres organes participant aux actuelles négociations au Burundi de faire en sorte que les observateurs chargés de surveiller le cessez-le-feu disposent du mandat et des moyens nécessaires pour protéger les droits humains, prévenir les atteintes à ces droits et les dénoncer publiquement, le cas échéant ;
 l’organisation demande également à l’Union africaine et aux signataires du cessez-le-feu de coopérer lors des enquêtes sur les atteintes aux droits humains, et de faire en sorte que les personnes soupçonnées de ces agissements soient déférées à la justice ;
 elle prie instamment le gouvernement et les responsables militaires du Burundi de faire clairement savoir aux forces de sécurité que les exécutions extrajudiciaires et autres homicides illégaux sur des civils non armés ne seront pas tolérés. Pour cela, il faut non seulement faire des déclarations publiques en ce sens, mais aussi mener des enquêtes approfondies et indépendantes sur toutes les informations faisant état d’homicides de ce type, rendre publics les résultats de ces enquêtes et faire en sorte que les personnes soupçonnées d’avoir ordonné ou commis ces homicides soient immédiatement suspendues de leurs fonctions et déférées à la justice ;
 l’organisation de défense des droits humains exhorte aussi les dirigeants du CNDD-FDD et du PALIPEHUTU-FNL d’ordonner immédiatement à leurs partisans armés de mettre fin aux homicides sur des civils, et aux exécutions sommaires de soldats faits prisonniers ;
 enfin, Amnesty International appelle toutes les parties à faire en sorte que les organisations humanitaires et de défense des droits humains ne soient pas gênées dans leur travail, et à faire le nécessaire pour que la population civile bénéficie de l’aide humanitaire et d’une protection contre les atteintes aux droits humains dans les zones de conflit.

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