BURUNDI : Pas de justice pour les victimes du massacre d’Itaba

Index AI : AFR 16/005/2003

Amnesty International condamne de la façon la plus ferme la faillite du
système de justice burundais qui n’est pas parvenu à conduire devant la
justice les membres des forces armées burundaises soupçonnés d’être
responsables du massacre de civils non armés (entre 173 et 267) parmi
lesquels un grand nombre de femmes, d’enfants et de personnes âgées qui ont
été délibérément et illégalement tués dans la commune d’Itaba, province de
Gitega, le 9 septembre 2002.

« Encore une fois, il est clair qu’il n’y a tout simplement pas la volonté
de tenir les forces armées burundaises pour responsables de leurs actions ni
de les conduire devant la justice pour des atteintes flagrantes aux droits
humains », a dit Irène Khan, secrétaire générale d’Amnesty International.

Initialement l’information concernant le massacre avait été dissimulée.
Lorsque des détails ont commencé à être connus et que l’indignation a grandi
au niveau national et international, deux officiers de l’armée, accusés
d’être responsables, ont été arrêtés. Toutefois, le 22 février 2003, ils ont
simplement été reconnus coupables de violation de consignes militaires par
un conseil de guerre. Ils ont été condamnés à quatre mois d’emprisonnement
et remis en liberté.

Une délégation d’Amnesty International conduite par Irène Khan s’était
rendue au Burundi en septembre 2002, peu de temps après le massacre. La
délégation avait rencontré des survivants, dont une fillette de six ans,
blessée par balles alors qu’elle s’enfuyait de sa maison en flammes, seule
survivante de sa famille, ainsi que des témoins oculaires et d’autres
personnes, parmi lesquelles des groupes burundais de défense des droits
humains enquêtant sur ces homicides. La délégation avait rencontré le
président Pierre Buyoya ainsi que d’autres hauts responsables du
gouvernement qui avaient promis que justice serait faite.

« Il est clair que justice n’a pas été faite. Bien que nous soyons
extrêmement déçus à l’issue de ce procès, nous ne pouvons pas dire que nous
sommes surpris, a dit Irène Khan. Il y a eu faillite quasi totale à mener
véritablement une enquête, faire répondre de leurs actes et conduire devant
la justice les membres des forces armées soupçonnés d’être responsables
d’atteintes flagrantes aux droits humains. »

Les autorités burundaises avaient déclaré dans un premier temps que les
victimes avaient été tuées lors d’échanges de coups de feu entre l’armée et
des combattants du Conseil National pour la Défense de la Démocratie -
Forces pour la Défense de la Démocratie (CNDD-FDD).

Au fur et à mesure que la lumière se faisait, il est apparu clairement que
l’armée était seule responsable de ces homicides ; que les combattants du
NDD-FDD avaient déjà quitté la zone ; que la population civile avait été
délibérément ciblée et que la plupart des victimes avaient été tuées à bout
portant. Les autres avaient été tuées alors qu’elles tentaient de fuir ou
étaient mortes brûlées vives dans l’incendie des maisons où elles s’étaient
cachées.

Bien que les forces armées burundaises aient reconnu les homicides, pour des
raisons qui ne sont pas claires, l’accusation de meurtre a été abandonnée au
profit d’autres chefs d’inculpation moins graves (manquement à la solidarité
publique et violation de consignes militaires). Acquittés du premier chef
d’inculpation, les officiers ont été reconnus coupables de violation de
consignes militaires pour n’avoir pas établi de rapport concernant les faits
et parce qu’il aurait dû être clair que, bien qu’ils aient reçu l’ordre de
faire feu sur tout combattant dans cette zone, ils tiraient à ce moment-là
sur une population civile non armée. Le procureur militaire aurait plaidé en
déclarant que les civils ayant reçu l’ordre de quitter la zone chaque fois
que des combattants s’y trouvaient, il était légitime de considérer tous
ceux qui restaient comme des combattants.

Amnesty International demande aux autorités burundaises de :
 rouvrir l’instruction sur le massacre d’Itaba de façon à ce qu’une enquête
approfondie, indépendante et impartiale soit menée et que les personnes
soupçonnées d’être responsables soient jugées selon les normes
internationales en matière de procès équitable et sans qu’il y ait recours à
la peine capitale ;
 condamner publiquement les atteintes aux droits humains parmi lesquelles
figurent les exécutions extrajudiciaires perpétrées par leurs forces armées
et d’établir clairement que ces atteintes constituent des infractions
pénales et seront punies comme telles ;
 mener des enquêtes rapides, indépendantes et impartiales sur tous les
homicides illégaux de civils, rendre les résultats publics et juger les
personnes soupçonnées d’être responsables selon les normes internationales
en matière de procès équitable et sans qu’il y ait recours à la peine
capitale ;
 réformer de façon urgente le système de justice militaire.

Complément d’information
Le massacre d’Itaba s’inscrit dans une série d’exécutions de masse
perpétrées par les forces armées au Burundi au cours de la seule année
dernière. Plus de cinq cents civils non armés, parmi lesquels de nombreux
enfants, ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires en 2002. Bien que
chaque année des centaines de personnes meurent de cette façon, très peu de
soldats courent même le risque d’être poursuivis pour atteintes aux droits
humains. Dans les quelques rares procès qui ont lieu, les accusés reconnus
coupables ne sont condamnés qu’à des peines extraordinairement légères qui
constituent une insulte aux victimes et ne font que renforcer l’impunité des
forces armées.
Les juridictions militaires ne sont simplement pas capables de traduire en
justice les personnes soupçonnées d’être responsables d’atteintes aux droits
humains. Toutefois, les faiblesses inhérentes aux tribunaux militaires ne
persistent que parce qu’elles sont tolérées par les plus hautes autorités
qui, de manière plus générale, ne reconnaissent ni ne condamnent les
atteintes aux droits humains perpétrées par leurs forces.

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit