BURUNDI : Risques d’exécution : un retour en arrière

Index AI : AFR 16/012/2004

ÉFAI

Lundi 1er mars 2004

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International est très préoccupée par la reprise possible des
exécutions judiciaires au Burundi.

Quatre ressortissants rwandais risquent d’être exécutés très prochainement à
Bujumbura. Ces hommes ont été jugés le 23 février 2004 pour un vol commis
dans une banque de la capitale le 29 janvier 2004. Une personne avait trouvé
la mort au cours du hold-up et une forte somme d’argent avait été dérobée.

Arrêtés le 31 janvier 2004, les quatre hommes ont d’abord été placés en
détention au secret à la Brigade spéciale de recherche, une unité de la
gendarmerie, où ils auraient été roués de coups. À la suite de cette
arrestation, un officier de gendarmerie de Bujumbura a demandé que l’on
fasse un exemple de cette affaire, à des fins de dissuasion.

Le 26 février, le président du Burundi aurait déclaré à des journalistes que
le châtiment de ces hommes devrait être exemplaire et qu’il serait également
infligé à d’autres condamnés. Cette déclaration, qui augure d’une reprise
des exécutions, a suscité les plus vives inquiétudes en matière d’équité des
procès, le verdict et les conclusions des appels éventuels semblant être
décidés à l’avance.

Selon Amnesty International, « la paix au Burundi semble aujourd’hui plus
plausible qu’elle ne l’a été ces dix dernières années. Entamer cette
nouvelle ère par des exécutions après des procès inéquitables donnerait une
image très négative et violente des autorités, qui affirment par ailleurs
vouloir défendre les droits humains. De plus, ces exécutions iraient
absolument à contre-courant de la tendance abolitionniste mondiale. »

Dans le monde, 112 pays sur 190 - dont 22 en Afrique - ont en effet aboli la
peine de mort de facto ou de jure. Récemment, l’Angola, Maurice, le
Mozambique, la Namibie, les Seychelles, la Côte d’Ivoire et l’Afrique du Sud
ont supprimé ce châtiment. La semaine passée, en Zambie, le président Levy
Mwanawasa a pour sa part commué les peines de 44 condamnés à mort accusés
d’une tentative de coup d’État, et promis qu’aucune exécution n’aurait lieu
pendant son mandat.

Le procureur général du Burundi a requis la peine de mort pour les quatre
accusés. Dans ce pays, il est particulièrement inhabituel qu’un procès soit
organisé aussi rapidement après une arrestation. Le verdict devrait être
prononcé incessamment.

« Le président doit faire respecter les droits humains au Burundi, où aucune
exécution n’a eu lieu depuis l’année 2000. Il doit également respecter la
promesse historique faite par son parti : abolir la peine de mort », a
insisté Amnesty International.

Si l’organisation reconnaît le droit de chaque État de traduire en justice
toutes les personnes soupçonnées d’être impliquées dans des actes criminels,
elle considère que les exécutions constituent une violation des droits
humains fondamentaux, notamment du droit à la vie et de celui de ne pas être
soumis à un traitement ou à un châtiment cruel, inhumain ou dégradant.

Par ailleurs, la peine de mort est parfois prononcée à la suite de procès
inéquitables. Dans le cas des quatre ressortissants rwandais, le tribunal a
rejeté toute demande d’assistance juridique. Les accusés ont été contraints
de se défendre par leurs propres moyens, sans avoir le temps de se préparer.
Le procès a duré trois heures.

« Les autorités judiciaires du Burundi doivent veiller à ce que les détenus
puissent bénéficier de tous les recours autorisés pour assurer leur défense,
notamment du droit d’appel devant une instance supérieure », a ajouté
l’organisation.

Au regard des normes internationales, les accusés passibles de la peine de
mort ont droit au plus strict respect des garanties d’équité en matière de
procès, ainsi qu’à des garanties supplémentaires. Or, ces garanties ne sont
pas respectées au Burundi.

Le gouvernement burundais doit incontestablement faire face à une sérieuse
recrudescence des crimes violents, accentuée par la prolifération des armes
légères. Toutefois, sa réaction vis-à-vis de ce problème a été au mieux trop
faible et au pire un facteur aggravant. Au cours de l’année 2003, en réponse
aux attaques répétées de groupes armés et de gangs, y compris de membres des
forces de sécurité, le gouvernement a autorisé la distribution d’armes à la
population civile. Amnesty International reste très préoccupée par cette
initiative qui, dans un contexte d’insécurité et de pauvreté, entraînera
inévitablement de nouvelles atteintes aux droits humains.

« Le postulat selon lequel ces exécutions auraient un pouvoir dissuasif est
faux. Trop souvent, les exécutions à valeur exemplaire visent à donner une
impression de grande fermeté, alors que les problèmes sous-jacents tels que
le manque de crédibilité du pouvoir judiciaire ou la prolifération des armes
ne sont pas traités », a déclaré l’organisation.

Contexte

On compte actuellement plus de 450 condamnés à mort au Burundi. Un grand
nombre de ces sentences ont été prononcées à la suite de procès
particulièrement inéquitables et sans aucune possibilité d’appel. Jusqu’en
septembre 2003, les accusés passibles de la peine de mort étaient jugés par
une cour d’appel, ce qui excluait toute possibilité de recours. Aucune
mesure n’a été prise pour permettre une révision des procès des personnes
condamnées à mort par les cours d’appel.

En octobre 2000, deux membres des forces armées burundaises ont été exécutés
après un procès sommaire au cours duquel on leur a refusé toute assistance
juridique. Ils n’ont pas eu la possibilité d’interjeter appel de la
sentence. Les deux hommes étaient impliqués dans des affaires de meurtre à
fort retentissement sur l’opinion publique.

En juillet 1999, un caporal d’armée a été exécuté un jour après sa
condamnation à mort par un tribunal militaire de Bujumbura, bien qu’il ait
interjeté appel. Les dernières exécutions résultant de jugements civils ont
eu lieu en 1997 ; six personnes avaient été mises à mort à la suite de
procès manifestement inéquitables.

Chaque année, de nouveaux arguments viennent renforcer la thèse de
l’abolition de la peine de mort. Partout, on constate que les exécutions,
brutales pour toutes les personnes impliquées, n’ont pas entraîné de baisse
de la criminalité ni protégé la population des crimes violents.

La peine de mort légitime la violence. L’exécution d’un criminel ne peut pas
rendre la vie aux victimes ni rendre plus supportable la perte ressentie par
les proches. Sa seule fonction est d’institutionnaliser la vengeance. En
outre, les exécutions publiques véhiculent une idée dangereuse selon
laquelle un châtiment violent reste la meilleure des dissuasions. Elles ne
constituent pas qu’une dégradation de plus pour les condamnés, elles
déshumanisent et brutalisent également les personnes qui y assistent, tout
comme celles qui y procèdent.

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