« Ces accusations clairement forgées de toutes pièces sont un affront à l’égalité de genre et tournent en dérision l’état de droit. Le caractère arbitraire de l’arrestation de Ven Rachna et la violation discriminatoire de son droit à la liberté d’expression constituent un recul inquiétant de la situation des droits des femmes au Cambodge, a déclaré Nicholas Bequelin, directeur régional d’Amnesty International.
« Ces accusations s’appuient sur le détournement d’une loi censée combattre la traite des personnes, qui est en fait utilisée pour opprimer les femmes »
« Tandis que le gouvernement se vante de son bilan en termes de droits humains, cette affaire révèle une réalité bien cruelle, marquée par la répression et la discrimination que subissent de nombreuses personnes au Cambodge aujourd’hui.
« Ces accusations s’appuient sur le détournement d’une loi censée combattre la traite des personnes, qui est en fait utilisée pour opprimer les femmes. Ven Rachna doit être libérée immédiatement et toutes les accusations portées contre elle doivent être abandonnées.
« Les violences et les inégalités fondées sur le genre gangrènent le Cambodge et cette affaire ne fait qu’aggraver la situation. Au lieu de diaboliser et de harceler les femmes qui tentent de gagner leur vie en ligne, le gouvernement devrait s’attaquer aux causes profondes de son piètre bilan en matière de droits des femmes. »
Complément d’information
Le 21 février 2019, le tribunal municipal de Phnom Penh a inculpé Ven Rachna (aussi appelée par son pseudonyme sur Facebook Thai Sreyneang) de « pornographie » au titre des articles 38 et 39 de la Loi sur la traite des personnes et d’exposition d’un organe génital au titre de l’article 249 du Code pénal. Elle a été placée en détention provisoire à la prison CC2 de Phnom Penh. Au regard de ces chefs d’accusation, elle encourt une peine pouvant aller jusqu’à 15 mois d’emprisonnement.
Le 19 février, Ven Rachna a été conduite au poste de police de Tuol Kork à Phnom Penh, où elle a signé un accord dans lequel elle accepte de ne plus porter de tenues « suggestives » sur Facebook. Dans une vidéo postée sur Facebook par la police, on peut la voir s’excuser d’avoir porté des vêtements « qui déshonorent les traditions khmères » et « portent atteinte à l’honneur des femmes cambodgiennes ».
Ven Rachna a ensuite été relâchée, mais a de nouveau été arrêtée après avoir posté de nouvelles publications sur Facebook. Elle a été interrogée devant le tribunal municipal de Phnom Penh le 20 février, puis détenue jusqu’au lendemain matin au poste de Tuol Kork, avant d’être ramenée au tribunal et d’être inculpée le 21 février.
Au cours d’un discours délivré le 17 février 2020, le Premier ministre cambodgien Hun Sen a ordonné aux autorités de prendre des mesures immédiates contre les femmes qui portent soi-disant des tenues « suggestives » lorsqu’elles vendent des produits dans leurs diffusions en direct sur Facebook. Hun Sen a déclaré que ces femmes sapent les valeurs culturelles cambodgiennes et que ce type de comportements induit la violence sexuelle. Le Premier ministre a également ordonné au gouvernement de retrouver ces femmes et d’« éduquer » celles qui se livrent à de telles pratiques.
Dans son récent rapport sur le Cambodge, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes soulignait la forte proportion de femmes employées dans le secteur informel au Cambodge en raison des inégalités entre hommes et femmes et se disait préoccupé par « [l]es normes sociales qui justifient la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre et qui blâment la victime plutôt que l’auteur des actes, et la forte prévalence de cette violence, en particulier dans la famille, ainsi que du viol ».