CAMBODGE - Amnesty International demande aux États de désigner leurs juges et procureurs les plus qualifiés pour participer aux Chambres extraordinaires destinées à juger les Khmers rouges

Index AI : ASA 23/004/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Alors que dans moins d’un mois va se clore le processus de sélection des juges et des procureurs des nouvelles Chambres extraordinaires pour la poursuite au nom de la loi cambodgienne des crimes commis durant la période du Kampuchea démocratique (Chambres extraordinaires), Amnesty International demande à tous les États de désigner leurs candidats les plus qualifiés pour participer à ces Chambres.

Amnesty International fait campagne depuis 1978 en faveur des victimes des Khmers rouges. Si l’organisation a accueilli favorablement la création des Chambres extraordinaires en tant qu’avancée majeure pour traduire en justice quelques-uns des principaux responsables, elle a fait part de ses sérieuses préoccupations quant à certaines dispositions de l’accord qui établit ces Chambres.

En particulier, étant donnée la grande fragilité de l’appareil judiciaire cambodgien, Amnesty International a été consternée par la décision de nommer une majorité de juges cambodgiens au sein des Chambres extraordinaires. Onze des 19 juges doivent être cambodgiens, ainsi que l’un des deux procureurs.

Observant l’appareil judiciaire cambodgien et faisant des recommandations à son sujet depuis plusieurs années, Amnesty International estime qu’il est toujours très imparfait et susceptible de céder à des pressions politiques, notamment dans les affaires importantes. Il est actuellement dans l’incapacité de veiller à ce que les procès aient lieu dans des conditions d’équité conformes aux normes et au droit international.

Le rôle des huit juges internationaux et du procureur international auprès de leurs collègues cambodgiens sera très important, puisqu’ils devront veiller à ce que le fonctionnement des Chambres extraordinaires soit conforme aux normes les plus strictes en matière de justice, notamment en ce qui concerne le droit à un procès équitable et la mise en œuvre de mesures efficaces de protection des victimes et des témoins.

Il est de toute première importance que les gouvernements du monde entier désignent les candidats les plus qualifiés pour ces postes. Amnesty International a lancé un appel similaire pour la désignation des juges et du procureur de la Cour pénale internationale.

Les millions de victimes des crimes commis au regard du droit international par les Khmers rouges, ainsi que les familles de ces victimes, n’ont que trop attendu que justice soit rendue. Les Chambres extraordinaires ne réussiront à remplir leur mission que si elles ont le soutien le plus total de la communauté internationale.

Complément d’information

Le 6 juin 2003, les Nations unies et le gouvernement cambodgien sont parvenus à un accord sur la création des Chambres extraordinaires. L’ensemble de ces Chambres constituera un tribunal à caractère international utilisant tant le droit national que le droit international pour enquêter et poursuivre les principaux dirigeants Khmers rouges et les principaux responsables des crimes et des graves violations du droit pénal cambodgien, du droit international humanitaire et coutumier et des conventions internationales reconnues par le Cambodge, qui ont été commis entre le 17 avril 1975 et le 6 janvier 1979.

Cet accord prévoit la création des Chambres et des postes suivants :

 une Chambre de jugement constituée de trois juges cambodgiens et de deux juges internationaux ;

 une Chambre suprême constituée de quatre juges cambodgiens et de trois juges internationaux ;

 une Chambre de préjugement constituée de trois juges cambodgiens et de deux juges internationaux ;

 un juge d’instruction cambodgien et un juge d’instruction international ;

 un procureur cambodgien et un procureur international.

C’est le Conseil suprême de la magistrature cambodgien qui procédera à la sélection finale. Pour les postes internationaux, il choisira parmi les candidats présentés par le secrétaire général des Nations unies.
Amnesty International a exprimé de sérieuses réserves sur les Chambres extraordinaires dans le document Kingdom of Cambodia : Amnesty International’s position and concerns regarding the proposed "Khmer Rouge" tribunal (index AI : ASA 23/005/2003) du 25 avril 2003. Malgré l’évolution de la situation, presque toutes ces réserves restent valables encore aujourd’hui. Mais l’on peut espérer que la nomination et la sélection de brillants candidats qui remplissent toutes les conditions voulues pour les fonctions de juge ou de procureur permettront de faire tomber certaines de ces réserves.

Durant la période des Khmers rouges, le système judiciaire cambodgien a été complètement laissé à l’abandon. La grande majorité des juges et des avocats qui sont restés au Cambodge durant cette période sont morts ou ont été tués. La plupart de ceux qui ont survécu ont fui le pays le 25 décembre 1978, lorsque l’armée vietnamienne a envahi le Cambodge. Lorsque le gouvernement du Kampuchea démocratique est tombé le 7 janvier 1979, il ne restait que 10 avocats au Cambodge. L’appareil judiciaire cambodgien souffre à ce jour d’installations inadéquates, de salaires trop faibles, d’ingérence du pouvoir exécutif, de manque d’éducation et de formation du personnel et d’une législation insuffisante et peu appliquée.

Lors de la préparation de l’accord créant les Chambres extraordinaires, le secrétaire général des Nations unies indiquait dans son rapport à l’Assemblée générale : « Je ne peux que me souvenir des rapports de mon représentant spécial pour les droits de l’homme au Cambodge qui a constaté le peu de respect des tribunaux cambodgiens pour les normes les plus élémentaires en termes de droit à un procès équitable. En conséquence, je reste préoccupé que ces dispositions importantes du projet d’accord ne soient pas entièrement respectées par les Chambres extraordinaires et que les normes internationales en matière de justice, le droit à un procès équitable et la garantie d’une procédure régulière ne soient pas assurées. » (traduction non officielle du rapport du secrétaire général des Nations unies sur le procès des Khmers rouges, doc. ONU A/57/769, 31 mars 2003, para. 28)

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