Cambodge, il faut libérer deux prisonniers d’opinion

Les autorités cambodgiennes doivent libérer immédiatement et sans condition deux jeunes militants détenus de manière arbitraire depuis le mois de juillet pour avoir tenté de commémorer pacifiquement la mort d’un célèbre critique du gouvernement, a déclaré Amnesty International le 27 octobre 2019.
Kong Raiya et Soung Neakpaon sont actuellement détenus à la prison CC1 de Phnom Penh pour « incitation à commettre un acte criminel ».

Le 28 octobre, la Cour suprême examinera le recours final déposé par Kong Raiya, sa demande de libération sous caution ayant été initialement rejetée par le tribunal municipal de Phnom Penh, tout comme celle de Soung Neakpaon le 24 juillet 2019, en violation du droit à la liberté des deux hommes. La Cour d’appel a confirmé ce refus le 13 août 2019. La Cour suprême examinera l’appel de Soung Neakpaon concernant sa libération sous caution le 15 novembre.

Tous deux ont été arrêtés uniquement pour avoir exercé sans violence leur droit à la liberté d’expression, que garantit la Constitution cambodgienne et le droit international relatif aux droits humains. Amnesty International demande la libération immédiate et inconditionnelle de ces deux hommes qu’elle considère comme des prisonniers d’opinion et l’abandon des accusations infondées portées à leur encontre.

Kong Raiya, 28 ans, a été arrêté chez lui avec son bébé de six mois, son épouse et deux frères et sœurs le 9 juillet 2019. Il avait fait la promotion sur Facebook de la vente de T-shirts commémoratifs arborant le visage de Kem Ley, détracteur du gouvernement assassiné. Ses proches ont été relâchés le lendemain après avoir signé des promesses écrites dans lesquelles ils s’engageaient à « respecter la loi ».

Soung Neakpaon, 29 ans, a été arrêté le 10 janvier 2019 lors d’un rassemblement pacifique au café de Phnom Penh où Kem Ley a été assassiné, exactement trois ans auparavant. Peu avant son arrestation, Soung Neakpaon a été aperçu en train de brandir une pancarte sur laquelle il était écrit : « Stop aux exécutions extrajudiciaires ».

Depuis leur arrestation, Kong Raiya et Soung Neakpaon sont détenus dans des conditions qui bafouent leurs droits humains. Les deux hommes sont enfermés dans des cellules fortement surpeuplées de 4 mètres sur 5, à la prison CC1. La cellule de Kong Raiya accueille actuellement 27 prisonniers, ce qui fait moins de 0,75 m2 par détenu. Celle de Soung Neakpaon est tout aussi surpeuplée, 24 prisonniers s’y entassant. Cette situation a conduit Kong Raiya à observer une grève de la faim pendant quatre jours pour réclamer une amélioration des conditions de détention après son incarcération. Les deux hommes sont confinés dans leur cellule 23 heures par jour, ce qui a de lourdes conséquences sur leur santé physique et psychique.

Complément d’information

Le 10 juillet 2016, Kem Ley, analyste politique de renom et ardent détracteur du gouvernement, a été abattu dans le café de la station-service Caltex Bokor, à Phnom Penh. Kem Ley a été assassiné peu après avoir publiquement évoqué un rapport de Global Witness qui révélait l’immense fortune de la famille du Premier ministre cambodgien Hun Sen. Des centaines de milliers de Cambodgiens ont assisté à ses funérailles ; ce fut le plus grand rassemblement public au Cambodge depuis plusieurs années.

Un homme qui se fait appeler Chuob Samlap (« rencontrer pour tuer »), et dont le vrai nom est Oeuth Ang, a été déclaré coupable du meurtre de Kem Ley le 23 mars 2017, lors d’un procès largement décrié comme n’ayant pas respecté les normes internationales d’équité. Au lendemain du procès, Amnesty International s’est associée à d’autres organisations de défense des droits humains pour réclamer de nouvelles investigations sur cet homicide et a mis en lumière huit lacunes majeures ayant entaché le procès et l’enquête. Au cours des trois années qui ont suivi, l’enquête n’a pas connu d’avancée notable.

À l’approche du troisième anniversaire de l’assassinat de Kem Ley, en juillet dernier, des militants et des sympathisants indépendants ont tenté d’organiser des événements pour lui rendre hommage et ont de nouveau demandé à ce qu’une enquête indépendante soit menée sur son homicide. La police et les autorités locales ont limité les événements rendant hommage à sa mémoire dans tout le Cambodge.

Kong Raiya avait déjà purgé une peine de 18 mois de prison pour « incitation à commettre un acte criminel », en lien avec une publication postée sur Facebook alors qu’il était étudiant à l’université en 2015. Soung Neakpaon comptait parmi quatre jeunes arrêtés par la police cambodgienne en mars 2017, parce qu’ils avaient voulu organiser une projection privée d’un documentaire d’Al Jazeera sur Kem Ley, qui pointait du doigt une possible collusion des autorités dans ce meurtre.

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