Cambodge. Le gouvernement doit intervenir pour stopper les expulsions forcées

Déclaration publique

Index AI : ASA 23/015/2009 (Public) -
ÉFAI -
15 juillet 2009

Le gouvernement cambodgien doit prendre immédiatement des mesures, avant le 17 juillet, pour stopper l’expulsion forcée d’une soixantaine de familles à revenus modestes vivant dans la zone connue sous le nom de Groupe 78, a déclaré Amnesty International.

Les autorités de Phnom Penh ont mobilisé quelque 700 policiers et membres de la police militaire pour expulser de force les familles, selon les dernières nouvelles dont nous disposons.

La municipalité de Phnom Penh a remis un dernier avis d’expulsion au Groupe 78 en avril 2009, en violation de la loi cambodgienne de 2001 relative à la propriété foncière. Selon la loi, les expulsions ne peuvent être menées que sur décision de justice, à la demande de la personne revendiquant la propriété, revendication que le tribunal doit vérifier et valider. Sans tenir compte de cette disposition, la cour d’appel a statué le 13 juillet que l’avis d’expulsion était légal.

Lors de l’audience, la cour d’appel a également statué que c’était à la Commission du cadastre d’établir qui était propriétaire du terrain du Groupe 78. Toutefois, les plaintes déposées par les habitants du Groupe 78 auprès de la Commission depuis juin 2006 sont restées sans réponse. Il semble manifeste aujourd’hui que les autorités de Phnom Penh ont programmé une expulsion forcée sans possibilité de réexamen judiciaire.

Les familles n’ont pas accepté les offres de compensation faites par la municipalité de Phnom Penh parce qu’elles les jugent injustes et inadéquates.

La semaine dernière, des fonctionnaires de la municipalité de Phnom Penh ont rencontré des résidents du Groupe 78, pour tenter de les forcer à accepter leur offre de compensation pour ce terrain dont la valeur a beaucoup augmenté dans le centre de la ville. Un représentant du Groupe a qualifié de très intimidantes ces rencontres avec des représentants officiels, notamment le vice-gouverneur de Phnom Penh qui a menacé de faire intervenir la police et la police militaire pour démolir leurs maisons s’ils n’acceptaient pas les offres de compensation qui leur avaient été faites. Les résidents n’ont pas été autorisés à s’exprimer lors de cette rencontre.

La municipalité a proposé quatre options aux propriétaires de leur logement : l’équivalent de 5 700 euros en espèces, 3 600 euros plus une petite parcelle de terrain, 1 000 euros ainsi qu’une petite parcelle de terrain et une petite maison sur le site de réinstallation de Trapeang Anchanh ; ou un appartement sur un autre site de réinstallation qu’ils n’avaient jamais vu. Trapeang Anchanh est située à quelque 20 kilomètres de l’endroit où ces personnes vivent pour l’instant et ne dispose pas de services de base (eau potable, électricité, équipements sanitaires et installation d’assainissement). Le coût d’un aller-retour entre Trapeang Anchanh et la ville où travaillent les habitants du Groupe 78 est largement supérieur à leur revenu journalier.

Une vingtaine de familles ont accepté une compensation en espèces mais une soixantaine refusent de quitter leur maison, demandant une résolution juste et équitable.

Environ vingt autres familles locataires du Groupe 78 n’ont reçu aucune proposition de relogement. Un délai de trois jours pour quitter les lieux leur a été signifié le 14 juillet.

À aucun moment, au cours des trois années qu’a duré le litige, les autorités cambodgiennes n’ont entamé de réelles consultations avec les habitants du Groupe 78. Elles n’ont pas non plus exploré les différentes alternatives qui auraient permis d’éviter des expulsions, notamment en étudiant les propositions de développement du site soumises par les habitants du Groupe 78 eux-mêmes.

Complément d’information

Les familles du Groupe 78, aujourd’hui menacées d’expulsion forcée, ont commencé à s’installer dans la zone des berges aménagées en 1983. Depuis, la valeur du terrain a énormément augmenté. Les habitants du Groupe 78 ont effectué à plusieurs reprises des démarches afin d’obtenir un titre de propriété officiel, mais les autorités ont rejeté leurs demandes, malgré les documents officiels présentés par les familles prouvant que leurs revendications reposaient sur des bases solides.

La municipalité de Phnom Penh a évoqué différentes raisons pour justifier les expulsions, allant de la mise en valeur esthétique de la ville à l’affirmation que la communauté occupait illégalement le terrain. Dans son dernier avis d’expulsion, la municipalité affirme que les familles se sont établies sur des terres appartenant à une société privée et sur une voie publique. Les habitants du Groupe 78 maintiennent qu’ils sont les propriétaires légitimes de ce terrain selon la loi relative à la propriété foncière.

En janvier 2009, près de 400 familles pauvres de la ville ont été expulsées de force de Dey Kraham, un quartier situé près du Groupe 78. Leurs logements ont été détruits par environ 250 membres des forces de sécurité et démolisseurs, et de nombreuses personnes ont perdu leurs biens. La grande majorité d’entre elles se sont retrouvées sans domicile et n’ont par conséquent eu d’autre choix que de partir s’installer sur un site lui aussi éloigné de Phnom Penh, où les infrastructures essentielles sont inexistantes et les abris toujours en construction. À plusieurs reprises, des représentants de la municipalité de Phnom Penh ont indiqué aux habitants du Groupe 78 que s’ils n’acceptaient pas l’indemnisation proposée, la situation serait réglée de la même manière que celle de Dey Kraham.

Par « expulsion forcée », on entend une expulsion menée sans préavis adéquat, sans consultation des personnes concernées, sans garanties juridiques et sans mesures de relogement dans des conditions satisfaisantes. Au regard du droit international et notamment du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)), le Cambodge a obligation de mettre fin aux expulsions forcées et de protéger la population de ce type d’atteintes.

En mai 2009, à l’occasion de l’examen approfondi du rapport présenté par le Cambodge sur l’application du PIDESC, le Comité des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels s’est dit gravement préoccupé par le nombre d’expulsions forcées au Cambodge. Dans ses observations finales, le Comité a noté « avec une vive inquiétude » l’exemple de l’expulsion imminente du Groupe 78 et recommandé au Cambodge de déclarer un moratoire sur toutes les expulsions jusqu’à « la mise en place d’un cadre juridique approprié et l’achèvement de l’enregistrement des titres de propriété afin de garantir la protection des droits de l’homme de tous les Cambodgiens. »

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