Cambodge. Le système judiciaire est utilisé pour réduire au silence les défenseurs des droits humains


COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Des personnes et des groupes riches et influents impliqués dans des litiges fonciers au Cambodge usent de plus en plus de leur pouvoir pour réduire au silence leurs opposants en se servant du système de justice pénale, a déclaré Amnesty International ce vendredi 26 septembre 2008 en appelant à une meilleure protection des défenseurs des droits humains.

Dans le document de synthèse intitulé A risky business - defending the right to housing, Amnesty International révèle comment les droits des défenseurs des droits humains sont bafoués, alors qu’ils s’efforcent de promouvoir les droits fonciers et de lutter contre les expulsions forcées survenues au Cambodge au cours des deux dernières années.

Le chef de village traditionnel Chhea Ny, libéré en décembre 2007 après seize mois d’emprisonnement, a témoigné auprès d’Amnesty International : « J’ai été enchaîné dans une cellule obscure pendant une semaine. J’étais si malheureux. Je n’étais pas autorisé à me laver. Au bout d’une semaine, ils ont retiré les chaînes de mes pieds. Alors, ils m’ont autorisé à sortir dans la lumière du jour et m’ont présenté des excuses. Ils m’ont expliqué qu’ils avaient fait une erreur et avaient emprisonné la mauvaise personne. » Chhea Ny avait été arrêté en août 2006 en raison d’un conflit foncier qui l’opposait de longue date aux autorités locales, à des entrepreneurs et à des militaires de haut rang dans le village de Boeung Pram, dans la province de Battambang.

« Son cas illustre de manière flagrante ce qui se passe lorsque le système judiciaire ne protège pas les droits humains et ne rend pas justice », a indiqué Brittis Edman, chercheuse sur le Cambodge à Amnesty International.

Selon des organisations locales de défense des droits humains, au cours des deux dernières années, le nombre d’arrestations de personnes militant pour le droit à la terre a presque doublé, passant de 78 en 2006 à 149 en 2007. Parallèlement, augmente aussi le nombre d’allégations selon lesquelles la police arrête injustement des personnes militant pour le droit à la terre, les procureurs engagent des poursuites infondées contre elles et les responsables de l’application des lois et les représentants de l’appareil judiciaire menacent d’arrestation ou d’emprisonnement ceux qui protestent contre les expulsions forcées.

« L’augmentation rapide du nombre de militants pacifiques du droit à la terre qui se retrouvent derrière les barreaux constitue en soi un sujet de préoccupation majeur. En outre, chaque défenseur des droits humains emprisonné devient un outil servant à intimider les autres militants – la détention, le procès et l’incarcération devenant une menace bien réelle, a affirmé Brittis Edman.

« Les autorités cambodgiennes doivent faire en sorte que le système judiciaire protège équitablement toutes les parties impliquées dans les conflits fonciers et défende les libertés fondamentales. Elles doivent aussi enquêter sur les allégations qui font état de mesures d’intimidation et d’arrestations illégales ciblant les défenseurs des droits humains. »

Complément d’information

Les attaques visant les militants du droit à la terre violent les dispositions du droit international relatif aux droits humains qui garantissent les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion, ainsi que le droit de participer à la vie publique. Elles bafouent la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme, qui ¬expose et précise ces droits. Dans bien des cas, d’autres droits de ces militants sont foulés aux pieds, notamment le droit à l’égalité devant les tribunaux et le droit en vertu duquel nul ne peut être arbitrairement arrêté ou détenu.

En 2008, on estime à 150 000 le nombre de Cambodgiens risquant d’être expulsés de force en raison de conflits fonciers, de confiscations de terres et de projets agro-industriels et d’urbanisation. Des dizaines de milliers de Cambodgiens ont déjà été expulsés de force ces dernières années, nombre d’entre eux se retrouvant sans abri, tandis que d’autres étaient relogés dans des sites inappropriés, ne disposant pas des infrastructures requises ni des services les plus élémentaires, comme des sanitaires, et n’ayant qu’un accès limité aux possibilités de travail.

Dans un rapport publié en février 2008, Amnesty International a dénoncé le fait que les autorités cambodgiennes s’abstiennent de protéger la population – en droit et en pratique – contre les expulsions forcées. En revanche, ceux qui détiennent un pouvoir politique ou économique peuvent agir en toute impunité et procéder à des expropriations arbitraires. Ils le font avec la complicité des autorités locales, ce qui se traduit par la délivrance de titres de propriété et d’ordonnances d’expulsion douteux et par l’utilisation abusive du système judiciaire afin d’empêcher les victimes d’agir pour défendre leurs droits.

FIN

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