« Le système judiciaire cambodgien affiche une nouvelle fois son manque d’indépendance criant en condamnant Kem Sokha pour des accusations infondées et à caractère politique. Ce jugement est clairement un avertissement aux groupes d’opposition, quelques mois avant les élections nationales. L’utilisation des tribunaux pour harceler les opposant·e·s au Premier ministre Hun Sen ne connaît aucune limite, a déclaré Ming Yu Hah, directrice régionale adjointe à Amnesty International.
« Kem Sokha est l’une des nombreuses figures de l’opposition soumises à un éprouvant calvaire physique et psychologique, qui se poursuivra au-delà du verdict injuste rendu aujourd’hui. Comment le droit à un procès équitable pourrait-il être respecté lorsque les tribunaux sont cooptés par le gouvernement ?
« Kem Sokha a passé des années en détention, a fait des allers-retours en prison et a été assigné à résidence dans le cadre de manœuvres persistantes visant à le faire taire. Il s’est également vu interdire de quitter le pays au titre de restrictions infondées à sa liberté de mouvement. Le gouvernement cambodgien doit abandonner ces accusations forgées de toutes pièces et libérer Kem Sokha immédiatement et sans condition. »
Complément d’information
Kem Sokha est l’ancien président du Parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC). Le 3 septembre 2017, il a été arrêté en pleine nuit et inculpé de « collusion avec une puissance étrangère », au titre de l’article 443 du Code pénal cambodgien. Cette infraction est passible d’une peine de 15 à 30 ans de prison. Selon une déclaration du tribunal, Kem Sokha avait un « plan secret » mis en œuvre depuis 1993 en vue de renverser le gouvernement.
Au cours d’un procès qui a duré plus d’un an, en partie à cause de retards dus à la pandémie de COVID-19, l’accusation a fourni très peu de preuves, hormis un discours prononcé par Kem Sokha en Australie en 2013, dans lequel il déclarait que les États-Unis lui avaient conseillé de fonder une ONG de défense des droits humains.
Kem Sokha a passé un an en détention provisoire dans une prison reculée et un an en résidence surveillée, à l’image d’une tendance plus générale observée dans le pays qui consiste à maintenir les accusés en détention provisoire prolongée.
La Cour suprême du Cambodge a dissous le Parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC) deux mois après l’arrestation de Kem Sokha, dans le sillage d’accusations selon lesquelles le parti complotait pour renverser le gouvernement à la veille des élections de 2018, qui a vu le Parti du peuple cambodgien (PPC) de Hun Sen remporter la totalité des 125 sièges – inaugurant ainsi l’État à parti unique qu’est devenu le Cambodge.
Au moins 39 membres de l’opposition politique croupissent actuellement dans les geôles cambodgiennes après avoir été arrêtés de manière arbitraire pour de fausses accusations, uniquement pour avoir exercé leurs droits fondamentaux. Tout au long de l’année 2022, des dizaines de membres du PSNC ont été condamnés lors de procès collectifs qui les ont privés du droit à un procès équitable et ont tourné le système judiciaire en dérision. Parallèlement, le gouvernement prépare les élections nationales prévues le 23 juillet 2023.