En réaction aux propos tenus lors d’un discours du Premier ministre Hun Sen le 17 février 2020, et à la publication par la police des « aveux » d’une femme semble-t-il arrachés sous la contrainte le 19 février, Nicholas Bequelin, directeur régional à Amnesty International, a déclaré :
« Les propos du Premier ministre Hun Sen selon lesquels les femmes sont à blâmer pour la violence sexuelle et le trafic d’êtres humains en raison de la manière dont elles choisissent de s’habiller sur Facebook est une illustration abjecte et dangereuse de la culpabilisation des victimes. Cette rhétorique ne sert qu’à perpétuer les violences faites aux femmes et à stigmatiser les victimes de violences fondées sur le genre.
« L’ordre donné par le Premier ministre de retrouver et " éduquer " ces femmes témoigne de la mise en route menaçante de l’appareil de surveillance d’État pour mettre en œuvre un programme discriminatoire et patriarcal »
« L’ordre donné par le Premier ministre de retrouver et " éduquer " ces femmes témoigne de la mise en route menaçante de l’appareil de surveillance d’État pour mettre en œuvre un programme discriminatoire et patriarcal. Facebook doit refuser de coopérer avec les autorités cambodgiennes au sujet des requêtes discriminatoires visant à bloquer les profils de ces femmes.
« L’" éducation " morale contrainte des femmes par la police est par nature arbitraire. Aucune d’entre elles n’est accusée d’avoir enfreint la loi et la police semble agir sur la seule base d’une lubie personnelle de Hun Sen.
« Ces événements témoignent de la terrible situation de la liberté d’expression au Cambodge. Ces dernières années, les autorités se servent de plus en plus de la surveillance d’Internet comme d’une arme pour cibler les défenseurs des droits humains et les partisans de l’opposition en se fondant sur leurs publications et communications Facebook. »
Complément d’information
Au cours d’un discours délivré devant le Conseil national pour les femmes du Cambodge le 17 février 2020, le Premier ministre cambodgien Hun Sen a ordonné aux autorités de prendre des mesures immédiates contre les femmes qui portent soi-disant des tenues « suggestives » lorsqu’elles vendent des produits dans leurs diffusions en direct sur Facebook. Un représentant du ministère des Postes et Télécommunications aurait réagi en assurant que son ministère va demander à Facebook de bloquer les profils des femmes soupçonnées de se livrer à de telles pratiques.
Hun Sen a déclaré que ces femmes sapent les valeurs culturelles cambodgiennes et que ce type de comportements est à blâmer en cas de violence sexuelle. Le Premier ministre a également ordonné au gouvernement de retrouver ces femmes et de les « éduquer », suggérant qu’il peut les retrouver grâce à leur activité en ligne.
Le 19 février, le poste de police municipale de Phnom Penh a publié une vidéo [1] sur Facebook, affirmant qu’une femme nommée Thai Sreyneang avait été « amenée » au poste de police de Tuol Kork à Phnom Penh, aux fins d’« éducation ». Elle a signé un accord dans lequel elle accepte de ne plus porter de tenues « suggestives » sur Facebook. Dans la vidéo, on peut voir Thai Sreyneang s’excuser d’avoir porté des vêtements « qui déshonorent les traditions khmères » et « portent atteinte à l’honneur des femmes cambodgiennes ».
Dans son récent rapport sur le Cambodge [2], le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes soulignait la forte proportion de femmes employées dans le secteur informel au Cambodge en raison des inégalités entre hommes et femmes et se disait préoccupé par « [l]es normes sociales qui justifient la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre et qui blâment la victime plutôt que l’auteur des actes, et la forte prévalence de cette violence, en particulier dans la famille, ainsi que du viol ».