CAMBODGE : Protection des réfugiés en temps de crise

Index AI : ASA 23/003/2004
ÉFAI

Jeudi 20 mai 2004

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International est profondément préoccupée par la poursuite de la
politique de refoulement ou rapatriement forcé des demandeurs d’asile
vietnamiens (désignés comme les Montagnards) fuyant la région centrale des
Hauts Plateaux au Viêt-Nam et les persécutions, abondamment répertoriées,
dont ils font l’objet.

En dépit des nombreux appels lancés par la communauté internationale et par
le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), les autorités
cambodgiennes continuent de refouler régulièrement les Montagnards
demandeurs d’asile. Très récemment, des informations ont fait état du
rapatriement forcé d’environ 80 personnes au Viêt-Nam début mai.

« Il est particulièrement choquant d’entendre que plusieurs femmes faisant
partie de ce groupe de demandeurs d’asile auraient été violées et plusieurs
autres personnes dépouillées de leurs biens par des membres de la police
cambodgienne, avant d’être rapatriés de force. Les autorités cambodgiennes
doivent sans délai mener une enquête sur ces allégations et poursuivre en
justice les personnes soupçonnées d’être les coupables », a déclaré Amnesty
International.

Amnesty International s’inquiète des récentes déclarations du ministère des
Affaires étrangères cambodgien selon lequel les Montagnards arrivant du
Viêt-Nam ne seraient pas considérés comme des demandeurs d’asile mais comme
des immigrés économiques en situation irrégulière.

« Les autorités cambodgiennes sont en train de redéfinir, pour des motifs
propres, la notion de réfugié telle qu’elle figure dans la Convention de
1951, au mépris flagrant des normes juridiques internationales », a
poursuivi Amnesty International.

Les allégations faites par les autorités cambodgiennes, selon lesquelles le
HCR aurait « violé la souveraineté cambodgienne » révèlent une
incompréhension à la fois du concept de souveraineté et du mandat de
l’agence des Nations unies pour les réfugiés. La souveraineté d’État
comporte à la fois des droits et des obligations, notamment celles de se
conformer aux traités internationaux signés ou ratifiés par l’État. La
mission du HCR au Cambodge est précisément d’aider les autorités à
s’acquitter de leurs obligations au titre de la Convention sur les réfugiés.

Amnesty International sait que des discussions sont en cours entre les
autorités cambodgiennes et le HCR concernant les modalités de protection des
réfugiés et demandeurs d’asile au Cambodge. Toutefois, ce point et quelque
désaccord qui puisse exister entre les autorités cambodgiennes et le HCR mis
à part, les obligations légales du Cambodge au titre de la Convention sur
les réfugiés de 1951, à laquelle le Cambodge est État partie subsistent.
L’article 33.1 de la Convention sur les réfugiés stipule que : « Aucun des
Etats contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce
soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté
serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de
son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. »

Amnesty International souligne que la communauté internationale a également
une part de responsabilité et doit apporter son aide au Cambodge pour qu’il
respecte ses obligations au titre de la Convention sur les réfugiés et
assure la protection des demandeurs d’asile et des réfugiés. « Il faut faire
davantage pression sur les autorités vietnamiennes pour qu’elles traitent,
de manière ouverte et transparente, les problèmes à l’origine d’une crise
qui n’est pas le fait du Cambodge, a déclaré Amnesty International. Il est
essentiel que la protection des réfugiés soit respectée au Cambodge, l’un
des rares pays de la région à avoir signé la Convention sur les réfugiés. »

Amnesty International appelle les autorités cambodgiennes à fournir
protection et, si nécessaire, droit de passage vers un pays tiers aux
Montagnards réfugiés du Viêt-Nam, de la même manière que la communauté
internationale a fourni protection aux Cambodgiens fuyant les exactions des
Khmers rouges pendant les jours sombres d’un passé cambodgien récent.

Complément d’information

En février 2001, des milliers de personnes membres de minorités ethniques
ont manifesté dans la région centrale des Hauts Plateaux au Viêt-Nam, Les
revendications des manifestants étaient multiples. Ils dénonçaient notamment
la confiscation par le gouvernement de leurs terres ancestrales, l’arrivée
de colons vietnamiens originaires des plaines et accaparant leurs terres,
l’absence de liberté de culte pour ceux et celles d’entre eux, nombreux, qui
faisaient partie d’Églises évangéliques protestantes non autorisées, et le
déni de certains droits fondamentaux, comme celui de faire des études dans
sa langue maternelle. Après la répression, par le gouvernement vietnamien,
des mouvements de protestation de l’année 2001, des milliers de Montagnards
ont fui le Viêt-Nam et demandé asile au Cambodge voisin. Un groupe d’environ
mille personnes a pu s’installer aux Etats-Unis en 2002 et 2003. De
nouvelles manifestations en avril 2004 ont été réprimées brutalement et de
façon disproportionnée par les forces de sécurité vietnamiennes. Amnesty
International a répertorié la mort d’au moins huit personnes, mais les
chiffres réels pourraient être très supérieurs. Des centaines de
manifestants auraient également été blessés. Des Montagnards demandeurs
d’asile continuent de tenter de s’enfuir du Viêt-Nam vers le Cambodge ; de
nombreuses informations font état du rapatriement forcé ou refoulement de
centaines de personnes, notamment des femmes et des enfants. Toutes les
personnes de retour au Viêt-Nam courent le risque d’être torturées ou
emprisonnées pour de longues périodes après des procès secrets.

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