Cameroun, Les autorités doivent protéger du COVID-19 les personnes détenues

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Les autorités camerounaises doivent dire toute la vérité au sujet de la propagation du COVID-19 dans les prisons du pays, procurer aux personnes détenues des soins médicaux adéquats et cesser d’aggraver la surpopulation des centres de détention avec des arrestations arbitraires.

L’organisation confirme qu’un détenu au moins a été testé positif à ce virus dans la prison centrale de « Kondengui », à Yaoundé, et transféré dans un établissement médical en dehors de la prison. Les autorités n’ont ni confirmé ni nié la présence de ce virus dans les centres de détention, mais Amnesty International a reçu des informations indiquant que le nombre d’actuels et d’anciens détenus testés positifs pourrait être beaucoup plus élevé.

« Alors que le COVID-19 se propage au Cameroun, il est indispensable que les personnes détenues et leurs proches aient accès à des informations exactes au sujet de ce virus. Les mauvaises conditions de détention dans ces établissements risquent d’en faire des épicentres de la pandémie, à moins que des mesures ne soient prises de toute urgence, a déclaré Fabien Offner, chercheur sur l’Afrique centrale et de l’Ouest à Amnesty International.

« Les mauvaises conditions de détention dans ces établissements risquent d’en faire des épicentres de la pandémie »

Les autorités doivent prendre les mesures nécessaires pour que les personnes détenues dans ces prisons bénéficient de soins de santé normaux gratuitement et sans discrimination, et pour réduire d’urgence le nombre total de personnes incarcérées. »

Selon la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés, le taux d’occupation était très élevé dans de nombreuses prisons, atteignant 432 % à « Kondengui », 729 % dans la prison de Bertoua (Est), 481 % à Sangmélima (Sud) et 567 % dans la prison centrale de Kumba (Sud-Ouest).

À la suite du décret présidentiel du 15 avril portant commutation et remise de peines, plusieurs centaines de personnes incarcérées ont été libérées dans toutes les régions du pays. Par exemple, 831 détenus ont été remis en liberté dans la région de l’Extrême Nord, et leur nombre est passé de 3 370 à 2 547 selon les médias publics. Une source indépendante a également confirmé à Amnesty International que 214 personnes ont été libérées de la prison de Maroua (Extrême Nord).

Il s’agit d’une première mesure louable de réduction de la surpopulation carcérale, mais elle est loin d’être suffisante. Les mesures de lutte contre la propagation de ce virus dans les centres de détention devraient inclure la libération des personnes détenues qui sont particulièrement vulnérables au COVID-19, telles que les personnes âgées et celles qui souffrent de problèmes de santé préexistants.

« Dans la prison centrale de Yaoundé, de nombreux détenus sont malades »

Les conditions de détention sont exécrables dans la prison centrale de Yaoundé. Un détenu a déclaré à Amnesty International :

« Des détenus meurent souvent dans cette prison ; personne ne sait réellement qui est contaminé. De nombreux détenus sont malades, et à cause de la congestion tout le monde a peur. Ceux qui sont malades ont peur d’aller au dispensaire de la prison en raison des rumeurs selon lesquelles des patients atteints du COVID-19 y ont été admis. »

La plupart des personnes détenues qui présentent des symptômes du COVID-19 sont traitées au moyen de boissons chaudes à base de gingembre et d’ail. Le mois dernier, cinq nouveaux décès ont été signalés en l’espace d’une semaine, selon des sources indépendantes. Une lettre envoyée le 21 avril au ministère de la Justice au nom de personnes détenues a souligné la situation de surpopulation persistante et indiqué que les dispensaires dans les prisons sont « saturés de détenus malades » et que le personnel médical est « débordé ».

Le 23 avril, les autorités ont annoncé des mesures visant à contenir le virus dans la prison centrale à Yaoundé, notamment avec la suspension des corvées à l’extérieur et la création de cellules d’observation pour les cas suspects de COVID-19, la mise en place d’opérations de désinfection et l’instauration de gestes barrière.

Au moins deux détenus malades sont morts peu après leur libération

Selon les informations reçues par Amnesty International, au moins deux détenus malades sont morts peu après leur libération. L’un d’entre eux a été inhumé dans les conditions qui sont appliquées pour les décès des malades du COVID-19, sans la présence de la famille, même si aucun test n’a été effectué pour établir la cause du décès.

Les autorités ont certes récemment remis en liberté des détenus, mais elles n’ont pas répondu positivement à la demande de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés de libération des personnes âgées qui sont les plus vulnérables au virus, et à l’appel des Nations unies à la libération des détenus malades et des personnes qui ont été incarcérées sans base juridique, notamment les prisonnières et prisonniers d’opinion.

Figurent parmi les prisonnières et prisonniers d’opinion Mamadou Mota, vice-président du parti d’opposition MRC, qui a été incarcéré pour avoir participé à des manifestations pacifiques et pour « rébellion en groupe » ; ainsi que des personnes anglophones incarcérées pour avoir protesté pacifiquement soit contre des irrégularités qui auraient entaché l’élection présidentielle de 2018, soit pour réclamer le respect des droits économiques et sociaux dans les régions anglophones.

Mancho Bibixy Tse fait partie de ces dernières. Il a été arrêté le 9 janvier 2017 et condamné le 25 mai 2018 par un tribunal militaire à 15 ans d’emprisonnement pour « terrorisme », simplement pour avoir protesté pacifiquement contre la marginalisation des Camerounais anglophones.

Parmi les détenus malades maintenus en détention se trouve Amadou Vamoulke, 70 ans, ancien directeur d’une chaîne de télévision publique, qui souffre d’une maladie grave, certifiée par deux neurologues. Il a été arrêté en juillet 2016 et a été maintenu en détention de façon illégale après l’expiration de la période maximale de détention provisoire prévue par la loi.

Parmi les personnes incarcérées pour avoir exprimé publiquement leurs opinions figure le militant politique Franck Boumadjieu. Il a été arrêté de façon arbitraire le 16 avril 2020 pour avoir dénoncé le silence du président Paul Biya depuis le commencement de la crise du COVID-19, et condamné à trois mois d’emprisonnement et à une peine d’amende.

« Il est inhumain de maintenir en détention des personnes âgées ou malades, ou de les relâcher simplement pour qu’elles rendent leur dernier souffle en dehors de la prison. Les autorités doivent traiter les prisonniers avec le respect qui leur est dû eu égard à leur dignité inhérente et en tant qu’être humains, a déclaré Fabien Offner.

« Le fait de continuer de remplir les prisons avec des personnes qui n’ont fait qu’exercer leur droit à la liberté d’expression constitue une violation du droit international et entrave les mesures qui sont prises pour contenir le virus. »

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