Le 5 janvier, des hommes armés en civil ont fait irruption dans un hôtel de la capitale nigériane, Abuja, où se réunissaient ces militants, tous membres du Conseil national du Cameroun méridional (SCNC), mouvement indépendantiste, et les ont arrêtés sans présenter de mandat ni fournir aucune explication. Les militants sont détenus au secret, sans pouvoir consulter un avocat, en violation de la loi nigériane qui prévoit leur comparution devant un juge dans les 48 heures suivant leur interpellation. D’après des avocats spécialisés dans les droits humains au Nigeria, une demande d’extradition a été faite par le gouvernement camerounais, mais aucun détail n’a été rendu public.
« En détenant ces militants au secret, sans inculpation, les autorités nigérianes bafouent le droit nigérian et le droit international. S’ils sont extradés vers le Cameroun, ils s’exposent à un procès inique devant un tribunal militaire et, perspective des plus choquantes, à la torture, a déclaré Osai Ojigho, directrice d’Amnesty International Nigeria.
« Les initiatives visant à résoudre la crise anglophone devraient respecter la loi et ne pas restreindre le droit à la liberté d’expression. Les autorités au Nigeria doivent révéler immédiatement où se trouvent les militants, leur permettre de communiquer avec un avocat et, à moins qu’ils ne soient inculpés d’une infraction prévue par la loi, les libérer sans délai. »
Les membres du SCNC ont déclaré qu’ils étaient réunis au Nigeria pour discuter de l’afflux de milliers de demandeurs d’asile à la suite des manifestations d’octobre, au cours desquelles plus de 20 civils ont été tués par les forces de sécurité. Au cours des derniers mois, plus de 10 membres des forces de sécurité ont également été tués par des groupes indépendantistes plus radicaux. Le SCNC a toujours prôné l’usage de méthodes pacifiques pour atteindre son objectif : l’indépendance des régions anglophones.
Tous les militants interpellés résidaient légalement au Nigeria, et certains avaient obtenu l’asile politique. Au titre du droit nigérian, il serait illégal de les extrader pour des infractions politiques ou en cas de risque d’être soumis à la torture et jugés dans le cadre d’un procès inique.
Au Cameroun, les personnes accusées de crimes liés à la sûreté nationale sont jugées devant des tribunaux militaires, qui ne respectent pas la procédure légale. Amnesty International a noté une pratique généralisée de la torture imputable aux forces de sécurité et aux services de renseignements. En juillet 2017, elle a publié un rapport recensant plus de 100 cas de torture de personnes accusées sans preuve de soutenir Boko Haram.