Le Comité s’est dit profondément préoccupé quant à l’utilisation de salles de torture secrètes – qu’Amnesty International avait dénoncée en juillet – et à l’impossibilité de déterminer si des enquêtes étaient en cours à ce sujet, ainsi que par d’autres informations faisant état d’homicides de civils et de disparitions forcées.
« Maintenant que le Comité contre la torture demande aussi qu’il soit mis fin à cette pratique au Cameroun, la communauté internationale ne peut plus ignorer qu’elle est généralisée dans le pays, a déclaré Ilaria Allegrozzi, spécialiste de la région du lac Tchad à Amnesty International.
« De plus en plus de voix s’élèvent pour demander justice et il faut que les autorités réagissent en prenant les signalements beaucoup plus au sérieux et en diligentant une enquête indépendante et efficace sur ces atrocités. »
En se fondant sur des documents fournis par plusieurs organisations, dont Amnesty International, le Comité a constaté qu’un grand nombre de personnes de la région de l’Extrême-Nord étaient susceptibles d’avoir été détenues au secret et torturées par des militaires et des agents des services de renseignement dans au moins 20 lieux de détention illégaux entre 2013 et 2017.
En outre, il a noté que, sur une base militaire, ces faits s’étaient déroulés probablement au vu et au su de responsables du Bataillon d’intervention rapide (BIR) et des services de renseignement et qu’il était possible que des dizaines de personnes aient succombé à des actes de torture et des conditions de détention inhumaines.
Dans ses recommandations, le Comité a appelé le Cameroun à publier une déclaration émanant du plus haut niveau de l’État et affirmant l’interdiction absolue de la torture et des autres formes de mauvais traitements, et à mettre fin à la pratique de la détention au secret.
Il a aussi préconisé que des enquêtes efficaces, indépendantes et impartiales soient menées sur toutes les allégations de torture, de détention au secret et de mort en détention et que les auteurs présumés et leurs complices, y compris ceux ayant une responsabilité hiérarchique, soient poursuivis et, le cas échéant, se voient infliger des peines proportionnées à la gravité des infractions.
Dans ses observations finales, le Comité a relayé les préoccupations d’Amnesty International et d’autres organisations au sujet des violations des droits humains commises dans les régions anglophones. Il a notamment demandé l’ouverture d’une enquête sur les homicides d’au moins 20 personnes, commis en octobre lors d’affrontements entre les forces de sécurité et des manifestants.
Il a critiqué le fait que le Cameroun ne donne aucune information sur le nombre de personnes encore détenues à la suite des manifestations dans ces régions et n’indique pas si une enquête a été diligentée sur le recours excessif à la force.
Par ailleurs, les experts des Nations unies ont fait part de leurs inquiétudes quant au fait que des journalistes, comme le correspondant de RFI Ahmed Abba, aient été inculpés en vertu de la législation antiterroriste et que certains aient été torturés en détention. Le Comité a également pointé du doigt le recours fréquent à des tribunaux militaires pour juger des civils.
« Les spécialistes de la lutte contre le terrorisme aux Nations unies ont reconnu qu’il y avait un grave problème au Cameroun et il convient d’écouter leur mise en garde. Les violations des droits humains telles que la torture ne sauraient être tolérées et nous espérons que les autorités camerounaises et la communauté internationale donneront suite à ce rapport avec tout le sérieux qui s’impose », a déclaré Ilaria Allegrozzi.
Complément d’information
Les 7 et 8 novembre, le Comité contre la torture s’est réuni à Genève. Pendant ces deux jours, il a notamment examiné le cinquième rapport périodique du Cameroun sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention contre la torture pour la période 2010-2015.
Le Comité, composé de 10 experts indépendants, a amorcé un dialogue avec la délégation camerounaise. Étaient présents des représentants du ministère de la Justice, du ministère des Affaires étrangères, de la police nationale et de la Mission permanente du Cameroun auprès des Nations unies à Genève. Le Cameroun figure parmi les 162 États parties à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.