CAMEROUN : Un défenseur des droits humains et des militants politiques ont été arrêtés et emprisonnés

Index AI : AFR 17/008/02

Amnesty International exhorte les autorités camerounaises à relâcher immédiatement Albert Mukong, ancien directeur du Human Rights Defence Group (Groupe de défense des droits de l’homme) et défenseur des droits humains respecté. Arrêté par la gendarmerie le 28 septembre à Ayukaba, dans la province du Sud-Ouest, il est depuis détenu au poste de gendarmerie de Mamfé.

Amnesty International considère Albert Mukong comme un prisonnier d’opinion. " Cet homme est détenu uniquement pour avoir pris ouvertement position en faveur du droit à l’autodétermination des provinces anglophones du Cameroun et servi de conseiller au Southern Cameroons National Council (SCNC, Conseil national du Cameroun méridional), qui mène campagne pour l’autodétermination de la minorité anglophone du pays ", a indiqué l’organisation de défense des droits humains.

" Son arrestation est une nouvelle illustration du mépris flagrant du Cameroun envers les normes internationales relatives à la protection des défenseurs des droits humains ", a ajouté Amnesty International. On peut citer, entre autres textes, la Déclaration de Johannesburg, adoptée par la Conférence panafricaine des défenseurs des droits humains en 1998, et la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus [ONU, 1998].

Pa Ayamba et Nfor N. Nfor, deux des principaux responsables du SCNC, ont été arrêtés avec Albert Mukong. Nfor N. Nfor a ensuite été relâché, apparemment parce que son état de santé déjà préoccupant s’était encore dégradé.

Agbor Nfaw Joseph, Enow John Enow, Tabe Daniel Agbor, Tambe Atem Valery et Ojong Samuel Ndip, tous membres du SCNC, ont été interpellés le 27 septembre et conduits au poste de gendarmerie de Mamfé, où ils sont toujours détenus.

" Nous craignons que ces personnes n’aient été appréhendées au seul motif de leurs activités politiques pacifiques. Il se peut que d’autres membres du SCNC aient également été arrêtés ces dernières semaines pour les mêmes raisons, dans d’autres régions du Cameroun. Nous prions instamment les autorités camerounaises de relâcher tous les détenus qui ne sont pas inculpés d’une infraction prévue par la loi ", a déclaré Amnesty International.

En vertu de la législation camerounaise, toute personne arrêtée doit être présentée à une autorité judiciaire, pour être inculpée ou remise en liberté, au cours des soixante-douze heures consécutives à son interpellation. Jusqu’à présent, aucune charge n’a été retenue contre les détenus précédemment cités.

" Le gouvernement camerounais se doit de respecter les droits à la liberté d’expression et d’association. Une personne qui exerce ces droits ne doit en aucun cas être arbitrairement détenue. Elle doit être présumée innocente tant qu’elle n’a pas été jugée et jouir de ses droits à consulter rapidement un avocat de son choix, à bénéficier d’un procès équitable et public devant un tribunal indépendant et à interjeter appel de la déclaration de culpabilité et de la peine ", a conclu Amnesty International

Contexte
Le SCNC milite pour que la minorité anglophone du Cameroun bénéficie d’une plus grande autonomie et pour que les deux provinces anglophones, celles du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, accèdent à l’indépendance.

Le 1er octobre 1961, les provinces anglophones avaient obtenu l’indépendance et rejoint les régions francophones dans un État fédéral. En 1972, les institutions fédérales camerounaises ont été remplacées par un État unitaire, dans lequel la communauté francophone est prédominante.

Chaque année, autour du 1er octobre, des groupes politiques appellent à manifester dans les provinces anglophones pour dénoncer leur marginalisation au sein de la politique nationale et revendiquer plus de droits politiques.

Les autorités ont attribué au SCNC et à la Southern Cameroons Youth League (SCYL, Ligue des jeunes du Cameroun méridional), organisation affiliée au SCNC, la responsabilité d’attaques armées qui ont fait 10 morts, dont trois gendarmes, dans la province du Nord-Ouest, en mars 1997. Au moins 10 personnes arrêtées à la suite de ces attaques sont mortes des suites de torture ou d’autres formes de mauvais traitements lors de leur interpellation, ou ont succombé ultérieurement en détention, faute d’avoir reçu les soins médicaux dont elles avaient besoin.

En octobre 1999, au terme d’un procès inique motivé par des considérations politiques qui s’est déroulé devant un tribunal militaire de la capitale, Yaoundé, 36 sympathisants présumés du SCNC ont été déclarés coupables d’infractions liées aux attaques commises dans la province du Nord-Ouest. Trois d’entre eux ont été condamnés à la réclusion à perpétuité et les autres à des peines allant jusqu’à vingt ans d’emprisonnement. Dix-huit de ces personnes sont toujours incarcérées à la prison centrale de Nkondengui, à Yaoundé.

Il est courant que des détenus politiques et des suspects de droit commun soient soumis à la torture ou à d’autres formes de mauvais traitements au Cameroun. Les conditions de détention qui règnent dans les postes de police, les locaux de la gendarmerie et les prisons sont des plus éprouvantes. La surpopulation extrême, l’insalubrité conjuguée à une mauvaise aération, ainsi que l’insuffisance de nourriture et de soins médicaux se traduisent par un fort taux de mortalité parmi les détenus

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