La castration chimique forcée constitue une peine dégradante

L’Indonésie doit immédiatement abroger les récentes modifications de la loi sur la protection de l’enfance, qui prévoient la castration chimique forcée des personnes condamnées pour sévices sexuels sur mineurs avec circonstances aggravantes. Amnesty International considère qu’en adoptant ces modifications, le gouvernement indonésien compromet le droit fondamental à l’intégrité physique et mentale, en particulier le droit de ne pas être soumis à des actes de torture ni à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En outre, ce règlement élargit le champ d’application de la peine de mort, pour inclure certains abus sexuels commis contre des mineurs, en violation des normes internationales.

Le 25 mai, le président Joko Widodo a publié un Règlement en lieu et place de la Loi (Perppu) n° 1/2016 portant modification de la Loi n° 23/2002 relative à la Protection des mineurs, à la suite de plusieurs affaires très médiatisées de viols commis sur des mineurs. Des voix de responsables politiques s’étaient alors élevées pour réclamer des sanctions plus sévères contre ceux qui se livrent à des sévices sexuels contre des mineurs.

Aux termes de l’article 81 du Règlement, la castration chimique forcée sera administrée comme sanction supplémentaire à « toute personne qui commet des violences ou menace d’en commettre en vue de contraindre un mineur – une personne âgée de moins de 18 ans – à avoir des relations sexuelles avec elle ou avec une tierce personne, qui entraînent : plus d’une victime, des blessures graves, des troubles mentaux, des maladies infectieuses, la perte ou le mauvais fonctionnement de l’appareil reproducteur et/ou la mort de la victime ».

D’après le texte, la castration chimique sera administrée au délinquant pendant une période pouvant aller jusqu’à deux ans après que celui-ci a fini de purger sa peine de prison. Les délinquants sexuels de moins de 18 ans ne sont pas concernés par cette sanction.

La castration chimique forcée bafoue l’interdiction de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants inscrite dans le droit international, notamment dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Indonésie est partie.

La castration « chimique », c’est-à-dire les traitements médicamenteux et hormonaux visant à éliminer les pulsions sexuelles, peut être administrée en tant que traitement médical à une personne ayant donné son consentement éclairé, en se fondant sur l’évaluation de professionnels de santé quant à sa pertinence et son degré d’efficacité sur la personne concernée. L’imposer par la loi sans libre consentement en tant que mesure punitive constituerait une peine cruelle, inhumaine et dégradante. En outre, cela suppose que des médecins ou des professionnels de santé appliquent cette mesure en dehors du cadre du jugement clinique et de l’éthique professionnelle.

Le Règlement présidentiel n° 1/2016 étend également le champ d’application de la peine de mort, et prévoit son application pour des sévices sexuels sur mineurs commis avec les circonstances aggravantes définies à l’article 81. Élargir ainsi son champ d’application est contraire aux normes internationales relatives à la peine capitale et, comme l’a noté le Comité des droits de l’homme de l’ONU, « pose question quant à la compatibilité avec l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) », qui protège le droit à la vie.

Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances et estime qu’aucun élément crédible ne prouve que ce châtiment a un effet plus dissuasif qu’une peine de prison sur la criminalité.

En adoptant la « castration chimique » et en élargissant les infractions passibles de la peine de mort, le gouvernement souhaite sans doute faire preuve de « fermeté » face aux affaires de violences sexuelles sur mineurs. Toutefois, Amnesty International estime que cette « solution miracle » détourne l’attention des réformes juridiques et politiques plus complexes qu’il doit mettre en œuvre pour s’attaquer efficacement à ce problème. Elle condamne les violences sexuelles, notamment à l’encontre de mineurs, et exhorte les gouvernements à prendre toutes les mesures appropriées en vue de mettre fin à de telles violences.

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