Ce jeudi 6 août, à Dublin, des militants d’Amnesty International venus du monde entier ont manifesté devant les bureaux du Premier ministre (le Taoiseach) contre les lois restrictives de l’Irlande. Munis de 80 valises, les délégués ont ainsi voulu faire connaître le nombre de femmes et de jeunes filles qui, chaque semaine de l’année, quittent l’Irlande pour se faire avorter légalement et en sécurité à l’étranger.
Les raisons qui poussent ces femmes et ces jeunes filles à demander un avortement sont diverses ; certaines ont été violées, pour d’autres le fœtus a une malformation grave ou n’est pas viable, d’autres ont elles-mêmes de graves problèmes de santé, d’autres encore ont pris cette décision pour des motifs économiques ou autres. Mais toutes se retrouvent dans une situation où elles n’ont pas d’autre choix que de se rendre dans un pays où les lois sont différentes.
Colm O’Gorman, directeur exécutif d’Amnesty International Irlande, a déclaré :
« Chaque année, 4 000 femmes et jeunes filles irlandaises partent se faire avorter à l’étranger. Depuis 1971, elles sont au moins 177 000 à avoir été contraintes de quitter l’Irlande dans ce but. Dans la réalité ce chiffre, déjà vertigineux, est peut-être encore plus élevé.
« En fait ces femmes ont été exclues de leur pays et de son système de santé. Elles ont dû partir en secret, souvent seules et apeurées à l’idée de s’adresser à un service de santé auquel elles devraient pouvoir accéder de droit. La loi irlandaise traite l’avortement, lorsque la vie de la femme n’est pas en danger, comme s’il s’agissait d’un crime, et pourtant les femmes ont le droit constitutionnel de se rendre à l’étranger pour commettre un acte qui, perpétré sur le territoire irlandais, relèverait de la justice pénale. C’est de l’hypocrisie pure et simple. Le récent rapport d’Amnesty International intitulé Ce n’est pas une criminelle décrit la situation angoissante de celles qui ne peuvent pas se permettre de partir et qui tentent de déclencher elles-mêmes une fausse couche.
« L’Irlande ne peut plus détourner les yeux devant la souffrance de ces femmes et de ces filles. Un sondage Red C, réalisé à la demande d’Amnesty International et dont les résultats ont été publiés en juillet, montre que les gens en Irlande sont conscients des difficultés que représente un voyage. Une personne interrogée sur cinq seulement estimait que ce n’est pas particulièrement traumatisant pour une femme de partir à l’étranger pour se faire avorter. Les lois restrictives de l’Irlande empêchent les femmes d’obtenir un avortement. En moyenne, 80 femmes et jeunes filles se font avorter toutes les semaines à l’étranger. Un nombre incalculable d’autres prennent en toute illégalité des médicaments abortifs, sans surveillance médicale appropriée.
« L’Irlande ne peut pas externaliser ses obligations en matière de droits humains. Rien n’excuse cette pratique et cela ne peut plus durer.
« L’Irlande doit abroger le 8e amendement de sa Constitution et adopter des lois permettant de se faire avorter en toute légalité et dans des conditions sûres, au moins pour les motifs énoncés dans le droit international relatif aux droits humains, à savoir en cas de viol, d’inceste, de danger pour la santé de la femme ou de la jeune fille, ou de malformation grave ou mortelle du fœtus. L’Irlande a besoin de ce débat. Les 177 000 femmes que le pays a fait partir à l’étranger méritent au moins cela. »