Communiqué de presse

Chili. Quarante ans après le coup d’État, il faut en finir avec l’impunité

Des milliers de personnes ayant été torturées et de proches de ceux qui ont « disparu » sous le régime brutal du général Augusto Pinochet continuent à attendre d’obtenir vérité, justice et réparation, a déclaré Amnesty International mardi 10 septembre, un jour avant le 40e anniversaire de la date où le général s’est arrogé le pouvoir au Chili.

Dans une pétition signée par des milliers de militants, l’organisation appelle les autorités chiliennes à éliminer tous les obstacles protégeant les auteurs présumés de violations des droits humains dans le pays.

« Il est inacceptable que 40 ans après ce coup d’État au Chili il subsiste des obstacles à la quête des victimes pour obtenir justice, vérité et réparation, a déclaré Guadalupe Marengo, directrice adjointe du programme Amériques d’Amnesty International. Une loi d’amnistie continue à mettre les responsables présumés d’atteintes aux droits humains à l’abri des poursuites, tandis que les procédures judiciaires enregistrent toujours d’importants retards et que les condamnations prononcées ne reflètent pas la gravité des crimes commis. »

Des dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées, torturées, tuées ou victimes d’une disparition forcée. Le nombre total de personnes reconnues officiellement comme ayant été tuées ou victimes d’une disparition entre 1973 et 1990 au Chili dépasse les 3000. Le nombre officiel de victimes d’une détention illégale ou de la torture pendant la même période est d’environ 40 000.

Le décret-loi d’amnistie, adopté en 1978, exonère de leur responsabilité pénale l’ensemble des personnes accusées d’avoir commis des violations des droits humains entre le 11 septembre 1973 et le 10 mars 1978.

Certaines décisions de justice ont contourné l’application de ce texte, mais son maintien en vigueur est néanmoins incompatible avec les obligations du Chili en matière de droits humains aux termes du droit international.

« Les autorités chiliennes doivent s’attaquer aux conséquences des violations graves et systématiques du passé ; abroger immédiatement la loi d’amnistie car sa simple existence est un affront aux milliers de victimes du régime du général Pinochet et aux familles de celles-ci, et veiller à ce que l’ensemble des violations des droits humains soient jugées par des tribunaux de droit commun », a déclaré Ana Piquer, directrice de la section chilienne d’Amnesty International.

À ce jour, au moins 262 personnes ont été condamnées pour des violations des droits humains, et plus de 1 100 procédures judiciaires sont en cours.

« C’est principalement grâce au combat sans relâche d’un grand nombre de victimes et de leurs familles, et d’une poignée de procureurs et de juges courageux, que quelques-uns des responsables de ces crimes ont été traduits en justice. Il est temps pour les autorités d’introduire toutes les réformes requises afin de garantir que ces graves violations ne se reproduisent plus jamais », a déclaré Guadalupe Marengo.

Complément d’information

Le 11 septembre 1973, les forces armées menées par le général Augusto Pinochet ont renversé le gouvernement du président élu Salvador Allende au Chili par un coup d’État qui s’est terminé dans un bain de sang.

Ces dernières années, les tribunaux n’ont pas appliqué la loi d’amnistie. Son maintien dans le droit est incompatible avec les obligations internationales du Chili en matière de droits humains.

En 1991, un rapport de la Commission nationale pour la vérité et la réconciliation, connue sous le nom de Commission Rettig, faisait état de 2 296 personnes tuées pour des raisons politiques, dont presque un millier en ayant fait l’objet d’une disparition forcée. En 2004 et 2005, la Commission nationale sur l’emprisonnement politique et la torture (Commission Valech) a déterminé que 28 459 personnes avaient été arrêtées pour des motifs politiques et que la plupart avaient été victimes de torture. Cette commission a été rétablie en 2010 afin d’examiner d’autres affaires de disparition forcée, d’homicide politique, d’emprisonnement politique et de torture.

Le nombre de personnes officiellement reconnues comme victimes de « disparition » ou de meurtre politique entre 1973 et 1990 au Chili s’élève à 3 216. Celui des personnes ayant subi la détention pour des motifs politiques ou la torture, voire les deux, et y ayant survécu est de 38 254.

Des avancées positives ont été observées ces dernières années, avec le transfert devant des tribunaux civils de certaines procédures relatives à des crimes commis par l’armée, le but étant de garantir plus d’indépendance et d’impartialité. Les tribunaux militaires continuent cependant à juger des violations des droits humains perpétrées par l’armée et les forces de sécurité.

Amnesty exhorte les autorités chiliennes à : abroger le décret-loi d’amnistie de 1978 ainsi que toute autre mesure octroyant une grâce aux auteurs présumés de violations des droits humains ; réformer le code de justice militaire afin de garantir que les atteintes aux droits humains perpétrées par le personnel militaire et les forces de sécurité au Chili donnent lieu à des enquêtes et à des procédures devant des tribunaux civils ; soutenir et renforcer les initiatives visant à préserver le souvenir historique de ces violations graves des droits humains, et faire du respect de ces droits une composante essentielle de l’ensemble des politiques et des programmes. La pétition restera en ligne jusqu’à fin septembre.

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