« Ce procès, qui est marqué par de nombreuses plaintes pour irrégularités, montre bien que la justice est appliquée de façon discriminatoire contre les dirigeants des peuples indigènes. Cela porte préjudice aux accusés et viole le droit à la justice des victimes du crime qui a été commis et de leurs proches », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.
« Les autorités chiliennes doivent mener dans les meilleurs délais une enquête exhaustive, indépendante et impartiale sur les allégations selon lesquelles des éléments de preuve obtenus de façon illégale ont été utilisés contre des personnes qui ont été déclarées coupables. »
Werner Luchsinger et Vivianne Mackay ont perdu la vie quand des assaillants non identifiés ont incendié leur propriété le 4 janvier 2013. La machi Francisca Linconao, autorité spirituelle du peuple mapuche, a fait partie des 11 personnes accusées d’incendie volontaire ayant causé la mort et à caractère terroriste.
Ces personnes ont toutes été acquittées fin 2017, mais ce premier procès a alors été annulé. Trois des accusés ont été déclarés coupables le 5 mai à l’issue d’un nouveau procès engagé pour les mêmes faits ; la procédure, qui a été marquée par de nombreuses plaintes pour irrégularités, n’a pas été conforme aux normes internationales relatives à l’équité des procès. La machi Francisca Linconao et les sept autres accusés ont été acquittés cette fois encore.
Le 27 avril, deux autres représentants du peuple mapuche ont été déclarés coupables, et deux autres encore ont été acquittés du chef d’incendie volontaire d’une église évangélique en 2016, dans une autre affaire concernant des poursuites engagées au titre de la loi antiterroriste. La déclaration de culpabilité n’est pas fondée sur cette loi, mais des pratiques autorisées par ce texte ont été utilisées pendant toute la procédure judiciaire, notamment la détention provisoire prolongée et le recours à des témoins anonymes. Cette déclaration de culpabilité repose essentiellement sur les déclarations de témoins anonymes.
« Dans la mesure où le Chili a déjà été condamné dans le passé par la Cour interaméricaine des droits de l’homme en raison de l’application de la loi antiterroriste contre le peuple mapuche, en particulier en ce qui concerne la détention provisoire prolongée et le recours à des témoins anonymes, il est scandaleux que les autorités aient ainsi insisté pour appliquer cette loi dans des conditions quasiment identiques, dans cette affaire », a déclaré Erika Guevara-Rosas.
Amnesty International a suivi de près les deux procès et observé un recours persistant à une détention provisoire disproportionnée et à des témoins anonymes qui viole le droit à une défense adéquate, ainsi que d’autres irrégularités en ce qui concerne la collecte, la recevabilité et l’évaluation des éléments de preuve.
Dans d’autres affaires similaires concernant le Chili, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a estimé que les poursuites engagées contre des personnes appartenant au peuple mapuche au titre de la loi antiterroriste avaient violé les garanties judiciaires de ces personnes, et été basées sur la stigmatisation et la discrimination.
« Les autorités chiliennes doivent immédiatement cesser d’incriminer les membres du peuple mapuche au titre de la loi antiterroriste. L’État chilien a l’obligation de ne pas soumettre les membres du peuple mapuche à une discrimination et il doit garantir leur droit à un procès équitable au lieu de les qualifier de « terroristes », a ajouté Erika Guevara-Rosas.
« Il doit aussi faire la lumière sur ces faits et déférer à la justice les responsables présumés de la mort tragique de Werner Luchsinger et de Vivianne Mackay dans le cadre d’une procédure conforme aux normes d’équité des procès. »