CHINE : Amnesty International condamne l’exécution d’un Tibétain après un procès inéquitable

Index AI : ASA 17/008/2003

Amnesty International a exprimé sa consternation ce lundi 27 janvier 2003 en apprenant l’exécution hier, à l’issue d’un procès secret, de Lobsang Dhondup reconnu coupable d’être impliqué dans une série d’attentats à l’explosif dans la province du Sichuan.

" Nous sommes consternés par ces informations, d’autant plus que ce cas avait suscité un vaste mouvement d’intérêt international de la part des gouvernements et des organisations non-gouvernementales ", a déclaré Amnesty International.

Il existe de sérieuses raisons de penser que le procès de Lobsang Dhondup a été inéquitable. Il a, semble-t-il, été maintenu au secret pendant plusieurs mois, il n’a pas eu d’assistance juridique pleine et entière et son procès s’est déroulé en secret. Selon des sources officielles, cela est dû au fait que des " secrets d’État " étaient en cause dans ce dossier, toutefois les autorités n’ont pas expliqué quel lien il y avait avec les accusations à l’encontre des prévenus.

" Du fait de ces graves violations des normes internationales en matière de procès équitable, il est tout à fait possible qu’en ce qui concerne le cas de Lobsang Dhondup il s’agisse d’une erreur judiciaire, " a déclaré Amnesty International, ajoutant que les autorités devraient rendre public le compte-rendu des débats.

D’après les médias, un magistrat d’un tribunal local aurait confirmé l’exécution de Lobsang Dhondup hier. Si cette information est exacte, il s’agirait de la première exécution connue d’un Tibétain pour un délit présenté comme politique depuis de nombreuses années. Jusqu’à maintenant, la région autonome ouïghoure du Xinjiang où vit la minorité ouïghoure en grande partie musulmane, était la seule région où Amnesty International avait enregistré des exécutions de prisonniers politiques au cours de ces dernières années.

" Ce cas pourrait être le signal d’un changement d’attitude de la part des autorités chinoises qui chercheraient à élargir l’application de la peine de mort à tous ceux qui auraient été définis comme opposants politiques, "séparatistes" ou "terroristes" en dehors de la région autonome ouïghoure du Xinjiang " a déclaré Amnesty International.

Co-accusé de Lobsang Dhondup, le dirigeant religieux tibétain Tenzin Deleg Rinpoche avait été condamné à la peine capitale avec un sursis de deux ans pour la même affaire. Son appel a également été rejeté par le tribunal populaire supérieur du Sichuan hier.

Selon les informations dont nous disposons, Tenzin Deleg Rinpoche aurait été détenu au secret pendant huit mois après son arrestation. Le 21 janvier, Radio Free Asia a annoncé avoir reçu une cassette enregistrée en secret par Tenzin Deleg Rinpoche dans sa prison. Il y déclarait avoir été accusé à tort et clamait son innocence.

Les autorités auraient essayé d’arrêter Tenzin Deleg Rinpoche au moins deux fois dans le passé, dont une fois en 1998 alors qu’il tentait d’établir des monastères sans autorisation officielle. Il avait été également à la tête d’un mouvement de protestation locale contre la déforestation pratiquée par une entreprise de bois locale.

" Il y a de sérieuses raisons de penser que Tenzin Deleg Rinpoche a été accusé à tort d’être impliqué dans les attentats à l’explosif du fait de ses activités religieuses et associatives pacifiques, a déclaré Amnesty International.

" Les autorités devraient procéder à une révision immédiate de l’affaire et re-juger les accusés en se conformant aux règles internationales pour un procès équitable. Dans le cas contraire, Tenzin Deleg Rinpoche devrait être relâché sans condition. "

Au moins dix autres personnes seraient détenues en lien avec cette affaire. Plusieurs ont, semble-t-il, été battues et torturées ou ont subi de mauvais traitements pendant leur garde à vue, bien qu’on ne sache pas si leurs témoignages ont été utlisés pour condamner Lobsang Dhondup ou Tenzin Deleg Rinpoche. Deux jeunes moines qui auraient été interrogés et battus par la police dans le cadre de cette affaire n’ont pas été revus depuis le 8 avril 2002. On craint qu’ils n’aient "disparu".

" Nous appelons les autorités chinoises à donner les noms et à fournir des explications concernant le sort de toutes les personnes détenues dans le cadre de cette affaire et à ouvrir immédiatement une enquête impartiale à propos de toutes les allégations de torture et mauvais traitements, " a déclaré Amnesty International.

Complément d’information
Lobsang Dhondup et Tenzin Deleg Rinpoche avaient été arrêtés le 7 avril 2002 suite à un attentat à l’explosif à Chengdu, capitale de la province du Sichuan. Selon des informations officielles, des tracts " séparatistes " appelant à l’indépendance du Tibet par rapport à la Chine avaient été trouvés sur les lieux de l’explosion.
Le 2 décembre, le tribunal populaire intermédiaire de Kardze (Ganzi) de la préfecture autonome tibétaine de Kardze dans la province du Sichuan a condamné Lobsang Dhondup à mort pour " incitation au séparatisme ", pour " avoir provoqué des explosions ", et pour " possession illégale d’armes et de munitions ". Tenzin Deleg Rinpoche a été condamné à la peine capitale avec un sursis à exécution de deux ans pour " avoir provoqué des explosions " et pour " incitation au séparatisme ". Selon des sources officielles, Tenzin Deleg Rinpoche avait fait appel de sa condamnation, mais pas Lobsang Dhondup.
Quatre moines auraient été arrêtés en même temps que Tenzin Deleg Rinpoche le 7 avril 2002 au monastère de Jamyang Choekhorling, dans le canton de Nyagchukha (en chinois : canton de Yajiang), dans la province du Sichuan. L’un d’entre eux a depuis été relâché, mais trois autres Tsultrim Dargye, Tamdring Tsering et Ashar (ou Aka) Dhargye pourraient toujours être détenus. On ne sait pas s’ils ont été inculpés ou condamnés. Tamdring Tsering aurait été violemment battu par les policiers lors de son arrestation.
Choetsom et Pasang seraient également, semble-t-il, des moines du monastère de Jamyang Choekhorling. D’après les informations reçues, ils ont "disparu" le 8 avril 2002, après avoir été interrogés et battus la veille, lors de l’opération de police dans le monastère. On ne les a pas revus depuis. On ne sait pas exactement s’ils se cachent ou s’ils sont détenus par la police.
Tashi Phuntsok, du même monastère, a été arrêté le 21 avril 2002 ou aux alentours de cette date alors qu’il se trouvait à l’hôpital de Nyagchukha où il était traité contre la tuberculose. On ne sait pas avec exactitude s’il a été relâché depuis ou s’il se trouve toujours en détention. Aucune information n’est disponible sur son état de santé.
Deux autres hommes ont été arrêtés le 7 mai 2002 ou aux alentours de cette date après avoir rassemblé 20 000 signatures pour une pétition visant à prévenir, semble-t-il, une précédente tentative d’arrestation de Tenzin Deleg Rinpoche. Si l’un deux a depuis été relâché, l’autre, Tserang Dondrup (alias Jortse ou Jotse) a été jugé à Nyagchukha et condamné à cinq ans de prison. Il aurait quasiment perdu l’usage de ses jambes depuis son arrestation, peut-être des suites de tortures ou mauvais traitements. On sait que trois autres personnes avaient également été arrêtées en lien avec cette affaire, mais elles ont depuis été relâchées.
Selon certaines informations, un fonctionnaire du Bureau local des affaires religieuses aurait récemment confirmé que Tserang Dondrup avait été condamné à cinq ans pour " activités séparatistes ".Il aurait également indiqué que deux autres personnes avaient été condamnées dans le cadre de cette affaire. On ne sait pas s’il faisait référence à Tenzin Deleg Rinpoche et Lobsang Dhondup ou à deux autres personnes. Il aurait également déclaré qu’il y avait eu d’autres mises en détention dans le cadre de cette affaire mais que toutes les personnes avaient été relâchées depuis. l
Amnesty International a lancé des Actions urgentes à propos des affaires énumérées ci-dessus.

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