Nous, organisations de la société civile signataires de cette déclaration, sommes profondément préoccupées par cette affaire et demandons la libération immédiate et inconditionnelle de Yu Wensheng et Xu Yan, condamnés uniquement pour avoir exercé leurs droits humains, notamment leur droit à la liberté d’expression. Nous pensons que cette sentence a un effet dissuasif sur le travail des défenseur·e·s des droits humains en Chine, ainsi que sur les interactions importantes et constructives entre les défenseur·e·s, les organisations de la société civile et les représentant·e·s diplomatiques dans le pays.
Ce couple de militant·e·s bien connus en Chine a été placé en garde à vue alors qu’il se rendait à une réunion avec la délégation de l’Union européenne en Chine, à Pékin, le 13 avril 2023. Accusés à l’origine d’« avoir cherché à provoquer des conflits et troublé l’ordre public », ils ont été incarcérés au centre de détention de Shijingshan, à Pékin. En octobre 2023, ils ont été inculpés du nouveau chef d’accusation d’« incitation à la subversion de l’État ». En janvier 2024, ils ont été transférés au centre de détention de Suzhou, dans la province du Jiangsu, à environ 1 000 km de là.
En août 2024, le tribunal populaire intermédiaire de Suzhou a examiné les affaires de Yu Wensheng et Xu Yan, tous deux soupçonnés d’« incitation à la subversion de l’État ». Toutefois, des diplomates de plusieurs missions étrangères et des militant·e·s se sont vus refuser l’entrée de la salle d’audience pour assister au procès en tant qu’observateurs.
Xu Yan aurait perdu 14 kg depuis son arrestation et les conditions dans lesquelles elle a été détenue à Pékin pourraient s’apparenter à de la torture et d’autres mauvais traitements. Elle a subi des violences verbales, notamment des menaces de policiers qui ont affirmé qu’ils arrêteraient son fils s’il entreprenait de communiquer sur leur cas. Leur fils, qui venait d’avoir 18 ans au moment de leur arrestation, a vu sa santé mentale se dégrader sérieusement au fil des ans et souffre actuellement de dépression. Le transfert de ses parents à Suzhou a aggravé son isolement et le risque qu’il aille encore plus mal psychologiquement. Leur emprisonnement le prive de la présence d’un parent qui prenne soin de lui et l’aide à guérir.
Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a déterminé en 2019 que la précédente incarcération de Yu Wensheng était arbitraire au regard du droit international
Des experts des Nations unies ont à plusieurs reprises exprimé leur inquiétude quant au fait que les autorités chinoises s’en prennent aux défenseur·e·s des droits humains. Ils demandent régulièrement l’abrogation de l’article 105 (2) du Code pénal chinois, qui prévoit l’infraction d’« incitation à la subversion de l’État ». En mars 2024, Volker Türk, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, s’est inquiété de ce que le fait d’« avoir cherché à provoquer des conflits et troublé l’ordre public » est « une infraction vague » et a incité les autorités chinoises à réviser la législation, tout en réclamant la libération des défenseur·e·s des droits humains, des avocat·e·s et des personnes détenues en vertu de cette loi.
Les experts de l’ONU ont également cherché à échanger avec le gouvernement chinois sur des cas individuels : le Groupe de travail sur la détention arbitraire a déterminé en 2019 que la précédente incarcération de Yu Wensheng était arbitraire au regard du droit international et a appelé les autorités à fournir un recours et une indemnisation. En juin 2024, le Groupe de travail s’est joint à d’autres mandats de procédures spéciales de l’ONU pour exprimer ses préoccupations concernant la dernière arrestation de Yu Wensheng, la « détention semble-t-il arbitraire » de Yu Wensheng et de Xu Yan, ainsi que les « menaces et intimidations signalées à l’encontre de membres de la famille des défenseurs des droits humains », en l’occurrence leur jeune fils.
Le 11 novembre, Yu Wensheng fête son 57e anniversaire. À cette occasion, nous appelons les gouvernements du monde entier ainsi que les Nations unies et leurs mécanismes de défense des droits humains à faire pression sur le gouvernement chinois pour qu’il respecte ses obligations et engagements internationaux en matière de droits fondamentaux.
Les autorités chinoises doivent :
• libérer immédiatement et sans condition Yu Wensheng et son épouse, la militante Xu Yan, car ils sont condamnés uniquement pour avoir exercé leurs droits humains, notamment leur droit à la liberté d’expression ;
• dans l’attente de leur libération, veiller à ce qu’ils ne soient pas soumis à la torture ni à d’autres mauvais traitements, à ce qu’ils aient accès sans restriction à des soins médicaux adaptés et à ce qu’ils puissent s’entretenir avec leur famille ;
• veiller à ce que les droits de tous les défenseur·e·s des droits humains et des membres de leur famille ou de leurs associés en Chine soient protégés et à ce que tout défenseur·e qui dialogue ou souhaite dialoguer avec des diplomates et des mécanismes de défense des droits humains de l’ONU puisse le faire sans crainte de représailles ou d’intimidation.
Organisations signataires, par ordre alphabétique :
Amnesty International
Asian Lawyers Network (ALN)
Changsha Funeng
China Aid Association
China Dissent Network
Chinese Human Rights Defenders (CHRD)
Christian Solidarity Worldwide (CSW)
Council of Bars and Law Societies of Europe (CCBE)
Covenants Watch/人權公約施行監督聯盟
Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme
German Bar Association (Deutscher Anwaltverein - DAV)
Hong Kong Watch
Human Rights in China
Human Rights Network for Tibet and Taiwan (HRNTT)/西藏台灣人權連線
Human Rights Without Frontiers
Humanitarian China
Institut des droits de l’homme de l’Association internationale du barreau (IBAHRI)
Judicial Reform Foundation/民間司法改革基金會
New School for Democracy
Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme
Service international pour les droits de l’homme (ISHR)
Taiwan Association for Human Rights
Taiwan Labor Front
The Rights Practice