Communiqué de presse

Chine. Six mois après son entrée en vigueur, la nouvelle loi ne protège pas les droits fondamentaux

En Chine, certaines dispositions régressives de la nouvelle loi relative à la procédure pénale, entrée en vigueur le 1er janvier 2013, rendent légales certaines violations des droits humains, et les améliorations limitées apportées à la législation par ce texte ne sont pas respectées, écrit Amnesty International dans un nouveau document publié lundi 15 juillet 2013.

« Il est frustrant de constater qu’après tant d’années de préparation, les modifications juridiques qui sont entrées en vigueur au début de l’année légalisent certaines des pires pratiques de la police et des autorités locales  », a déploré Corinna-Barbara Francis, spécialiste de la Chine au sein d’Amnesty International.

Au titre de la nouvelle loi, la police est autorisée à maintenir une personne en détention, dans certains cas jusqu’à six mois et dans un lieu secret, sans avertir sa famille de la raison ni du lieu de sa détention.

Le 1er juin, Du Bin, qui a récemment réalisé un documentaire dénonçant les actes de torture et les autres mauvais traitements à Masanjia, l’un des camps de rééducation par le travail les plus connus de Chine, a été arrêté par la police de Pékin. Il a été maintenu en détention provisoire pendant plus de deux semaines. Libéré sous caution le 8 juillet, il a confirmé que, bien qu’il ait fourni à la police tous les renseignements nécessaires, sa famille n’avait pas été avertie de l’endroit où il était détenu, ni même du fait qu’il avait été arrêté.

Avec la nouvelle loi, les policiers peuvent encore facilement prétexter un « crime grave », comme la « mise en danger de la sûreté de l’État » ou un acte de « terrorisme », dont les définitions restent vagues, pour priver un suspect de ses droits, y compris du droit de bénéficier rapidement des conseils d’un avocat. Dans la pratique, ces chefs d’inculpation continuent d’être utilisés pour sanctionner des personnes qui n’ont fait qu’exercer leurs droits, notamment le droit à la liberté d’expression.

Liu Ping, par exemple, défenseure des droits humains, a été arrêtée par la police à Xinyu (province du Jiangxi) le 27 avril au motif qu’elle était soupçonnée d’« incitation à la subversion de l’État » dans le cadre de ses activités en faveur des droits fondamentaux. Bien que son procès débute sous peu (la première audience est prévue pour le 18 juillet), elle n’a toujours pas été autorisée à consulter un avocat parce que son cas serait lié à la « sûreté de l’État ».

Si la nouvelle loi permet aux suspects de contacter un avocat plus rapidement qu’avant et renforce l’interdiction d’utiliser des éléments de preuve obtenus de façon illégale, les autorités ne font tout bonnement aucun cas des garanties existantes et des améliorations de la législation.

« Depuis le 1er janvier, nous attendons de voir les responsables de l’application des lois respecter ces mesures positives, en particulier pour les défenseurs des droits humains et d’autres militants qui font l’objet d’une “attention particulière” », a déclaré Corinna-Barbara Francis. « Les améliorations apportées à la loi ne servent à rien si la police et les tribunaux locaux ne les mettent pas en pratique. Malheureusement, il semble qu’il y ait un manque de volonté à ce niveau. »

Bien trop souvent au cours des six derniers mois, la police a maintenu des personnes en détention provisoire plus longtemps que la loi ne l’autorise, sans leur permettre de consulter un avocat et de contacter leur famille.

Même l’un des aspects les plus positifs de ce texte, à savoir le renforcement de l’interdiction d’utiliser devant un tribunal des éléments de preuve obtenus illégalement, y compris les « aveux » forcés, semble rester lettre morte. Des avocats, qui sont désormais autorisés par la loi à soulever le problème des preuves obtenues de façon illégale, ont été sanctionnés pour avoir tenté de le faire.

Le 4 avril 2013, au cours du procès d’un pratiquant du Fa Lun Gong devant le tribunal populaire de Jingjiang (province du Jiangsu), l’avocat Wang Quanzhang a mis en doute la légalité de certains éléments obtenus, selon lui, sous la torture.

En retour, le juge a non seulement rejeté la requête de Wang Quanzhang concernant l’exclusion de ces éléments de preuve mais il a en outre ordonné le placement en détention de l’avocat, arguant que ce dernier avait troublé l’ordre de la salle d’audience.

« Au lieu d’être autorisé à demander l’exclusion des éléments concernés, comme il en a le droit au titre de la nouvelle loi, Wang Quanzhang a été condamné à 10 jours de détention administrative en guise de sanction, dans une parodie complète de justice  », a déclaré Corinna-Barbara Francis. « Il semble que ce soit uniquement grâce à un large mouvement de protestation au sein de la communauté chinoise en ligne, qui rassemble de plus en plus de membres, que Wang Quanzhang a été libéré après seulement 48 heures de détention.  »

Il ne s’agit là que de quelques exemples montrant comment les aspects régressifs du texte facilitent les violations des droits humains dans l’application quotidienne de la loi, comme l’explique plus en détail la brochure d’Amnesty International intitulée Briefing on China’s 2013 Criminal Procedure Law : In line with international standards ?

« Il y a beaucoup de choses que les autorités chinoises peuvent et doivent faire pour mettre le droit national en conformité avec les normes internationales relatives aux droits humains. Malheureusement, elles doivent retourner à la case départ pour apporter de nouvelles modifications à la loi et essayer d’obtenir un texte conforme la prochaine fois », a déclaré Corinna-Barbara Francis.

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