Marcela et Peter sont roms et, ces dernières années, deux de leurs quatre enfants scolarisés à l’école Francisciho, dans le quartier de Tehelna, à Levoèa, ont été séparés de leurs camarades – isolés des enfants non roms.
À la rentrée, le 3 septembre 2012, Marcela et Peter craignent que leur fille Renata ne subisse à son tour le même sort – uniquement en raison de son origine ethnique.
« J’ai déjà deux enfants qui sont dans des classes séparées. Je n’accepterai pas qu’il en soit de même pour la troisième », a déclaré Marcela avec colère à Amnesty International.
Les problèmes du jeune couple avec l’école Francisciho ont commencé en 2009, quand leur fils Dušan et sept autres enfants roms ont été placés dans une classe séparée le jour de la rentrée, alors qu’ils entamaient leur 5e année de scolarité. Seul un élève rom est resté dans la classe « mélangée » qu’ils avaient tous suivie jusqu’alors.
En 2011, quand leur plus jeune fille Erika a été placée dans l’une des classes de première année réservées aux Roms qui venaient d’être créées, Marcela et Peter, ainsi qu’un petit groupe d’autres parents roms de Tehelna, ont interrogé la direction de l’école sur cette pratique, qui désavantage fortement leurs enfants et alimente la discrimination.
Cependant, ils n’ont pas obtenu d’explications satisfaisantes et aucun des enfants roms n’a depuis été transféré dans une classe regroupant des élèves de différentes origines ethniques.
Leur fille aînée, Renata, craint maintenant à son tour de se retrouver séparée des enfants non-roms.
Interrogée récemment par Amnesty International, elle a dit aimer son école et ses camarades et a rejeté catégoriquement l’idée d’être transférée dans une classe réservée aux Roms :
« Si je devais aller dans une classe réservée aux Roms, je préférerais quitter l’école Francisciho. Je ne veux pas aller dans une classe spéciale [où] nous ne parlerions que le romani, et pas le slovaque. Je n’aurais pas d’amis non roms. Je veux rester dans ma classe. Il est important d’avoir des amis non roms et de grandir ensemble. »
Amnesty International soutiendra les parents et les enfants roms de Tehelna le 3 septembre quand ils demanderont – une fois de plus – à la direction de l’école Francisciho de mettre un terme à la pratique discriminatoire de la ségrégation dans les classes.
Les Roms de Slovaquie – une classe à part
En Slovaquie, des milliers d’enfants roms continuent de recevoir une éducation au rabais en raison d’une discrimination généralisée et d’un système scolaire qui les met en situation d’échec.
Ils sont plusieurs milliers à être scolarisés dans des écoles ou des classes réservées aux Roms au sein du système éducatif ordinaire, et ils sont aussi placés de manière disproportionnée dans des écoles ou des classes spéciales souvent destinées aux enfants souffrant de « handicap mental léger ».
Parfois, les enfants roms sont littéralement enfermés dans des classes, des couloirs ou des bâtiments distincts pour éviter qu’ils ne se mélangent aux élèves non roms.
« La ségrégation dans les écoles slovaques est un véritable problème qui empêche les enfants roms d’accéder à un enseignement de qualité », a déclaré Jezerca Tigani, directrice adjointe du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.
« Cela constitue non seulement une violation de leur droit à une éducation sans discrimination, mais aussi, à plus long terme, une privation d’un vaste éventail d’autres droits humains, dont les droits à la santé, au travail et à la liberté d’expression. Ces violations endémiques du droit à l’éducation empêchent les Roms de trouver leur place pleine et entière au sein de la société slovaque et les enferment dans le cercle vicieux de la pauvreté et de la marginalisation. »
Des avancées très limitées
Par le passé, la pression des ONG a conduit le gouvernement slovaque à prendre quelques mesures limitées pour améliorer l’accès à l’enseignement des enfants roms, mais la discrimination et la ségrégation restent généralisées.
Une nouvelle Loi sur les écoles adoptée en 2008 interdit la ségrégation et les autres formes de discrimination, mais les pratiques ont peu évolué car les dispositions de cette loi n’ont pas été correctement appliquées.
En août 2010, le gouvernement slovaque de l’époque s’était engagé sur le papier à mettre un terme à la discrimination ethnique dans les écoles, mais une fois de plus cet engagement n’avait été suivi d’aucune mesure concrète.
Quant au nouveau gouvernement, au pouvoir depuis mars 2012, il est inquiétant de constater qu’il n’a plus fait même la plus petite allusion à l’interdiction de la ségrégation dans les écoles. Au contraire, un programme gouvernemental adopté en avril 2012 évoque un projet de création d’internats spéciaux pour les enfants issus des « populations marginalisées ».
Le travail de campagne pour faire changer les choses
Depuis cinq ans, Amnesty International fait campagne contre la ségrégation et les inégalités dont sont victimes les enfants roms dans les écoles slovaques.
En septembre 2011, elle a commencé à travailler en étroite collaboration avec le petit groupe de parents roms de Levoèa – dont Marcela et Peter – qui cherchaient à faire connaître leur situation et à faire cesser la ségrégation à l’école Francisciho.
Leur histoire a attiré l’attention des médias nationaux et d’organisations internationales – l’une des mamans roms, Jana, s’est rendue à Genève en 2012 pour s’exprimer devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Et les parents roms ont montré qu’ils n’avaient pas l’intention d’abandonner.
Comme l’a déclaré Peter à Amnesty International : « Je ne suis pas d’accord avec la ségrégation. Mes enfants doivent recevoir la même qualité d’enseignement que les autres. Je ne peux accepter aucun compromis. »
Amnesty International va continuer de soutenir les familles roms dans leur combat pour que leurs enfants bénéficient exactement des mêmes chances que les autres à l’école Francisciho – et pour que leur histoire serve d’exemple à toutes les écoles de Slovaquie.
« S’ils pensent m’avoir brisée en plaçant mes enfants dans des classes séparées, ils se trompent. Je continuerai à me battre pour eux et pour les autres enfants, car ils méritent tous le meilleur », a souligné Marcela.