COLOMBIE - À l’approche de l’élection présidentielle, quelles perspectives pour les personnes déplacées ?

Index AI : AMR 23/017/2006

Dans une lettre rendue publique ce jeudi 27 avril 2006, Amnesty International a engagé les candidats à l’élection présidentielle en Colombie à faire savoir de quelle manière ils comptaient agir pour résoudre la crise des droits humains que connaît cet État, en particulier en ce qui concerne les conséquences pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays de la récente démobilisation des paramilitaires soutenus par l’armée.

Depuis 1985, plus de trois millions de personnes ont été contraintes de quitter leur foyer par les paramilitaires, les mouvements de guérilla ou les forces de sécurité. Des dizaines de milliers d’autres ont « disparu », ont été tuées, torturées ou enlevées.

Le gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures, notamment par le décret 4760 et le programme de « réinsertion rurale », qui risquent de permettre aux paramilitaires démobilisés de conserver la mainmise sur les millions d’hectares de terre qu’ils ont volés.

Les paramilitaires démobilisés pourraient se voir accorder des subventions pour mener à bien des projets agricoles sur les terres qu’ils se sont appropriées par la force, souvent avec le soutien des forces de sécurité et en perpétrant des violations des droits humains. Il est prévu que ces projets voient la participation conjointe de paysans, de populations déplacées et de paramilitaires censés avoir été démobilisés, ces derniers entrant pour 50 p. cent dans l’ensemble des personnes impliquées dans chaque projet.

Un certain nombre de groupes paramilitaires ont déjà annoncé leur intention de lancer des projets de développement économique pour leurs membres et pour la population locale dans les zones qu’ils contrôlent.

« Dans la pratique, des centaines de milliers de personnes risquent de se trouver devant un dilemme fatal : rester loin de leur foyer, ou bien rentrer chez elles et vivre avec ceux-là mêmes qui les ont contraintes à quitter leur terre et qui ont torturé, violé, enlevé ou tué leurs proches », a déclaré Marcelo Pollack, chercheur sur la Colombie à Amnesty International.

L’organisation a demandé à la communauté internationale de ne pas légitimer la mainmise des paramilitaires sur ces terres en subventionnant des projets agricoles de ce type.

Dans sa lettre, Amnesty International engage également les candidats à l’élection présidentielle à utiliser leur plateforme de campagne pour exprimer publiquement leur soutien à la mise en place, pour la démobilisation des groupes armés illégaux, d’un cadre juridique fondé sur le respect des droits humains. Ce cadre doit être conforme aux recommandations des Nations unies et permettre la restitution des terres volées par les paramilitaires à leurs propriétaires légitimes ou à leurs descendants.

« Tous les candidats à l’élection présidentielle, s’ils envisagent réellement d’exercer la plus haute fonction dans le pays, doivent faire des propositions crédibles pour apporter une réponse à la situation des droits humains en Colombie, faute de quoi ils pourraient constituer un des éléments du problème », a déclaré Javier Zuñiga, directeur du Programme Amériques d’Amnesty International.

L’organisation demande également aux candidats de s’engager publiquement à :

 reconnaître l’existence de la crise des droits humains et du conflit armé interne, dont les répercussions touchent des millions de personnes en Colombie ;

 se conformer aux recommandations internationales en matière de droits humains, notamment celles qui prévoient de mettre un terme à l’impunité ;

 veiller à ce que les forces de sécurité respectent pleinement les droits humains et le droit international humanitaire ;

 signer avec les groupes de guérilla un accord humanitaire visant à mettre la population civile à l’écart du conflit ;

 défendre le droit des défenseurs des droits humains et des militants des droits sociaux de mener à bien leur action ; et

 protéger les civils les plus vulnérables, en particulier les femmes et les populations indigènes.

Complément d’information

L’élection présidentielle en Colombie doit avoir lieu le 28 mai 2006.

Promulgué le 31 décembre 2005, le décret 4760 contient les dispositions d’application de la Loi pour la justice et la paix. Votée en 2005, celle-ci prévoit la démobilisation des formations paramilitaires et des groupes de guérilla.

Pour obtenir une copie en anglais de la lettre ouverte aux candidats à la présidence colombienne publiée par Amnesty International, veuillez vous connecter sur la page http://web.amnesty.org/library/index/ENGAMR230132006

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