Communiqué de presse

Colombie. Le Congrès ne doit pas adopter la loi réformant le système judiciaire militaire

Les membres du Congrès colombien doivent rejeter un projet de loi dont l’objectif est de renforcer les pouvoirs du système judiciaire militaire, et qui permettra aux membres des forces armées et de la police de se soustraire à la justice pour les crimes relevant du droit international, a déclaré Amnesty International.

Ce projet de loi, qui doit être débattu sous peu, enracinera plus encore l’impunité dont bénéficient les forces de sécurité colombiennes pour les violations des droits humains et du droit international humanitaire.

Les forces de sécurité, agissant avec ou sans la complicité de formations paramilitaires, et les groupes de guérilla, continuent de se rendre responsables de graves atteintes aux droits humains, notamment d’homicides illégaux, de déplacements forcés de populations, de torture, d’enlèvements ou de disparitions forcées et de violences sexuelles.

Rares sont ceux qui sont déférés à la justice pour ces violations des droits humains, et le projet de loi permettra aux forces de sécurité colombiennes d’échapper aux poursuites devant des tribunaux civils.

« Si le Congrès approuve ce projet de loi, qui réglementera la mise en œuvre de la réforme de la justice militaire de 2012, cela démontrera une nouvelle fois que la Colombie n’a pas véritablement la volonté d’enquêter sur les crimes relevant du droit international ni de poursuivre les responsables, a estimé Marcelo Pollack, chercheur sur la Colombie à Amnesty International.

« L’adoption de cette loi pourrait inciter le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) à intervenir et enquêter lui-même sur les crimes de droit international commis dans le pays depuis 2002. »

En Colombie, par l’entremise des tribunaux militaires, les membres des forces de sécurité, particulièrement ceux qui ont un rang élevé au sein de la hiérarchie, échappent depuis des décennies à l’obligation de répondre des crimes relevant du droit international, y compris des exécutions extrajudiciaires.

Le Bureau du procureur général a recensé plus de 4 000 cas d’exécutions extrajudiciaires, qui seraient le fait des forces de sécurité, dont de nombreux homicides connus sous le nom des « faux-positifs » : il s’agit d’homicides illégaux de civils commis par des membres des forces de sécurité, qui les ont ensuite présentés à tort comme des « guérilleros et des paramilitaires tués au combat ».

Bien que la lenteur des enquêtes ouvertes soit inadmissible – seul un petit nombre de cas progressent et un plus petit nombre encore débouchent sur des inculpations – le Bureau du procureur général et les tribunaux civils offrent tout au moins un minimum d’indépendance et d’impartialité, qui font totalement défaut à la justice militaire.

« Les changements législatifs proposés risquent de se traduire par une réduction du nombre déjà modeste d’enquêtes efficaces et de poursuites engagées pour des atteintes aux droits humains – torture, exécutions extrajudiciaires et disparitions forcées notamment, a poursuivi Marcelo Pollack.

« Les minces avancées que l’on a constatées ces dernières années s’agissant de déférer à la justice certains responsables de crimes relevant du droit international seront anéanties par cette réforme, que le Congrès doit s’abstenir d’adopter. »

Amnesty International est particulièrement préoccupée par les dispositions selon lesquelles les tribunaux militaires seront chargés d’enquêter sur les crimes de guerre.

Si, en théorie, certaines violations des droits humains telles que les exécutions extrajudiciaires seront exclues des juridictions militaires, étant donné le contrôle que continueront d’exercer les forces armées sur les premiers stades de l’enquête pénale, la réforme leur permettra encore plus aisément de qualifier ces violations d’actes de guerre légitimes, et de les juger alors devant des tribunaux militaires.

Le gouvernement colombien a apporté récemment son soutien à d’autres mesures législatives, telles que le « Cadre légal pour la paix » et la réforme de la Loi pour la justice et la paix, qui risquent de renforcer l’impunité non seulement pour les membres des forces de sécurité, mais aussi pour les membres des groupes paramilitaires et des mouvements de guérilla responsables de graves atteintes aux droits humains.

Complément d’information

La Colombie est partie au Statut de Rome, qui a constitué la Cour pénale internationale (CPI). Le procureur de la CPI est habilité à mener des enquêtes s’il est saisi par des États membres du Statut de Rome ou du Conseil de sécurité de l’ONU, ou si son bureau décide d’ouvrir des enquêtes proprio motu, c’est-à-dire de sa propre initiative, sur la base des informations relatives aux crimes relevant de la compétence de la Cour émanant de particuliers ou d’organisations non gouvernementales (ONG).

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