Colombie : L’extradition des chefs paramilitaires ne doit pas être un prétexte pour clore les enquêtes sur leur responsabilité dans les atteintes aux droits humains

"La décision du gouvernement colombien d’extrader 14 chefs paramilitaires recherchés aux États-Unis pour trafic de drogue ne doit pas servir de prétexte pour clore les enquêtes sur le rôle des paramilitaires dans les atteintes aux droits humains commises contre des milliers de personnes, souvent en complicité avec les forces de sécurité colombiennes ou avec leur assentiment," a déclaré Amnesty International ce mardi 13 mai.

Lors de sa décision, le gouvernement a affirmé que ces chefs paramilitaires n’avaient pas dit toute la vérité sur les atteintes aux droits humains qu’ils avaient perpétrées, avaient commis de nouvelles infractions pendant qu’ils étaient en prison, et n’avaient pas respecté tous les engagements qu’ils avaient pris dans le cadre du processus de démobilisation en termes de réparations aux victimes.

« Le processus de démobilisation des paramilitaires – sensé avoir permis la démobilisation de plus de 31 000 paramilitaires – et le cadre juridique qui l’a accompagné ont été une imposture totale, qui a honteusement échoué en termes de démobilisation des groupes paramilitaires en Colombie et de respect du droit des victimes à la vérité, à la justice et aux réparations. Le gouvernement semble aujourd’hui reconnaître cet état de fait, qu’il niait depuis très longtemps », a déclaré Amnesty International.

L’organisation a averti que l’extradition de ces hommes pour trafic de drogue sans aucune référence aux violations des droits humains risquait véritablement d’affaiblir les timides enquêtes ouvertes à ce sujet en Colombie, en particulier par l’Unité des droits humains des Services du procureur général, ainsi que par la Cour suprême.

« Il existe maintenant un risque réel de voir l’ensemble des atteintes aux droits humains commises au fil des ans par les paramilitaires rester cachées et donc totalement impunies, de même que le rôle clé joué par les forces de sécurité, les représentants de l’État, les dirigeants politiques et les personnalités du monde des affaires », a déclaré Amnesty International.

L’organisation craint aussi qu’il n’y ait pas d’enquête exhaustive sur les allégations selon lesquelles des institutions américaines auraient soutenu les groupes paramilitaires. En effet, non seulement les États-Unis ont apporté une aide militaire à des unités des forces colombiennes agissant en étroite collaboration avec les paramilitaires, mais il est aussi apparu dans les années 90 que la structure paramilitaire des PEPES – créée pour pourchasser le trafiquant de drogue Pablo Escobar – agissait peut-être avec le soutien de services de sécurité américains. Le paramilitaire Don Berna entretenait des liens très étroits avec les PEPES, devenus par la suite les Milices paysannes d’autodéfense de Córdoba et de l’Urabá (ACCU).

« Ces extraditions ne doivent pas empêcher les enquêtes pénales sur les atrocités commises par ces paramilitaires et sur leurs liens avec les forces de sécurité ou autres de se poursuivre en Colombie si l’on veut que leurs innombrables victimes obtiennent un jour un semblant de justice
 », a souligné Amnesty International.

« De leur côté, les autorités américaines ont le devoir de mener une véritable enquête et, en cas de preuves recevables suffisantes, de traduire les 14 paramilitaires extradés en justice pour les innombrables allégations d’atteintes aux droits humains dont ils font déjà l’objet ; elles doivent également enquêter sur les liens éventuels entre ces hommes et les autorités colombiennes ou américaines. »

Amnesty International a appelé les autorités colombiennes à exiger des États-Unis l’assurance que la peine de mort ne serait pas appliquée.


Informations générales

Le gouvernement colombien a annoncé ce mardi 13 mai qu’il avait extradé vers les États-Unis les 14 principaux chefs paramilitaires, parmi lesquels Salvatore Mancuso, Rodrigo Tovar Pupo (alias Jorge 40) et Diego Fernando Murillo (alias Don Berna), expliquant qu’ils n’avaient pas respecté les dispositions de l’accord de démobilisation.

Au cours de ces dernières décennies, en coordination avec les forces de sécurité et avec le soutien politique et économique de nombreuses personnalités locales, régionales et parfois nationales du milieu politique et du monde des affaires, les paramilitaires ont commis les pires atrocités, et sont notamment responsables de la mort ou de la « disparition » de milliers de civils, ainsi que du déplacement forcé de millions d’autres.

Les 14 chefs paramilitaires extradés étaient, comme des centaines d’autres paramilitaires, détenus en Colombie dans l’attente de leur procès aux termes du processus controversé Justice et paix, en vertu duquel les paramilitaires qui acceptaient la démobilisation pouvaient prétendre à d’importantes remises de peine en échange d’aveux complets sur les violations des droits humains qu’ils avaient commis, notamment les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.

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