Communiqué de presse

Colombie. La loi relative aux victimes est une avancée importante mais des questions subsistent

La loi sur les victimes et les restitutions de terres est une étape importante pour de nombreuses victimes du conflit armé sévissant de longue date en Colombie, mais en laisse beaucoup d’autres sans véritables perspectives d’obtenir justice et réparations, a déclaré Amnesty International vendredi 3 juin.

L’un des aspects cruciaux de ce texte, qui doit encore être promulgué par le président Juan Manuel Santos, tient à ce qu’il reconnaît l’existence du conflit armé, que le précédent gouvernement colombien niait.

Il prévoit des réparations intégrales pour certaines des victimes de violations des droits fondamentaux commises dans le cadre du conflit armé, et la restitution de millions d’hectares de terrains volés principalement par des groupes paramilitaires, parfois avec la complicité des forces de sécurité.

« Le fait que cette loi reconnaisse que les droits des victimes du conflit doivent être respectés est extrêmement important. Beaucoup n’auront cependant pas droit à des réparations complètes », a expliqué Marcelo Pollack, spécialiste de la Colombie à Amnesty International.

Seules les personnes qui ont été victimes de violations après 1985 pourront se voir accorder une indemnisation, et seules celles qui ont été spoliées de leurs terres après 1991 seront en mesure de réclamer leur restitution. De nombreuses victimes récentes de groupes paramilitaires seraient également privées de réparations parce que les autorités affirment que ces groupes ont été démobilisés dans le cadre d’un processus gouvernemental ayant débuté en 2003.

« Il est très inquiétant que les autorités ne reconnaissent pas que des groupes paramilitaires continuent à menacer, déplacer de force ou tuer des milliers de personnes, dont des défenseurs des droits humains, des syndicalistes et des responsables communautaires, parfois avec la collaboration des forces de sécurité », a ajouté Marcelo Pollack.

Il est par ailleurs regrettable que cette loi ne contienne guère de dispositions visant à garantir la protection des personnes retournant sur leurs terres, et que certaines d’entre elles puissent être forcées à travailler aux côtés de ceux qui les ont contraintes à fuir à l’origine, souvent par la violence, ou doivent leur céder le contrôle effectif de leurs terres.

Compte tenu du coût associé aux demandes de restitution de terres, il est possible que de nombreuses victimes aient des difficultés à prouver que celles-ci leur appartiennent.

« Les autorités colombiennes doivent veiller à ce que les victimes de violations des droits humains et leur famille, ainsi que les organisations de défense des droits humains les représentant, soient pleinement consultées sur la meilleure manière d’appliquer cette loi », a ajouté Marcelo Pollack.

Une loi connexe est en cours d’élaboration concernant les restitutions de terres et les réparations aux victimes et communautés autochtones et afro-colombiennes, que la loi précédente ne couvre pas. Il est primordial que ces deux communautés soient pleinement impliquées et consultées, que ce soit au moment de l’élaboration ou de la mise en œuvre de toute future législation.

La loi sur les victimes et les restitutions de terres a été approuvée par le Congrès au moment d’une multiplication des menaces et des homicides visant des représentants de communautés déplacées et des personnes cherchant à obtenir la restitution de terres spoliées. Des victimes, des témoins, des avocats, des procureurs et des juges, ainsi que d’autres personnes impliquées dans des informations judiciaires en relation avec les droits humains, continuent à être menacés et tués.

« Toute initiative ayant pour but de corriger les fautes du passé et du présent doit donc également prévoir des mesures efficaces visant à mettre fin aux violations des droits humains ayant émaillé le conflit interne, vieux de 45 ans, ainsi qu’à l’impunité qui protège les auteurs de ces abus depuis bien trop longtemps », a conclu Marcelo Pollack.

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