COLOMBIE - Le président Uribe ne doit pas ratifier la loi d’impunité

Index AI : AMR 23/021/2005

Lors d’une rencontre avec le président colombien Álvaro Uribe Vélez ce mercredi 13 juillet 2005, la secrétaire générale d’Amnesty International Irene Khan a souligné à quel point il était important de mettre fin à l’impunité pour assurer une meilleure protection des droits humains en Colombie ; elle a exhorté le président à ne pas ratifier la Loi pour la justice et la paix.

Amnesty International craint que ce texte, récemment approuvé par le Congrès colombien, ne garantisse une absence totale de poursuites judiciaires à ceux, paramilitaires ou guérilleros, qui se sont rendus coupables des atteintes aux droits humains les plus atroces.

« La Loi pour la justice et la paix est totalement inadéquate et ne fera que renforcer le problème déjà chronique de l’impunité en Colombie, a déclaré Irene Khan. J’ai donc demandé instamment au président Uribe de ne pas ratifier ce texte et de suivre sans tarder les recommandations du haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, comme son gouvernement s’y est engagé. »
Amnesty International a exhorté la communauté internationale, et en particulier le Premier ministre du Royaume-Uni Tony Blair, à ne pas apporter son soutien à la démobilisation des groupes armés illégaux tant que le gouvernement colombien ne garantirait pas que les dispositions nécessaires ont été prises pour que tout membre de ces groupes responsable d’atteintes aux droits humains soit déféré à la justice. Ces garanties s’inscrivent dans le cadre des engagements internationaux en matière de vérité, de justice et de justes réparations que l’État colombien s’est engagé à respecter.

« Nous avons toujours entretenu un dialogue franc avec les gouvernements successifs de la Colombie et n’avons jamais cessé de leur fait part de nos préoccupations au sujet de la longue crise que traverse le pays en matière de droits humains, a poursuivi Irene Khan. Cette rencontre avec le président Uribe a été l’occasion de réitérer les préoccupations de l’organisation et d’échanger nos points de vue en toute franchise et courtoisie. »

Lors de sa rencontre avec le président Uribe, Irene Khan a de nouveau demandé que le gouvernement démantèle les groupes paramilitaires et qu’il fasse le nécessaire pour que soient rompus les liens qui existent entre ces unités et les forces de sécurité et d’autres acteurs publics et privés. La secrétaire générale a également répété qu’Amnesty International condamnait les violations du droit international humanitaire par la guérilla et que l’organisation demandait que les responsables de ces atteintes aux droits humains soient jugés.

Le cadre légal de toute démobilisation des membres des groupes armés clandestins, qu’il s’agisse de paramilitaires ou de guérilleros, doit prendre en compte le droit des victimes à la vérité, à la justice et aux réparations ; il doit s’attaquer au problème endémique de l’impunité et empêcher que les combattants ne soient réintégrés d’une façon ou d’une autre dans le conflit ; il faut enfin qu’il prévoit des mesures pour que soient déférées à la justice toutes les personnes, y compris les membres des forces de sécurité, soupçonnées d’avoir apporté un soutien militaire et financier aux groupes armés illégaux.

« La Loi pour la justice et la paix ne prend manifestement pas en compte ces principes fondamentaux, a souligné Irene Khan. Les défenseurs de ce texte assurent qu’il faut faire un compromis entre la paix et la justice, alors qu’il n’y a pas de dichotomie entre ces deux éléments. »
« Sans justice, il sera impossible de mettre fin définitivement à la crise que connaît le pays dans le domaine des droits humains, et si la vérité n’est pas établie, on ne pourra pas démanteler totalement les structures qui ont soutenu la violence paramilitaire pendant de si nombreuses années. »

Complément d’information

Le président Uribe a entamé des pourparlers avec les paramilitaires peu de temps après son inauguration en août 2002 et, en décembre 2002, les Autodefensas Unidas de Colombia (AUC, Milices d’autodéfense unies de Colombie), organisation rassemblant divers groupes paramilitaires, ont annoncé une cessation unilatérale des hostilités. Cependant, des milliers d’homicides et de « disparitions » ont été attribués aux paramilitaires depuis cette date.

La Loi pour la justice et la vérité, qui a été approuvée par le Congrès colombien le 21 juin 2005, a pour objectif de réglementer la démobilisation en cours des paramilitaires - et des membres de la guérilla - en accordant des peines d’emprisonnement considérablement réduites aux membres « démobilisés » des groupes armés clandestins accusés d’atteintes aux droits humains.

Il existe des indices forts, qui tendent à prouver que des structures paramilitaires continuent d’exister après leur "démobilisation" ; que des violations des droits humains continuent d’être commises par des paramilitaires dans des zones où ils sont censés avoir été démobilisés ; que de nombreux combattants démobilisés sont en fait « recyclés » dans le conflit, essentiellement sous forme d’informateurs à la solde de l’armée, et que la collusion entre les paramilitaires et certaines unités des forces de sécurité se poursuit.

S’il est vrai que toutes les parties au conflit armé en Colombie - forces de sécurité, paramilitaires et guérilla - ont violé systématiquement le droit international humanitaire et relatif aux droits humains, il n’en reste pas moins que les paramilitaires ont été responsables, ces dernières années, de la plupart des homicides de civils, « disparitions » et actes de torture.

Au cours des vingt dernières années, plus de 70 000 personnes, pour la plupart des civils, ont été tuées, et plus de trois millions déplacées à l’intérieur du pays et ce, par toutes les parties au conflit.

Au cours des dernières années, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a émis plusieurs recommandations à l’attention de l’État colombien et de la guérilla qui sont conçues comme un modèle pour résoudre le conflit qui déchire le pays depuis quarante ans.

Les 27 recommandations des Nations unies abordent différents aspects du conflit. Elles décrivent notamment les mesures à prendre pour mettre fin à l’impunité et briser les liens entre les paramilitaires et les forces de sécurité, ainsi que les mécanismes à mettre en place pour protéger les groupes les plus vulnérables tels que les noirs, les indigènes, les personnes déplacées, les défenseurs des droits humains et les syndicalistes. Elles appellent également la guérilla à pleinement respecter le droit international humanitaire.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service Presse d’Amnesty International au 02 543 79 04 ou consulter les sites http://www.amnesty.be et http://www.amnesty.org

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