Colombie. Une nouvelle loi renforce l’impunité pour les auteurs d’atteintes aux droits humains

Le droit à la vérité, à la justice et à réparation pour les innombrables victimes d’atteintes aux droits humains commises au cours du long conflit armé de Colombie est à nouveau grandement affaibli après l’approbation par le Congrès d’une loi qui va accorder une amnistie de fait à 19 000 membres des paramilitaires démobilisés, dont beaucoup sont responsables de graves atteintes aux droits humains, notamment d’homicides, de disparitions forcées et d’actes de torture.

La loi, approuvée par le Congrès le 18 juin, étend le « principe d’opportunité » aux hommes de troupe des groupes paramilitaires. Le principe d’opportunité, établi par la loi 906 de 2004, permet au procureur général de suspendre, interrompre ou abandonner une enquête criminelle lorsque cela est considéré « opportun », par exemple lorsque l’accusé collabore en fournissant des informations susceptibles d’empêcher d’autres crimes.

Avec la nouvelle loi, les informations judiciaires ouvertes sur des milliers de paramilitaires vont être suspendues ou abandonnées si les personnes concernées sont considérées comme ayant collaboré aux efforts faits en vue de démanteler les groupes dont ils faisaient partie. Les hommes de troupe des groupes de la guérilla, dont beaucoup sont également les auteurs présumés d’atteintes aux droits humains, bénéficient déjà d’amnisties semblables dans la législation actuelle. Des tiers ayant pu être complices d’atteintes aux droits humains perpétrées par des paramilitaires ou y avoir contribué de quelque manière, comme des hommes politiques et des trafiquants de drogue, pourraient également bénéficier de cette nouvelle loi.

Environ 90 p. cent des paramilitaires censés avoir été démobilisés grâce au processus soutenu par le gouvernement à partir de 2003 et qui n’ont pas été l’objet d’enquêtes officielles pour violations des droits humains, ont échappé à une enquête judiciaire effective pour ces crimes et ont obtenu une amnistie de fait. Selon le gouvernement, l’appartenance à ces groupes paramilitaires pouvait être assimilée à la sédition, délit politique au regard de la Constitution et donc susceptible de faire l’objet d’une mesure de grâce ou d’une amnistie.

Toutefois, ces amnisties ont été déclarées inconstitutionnelles par la Cour suprême de justice en juillet 2007. La Cour a décidé que, les paramilitaires n’ayant pas agi contre l’État, mais en complicité avec lui, on ne pouvait parler de sédition et qu’il ne s’agissait donc pas d’un délit politique pouvant faire l’objet d’une mesure de grâce ou d’amnistie. Cela a laissé environ 19 000 paramilitaires, dont le statut légal n’avait pas été défini avant la décision de la Cour suprême, dans un vide juridique. La nouvelle loi est destinée à remplir ce vide.

La nouvelle loi exclut les responsables présumés de crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Mais elle ne prévoit pas d’enquête, même minimale, sur la responsabilité de nombreux bénéficiaires du nouveau texte dans les atteintes aux droits humains qui ont été commises, ce qui signifie que des milliers d’auteurs d’atteintes aux droits fondamentaux des personnes vont échapper à la justice, tout comme les membres des forces de sécurité et les personnalités du monde des affaires et de la politique qui en ont été complices, tandis que leurs victimes ne connaîtront jamais la vérité. Si aucune information judiciaire impartiale n’est menée, il sera impossible d’établir si un crime présumé était un crime de guerre ou un crime contre l’humanité.

En n’enquêtant pas de manière effective sur le rôle des milliers de paramilitaires qui bénéficieront du principe d’opportunité dans les violations commises, ni sur celui des membres de la guérilla qui ont déjà bénéficié d’une amnistie de fait, l’État colombien manque à ses obligations au regard du droit international ; au titre de celles-ci, l’État se doit d’enquêter et, si suffisamment de preuves recevables existent, de poursuivre les auteurs présumés de graves atteintes aux droits humains et violations du droit international humanitaire ; il doit également accorder aux victimes et à leurs proches des réparations. Ces obligations figurent dans de nombreux instruments régionaux et internationaux, comme le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les deux Protocoles additionnels des Conventions de Genève, la Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture et la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes, auxquels la Colombie est État partie.

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