En Colombie, la sécurité de manifestants indigènes fait l’objet de graves préoccupations alors qu’ils sont la cible de violences croissantes de la part des forces de sécurité et que leurs meneurs ont été menacés de mort par un groupe paramilitaire de droite, a déclaré Amnesty International.
Des dizaines de manifestants indigènes, dont de nombreux enfants, ont déjà été blessés lorsque, selon certaines informations, les forces de sécurité colombiennes ont eu recours à une force excessive contre les manifestations, qui ont débuté le 12 octobre et se poursuivent dans plusieurs régions du pays.
Les craintes de voir survenir de nouvelles violences ont été renforcées la semaine du 14 octobre lorsque le groupe paramilitaire Rastrojos a appelé à une « épuration sociale » des responsables et des groupes indigènes participant aux manifestations.
« La majorité des éléments rassemblés par Amnesty International dans divers endroits de la Colombie met en évidence un recours à la force largement disproportionné et profondément inquiétant contre des manifestants indigènes par la police et l’armée », a déclaré Marcelo Pollack, spécialiste de la Colombie au sein d’Amnesty International.
« Les autorités colombiennes doivent faire en sorte que les violences contre les manifestants cessent et veiller à ce que les menaces proférées par des groupes paramilitaires et les allégations de recours à une force excessive fassent sans délai l’objet d’enquêtes exhaustives. Les responsables doivent être traduits devant la justice civile, et non militaire. Sans cela, d’autres personnes risquent d’être blessées avec la poursuite des manifestations. »
Manifestations indigènes
Depuis le 12 octobre, des milliers d’indigènes manifestent dans plusieurs régions de Colombie. Ils réclament le respect de leurs droits, de plus en plus menacés par l’industrie minière et pétrolière et d’autres acteurs économiques, qui empiètent sur leurs terres ancestrales.
Ces manifestations ont donné lieu à une réaction violente de la part des forces de sécurité colombiennes. Certains des incidents les plus graves se sont produits dans les départements du Cauca et du Valle del Cauca.
Le Comité régional indigène du Cauca (CRIC) a signalé le 19 octobre que les forces de sécurité auraient ouvert le feu la veille lors de manifestations à La Augustina, dans la municipalité de Santander de Quilichao (département du Cauca), blessant 15 manifestants indigènes dont plusieurs mineurs.
Le 16 octobre, une unité antiémeute de la police a dispersé une manifestation indigène qui bloquait la route conduisant à Buenaventura, dans le département du Valle del Cauca. Il semble que la police ait lancé des bombes lacrymogènes, dont certaines auraient été remplies de projectiles, directement sur les manifestants et les ait frappés à plusieurs reprises.
Plus de 60 personnes ont été blessées, dont 16 grièvement. La police antiémeutes aurait empêché pendant plusieurs heures les blessés de se faire soigner.
Préoccupations pour la sécurité
Les menaces visant les responsables indigènes interviennent alors que les forces de sécurité colombiennes semblent avoir recours à une force excessive.
Dans un message écrit datant du 15 octobre, le groupe paramilitaire a menacé de mort, en les nommant précisément, des responsables et des organisations indigènes des départements du Cauca, de Caldas, de Risaralda, de La Guajira, de Huila et d’Antioquia.
Les paramilitaires ont dit aux manifestants de rentrer chez eux dans les 24 heures, faute de quoi ils seraient considérés comme des cibles militaires et seraient marqués pour être exécutés lors d’une opération d’« épuration sociale ». Les paramilitaires ont affirmé que les manifestants indigènes étaient utilisés comme de la « chaire à canon » par les guérilleros des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).
« Au vu des informations faisant état de recours à une force excessive contre des manifestants indigènes au cours des 10 derniers jours, nous sommes particulièrement inquiets pour la sécurité des responsables indigènes et des membres des organisations nommés dans les menaces des paramilitaires », a indiqué Marcelo Pollack.
« Par le passé, les personnes considérées comme subversives ou complices de la guérilla ont souvent été la cible de graves violations des droits humains de la part de groupes paramilitaires agissant seuls ou de connivence avec les forces de sécurité. »
Amnesty International est également préoccupée à l’idée que la récente réforme de la justice militaire, qui rendra pratiquement impossible le fait de traduire en justice des membres des forces de sécurité impliqués dans des violations des droits humains, pourrait avoir eu pour effet d’enhardir policiers et militaires, qui n’auraient plus hésité user d’une force excessive contre les manifestants.
L’organisation prie instamment les autorités civiles colombiennes d’enquêter de façon indépendante sur toutes les allégations de recours à une force excessive par les forces de sécurité et sur les menaces de mort proférées par des paramilitaires et visant des responsables et des organisations indigènes.