Colombie, La police coupable d’actes de torture et usage excessif à la force

Colombie police

Les plus hautes autorités de la Colombie doivent faire savoir clairement et fermement que l’utilisation par la police nationale d’une force disproportionnée est inacceptable, et elles doivent mettre fin immédiatement à la répression des manifestations liées à la mort de l’avocat Javier Ordoñez.

« Nous avons examiné des vidéos montrant que la police nationale a torturé l’avocat Javier Ordoñez en utilisant un pistolet à impulsions électriques Taser, et en recourant contre lui à une force excessive et inutile, a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International.

« Nous demandons qu’il soit immédiatement mis fin à l’utilisation excessive de la force publique contre les personnes qui manifestent en réclamant justice pour la mort de l’avocat Javier Ordoñez. Nous demandons également aux autorités de condamner fermement ces violences et de mener sans délai des enquêtes exhaustives, indépendantes et impartiales sur les violations des droits humains commises par la police colombienne. »

Le 9 septembre, deux policiers ont arrêté de façon violente et immobilisé Javier Ordoñez, puis ont tiré sur lui avec des pistolets à impulsions électriques Taser X2 parce qu’il n’aurait pas respecté la règlementation sur l’isolement sélectif liée à la pandémie de COVID-19. Lorsqu’il a été immobilisé, et alors qu’il ne représentait aucun danger pour les policiers, ces derniers ont continué de lui infliger directement des décharges électriques sur le corps pendant environ cinq minutes. Javier Ordoñez les a priés d’arrêter, tout comme des témoins qui filmaient les faits et qui se trouvaient à quelques mètres d’eux. Il est décédé à l’hôpital quelques heures plus tard.

« Nous demandons qu’il soit immédiatement mis fin à l’utilisation excessive de la force publique contre les personnes qui manifestent en réclamant justice pour la mort de l’avocat Javier Ordoñez. Nous demandons également aux autorités de condamner fermement ces violences et de mener sans délai des enquêtes exhaustives, indépendantes et impartiales sur les violations des droits humains commises par la police colombienne. »

Conformément aux normes internationales relatives aux droits humains, le pistolet à impulsions électriques Taser et les autres armes similaires dites « à létalité réduite » doivent être utilisés selon les mêmes protocoles que les armes meurtrières, car ils peuvent causer de graves lésions, et même la mort. Les gouvernements doivent limiter leur utilisation en la réservant aux situations de danger réel et imminent pour la vie des fonctionnaires qui les portent : ils ne doivent être utilisés comme armes paralysantes que dans les situations qui nécessiteraient autrement l’utilisation de la force meurtrière, et dans le respect des principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité du recours à la force. L’utilisation délibérée d’une force potentiellement meurtrière pour le maintien de l’ordre face à des menaces qui ne sont pas extrêmement graves, et qui ne constituent pas une menace grave et imminente pour la vie ou l’intégrité physique de tiers, est considérée comme une utilisation disproportionnée de la force meurtrière [1].

« L’utilisation de Tasers en contact direct avec le corps, comme dans le cas de Javier Ordoñez, est absolument inacceptable. Leur utilisation prolongée contre une personne en état d’arrestation et immobilisée, qui ne représente aucun danger pour les fonctionnaires, a un caractère clairement punitif et vise à infliger intentionnellement une souffrance et des lésions ; elle constitue donc un acte de torture », a déclaré Erika Guevara Rosas.

« Dans de telles situations, les Tasers ne doivent être utilisés que par des fonctionnaires ayant reçu une formation rigoureuse de haut niveau et qui sont soumis à un système strict de surveillance et de reddition de comptes, conformément aux normes des Nations unies sur l’utilisation par la police de la force et des armes à feu. Quand les gouvernements ne peuvent pas respecter ces conditions, l’utilisation des Tasers doit cesser. »

À la suite de la mort de Javier Ordoñez, des manifestations ont eu lieu le 9 septembre à Bogota et dans d’autres villes, parfois avec des actes de vandalisme et de violence commis par quelques manifestants.

L’équipe de vérification des documents numériques d’Amnesty International a vérifié des vidéos montrant des images de plusieurs cas d’utilisation par la police nationale d’une force excessive en réaction à ces manifestations. Par exemple, des documents prouvent que des policiers ont traîné de façon brutale une femme dans les environs des Commandos d’action immédiate (CAI) de la police du quartier de Galerias, à Bogota.

L’organisation a également vérifié deux cas où la police a tiré à plusieurs reprises là où se tenaient les manifestations, et blessé au moins une personne. L’un de ces cas s’est produit près des CAI Rincón De Suba, sur Carrera 93, et l’autre près des CAI Verbenal, sur la Calle 187, à Bogota. Dans une vidéo montrant des images du deuxième cas, on voit des policiers à moto qui traversent la foule, tirant sans discrimination et blessant une personne qui tombe à terre.

Le mécontentement social a continué de prendre de l’ampleur, et Amnesty International est également en train de vérifier des images inquiétantes des manifestations du 10 septembre et de l’utilisation possible de la part des forces de sécurité d’une force disproportionnée.

Le 10 septembre, le ministre de la Défense, qui est responsable de la police nationale, a fait état de 403 personnes blessées (dont 194 membres des forces de sécurité) et de 10 décès (sept à Bogota et trois à Soacha). Dans la même déclaration, le ministre a qualifié les manifestations d’actes de vandalisme systématiques et coordonnés. Le 11 septembre, le ministre a présenté des excuses pour « toute violation de la loi ou méconnaissance de la règlementation de la part de membres de cette institution » et il a annoncé que cinq fonctionnaires avaient été relevés de leurs fonctions afin qu’ils ne puissent pas interférer dans l’enquête sur la mort de Javier Ordoñez.

« Il est déplorable que le ministre de la Défense considère les appels de la population pour la justice et pour une police respectueuse des droits humains comme des actes de vandalisme. La stigmatisation ne fait qu’inciter la police à violer davantage encore les droits humains des personnes qui manifestent », a déclaré Erika Guevara Rosas.

Ce n’est pas la première fois que l’organisation dénonce des violations des droits humains perpétrées par la police colombienne. En novembre 2019, Amnesty International a examiné au moins cinq cas de violations des droits humains commises par la force publique en réaction à des mouvements de protestation sociale.

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