COLOMBIE : San Vicente del Caguán : une population abandonnée

Index AI : AMR 23/115/02

Madrid – Accusés par les forces de sécurité et leurs alliés paramilitaires de soutenir la guérilla, soumis aux représailles des groupes d’opposition armés, abandonnés par les institutions gouvernementales et par la communauté internationale, les habitants de San Vicente del Caguán et de ce qui fut connu sous le nom de zone démilitarisée sont confrontés à un niveau croissant de violence et d’atteintes aux droits humains aux mains de toutes les parties au conflit.

Dans un nouveau rapport publié aujourd’hui (mercredi 16 octobre 2002), Amnesty International attire l’attention sur la situation tragique de la population civile de la zone qui a accueilli les pourparlers de paix entre le gouvernement colombien et le plus grand groupe de guérilla du pays, les Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (FARC, Forces armées révolutionnaires colombiennes). Cette région a été sous le contrôle effectif des FARC pendant plus de trois ans, d’octobre 1998 à février 2002, après le retrait de l’armée, qui était une condition préalable à l’ouverture des négociations de paix.

« Les populations qui vivaient dans la zone démilitarisée n’ont jamais été consultées sur la création de cette zone et n’ont pas eu d’autre choix que de cohabiter avec les FARC. Aujourd’hui, du fait de cette cohabitation, ils sont accusés de soutenir la guérilla et sont sérieusement menacés d’atteintes aux droits humains », a déclaré Amnesty International.

« Les habitants de l’ancienne zone démilitarisée sont en quelque sorte pris au piège dans un no man’s land où l’État se soustrait à son obligation de protéger ses ressortissants, et où les populations civiles sont à la merci d’atteintes aux droits humains commises par toutes les parties au conflit dans le cadre de leurs stratégies destinées à obtenir le contrôle de la région », a ajouté l’organisation, soulignant à quel point l’effondrement du processus de paix a exacerbé les violences politiques.

Depuis la rupture des négociations de paix le 20 février 2002, le bureau du médiateur des droits humains de San Vicente a recensé 17 homicides commis pour des raisons politiques, auxquels il faut ajouter 78 autres crimes du même type signalés dans les quatre autres municipalités de l’ancienne zone démilitarisée. Les chiffres réels pourraient être bien supérieurs, mais ils sont difficiles à obtenir en raison de l’isolement extrême de nombreuses zones rurales.

Les informations sur les atteintes aux droits humains reçues de la région font aussi état de torture et de mauvais traitements aux mains des forces de sécurité, de menaces répétées contre les populations civiles accusées de soutenir soit la guérilla, soit les forces armées, et de l’utilisation d’enfants comme informateurs. Par ailleurs, les FARC continuent de recruter des enfants dans leurs rangs.

Les affrontements ouverts restent limités dans la région, et les deux parties semblent plutôt engagées dans des stratégies préliminaires destinées à recueillir des informations et à réduire le soutien pour l’autre camp parmi la population locale.

D’un côté, les FARC ont apparemment pour objectif d’intimider la population civile afin de la soumettre, et de rendre la zone ingouvernable en menaçant et en harcelant les autorités locales. De l’autre côté, les forces de sécurité continuent de taxer de nombreux citoyens honnêtes de collaboration avec la guérilla, ce qui les expose au risque de représailles de la part des groupes paramilitaires, dont la présence s’accentue dans les municipalités de l’ancienne zone démilitarisée.

« Non seulement la population de l’ancienne zone démilitarisée a été abandonnée par les autorités colombiennes – qui n’ont pas tenu leurs promesses de soutien politique et économique – mais elle a aussi, pour comble de malheur, été désertée par la communauté internationale, qui avait concentré sur elle beaucoup d’attention pendant le processus de paix », a dénoncé Amnesty International.

« Même maintenant que la région n’est plus sous les feux des médias du monde entier, la communauté internationale devrait continuer de surveiller la situation des droits humains, de faire pression sur les autorités colombiennes pour qu’elles prennent des mesures appropriées pour protéger la population civile, et de veiller à ce que les deux parties au conflit respectent le droit international humanitaire », a conclu l’organisation.

Complément d’information
La zone démilitarisée a été créée en 1998 par le président de l’époque, Andrés Pastrana, afin de faciliter les pourparlers de paix avec les FARC. La démilitarisation de cette zone était demandée par les FARC comme condition préalable à l’ouverture de toute négociation. La zone démilitarisée est restée en place jusqu’à la rupture des négociations de paix, le 20 février 2002. La région couverte par cette zone, d’une taille à peu près équivalente à celle de la Suisse, comprend cinq municipalités : Mesetas, Vista Hermosa, Uribe et La Macarena dans le département du Meta, et San Vicente del Caguán dans le département du Caquetá.

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