« On constate une contradiction flagrante entre les déclarations de Monsieur Di Rupo, ministre-président de la Région wallonne, et ce qui figure effectivement dans les rapports du gouvernement wallon lui-même et de la Banque Nationale de Belgique, explique Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International. Le ministre-président a en effet déclaré au Parlement wallon que, depuis 2017 [1], la Wallonie n’exportait plus d’armes ou de munitions aux forces armées des Émirats arabes unis alors que les rapports indiquent que du matériel militaire wallon a bien continué à affluer vers cet État. »
En effet, Amnesty International a déterminé dans l’Observatoire des armes wallonnes, notamment via ces deux rapports, que, depuis le début de l’année 2018, des exportations réelles d’armes wallonnes vers les Émirats arabes unis ont été enregistrées pour une valeur totale de 22 578 163 €. L’organisation de défense des droits humains rappelle par ailleurs que cet État détourne des armes au profit de milices au Yémen et qu’il est membre de la coalition menée par l’Arabie saoudite, soupçonnée de commettre de crimes de guerre dans ce même pays.
« On constate une contradiction flagrante entre les déclarations de Monsieur Di Rupo, ministre-président de la Région wallonne, et ce qui figure effectivement dans les rapports du gouvernement wallon lui-même et de la Banque Nationale de Belgique »
Amnesty International, via l’Observatoire des armes wallonnes, constate également que l’Arabie saoudite demeure le principal client de la Région wallonne, alors même que la Commission d’avis a rendu des avis défavorables à l’exportation d’armes vers ce pays, comme l’a spécifié le Conseil d’État dans son arrêt du 9 mars 2020 : « la Commission d’avis consultée par le gouvernement wallon [...] a rendu des avis défavorables sur le respect des critères 2, 4 et 6 [...] de la Position commune (de l’Union européenne) ».
Pour le seul mois de décembre 2019, les exportations directes d’armes wallonnes vers le Royaume saoudien se sont en effet élevées à près de 70 millions d’euros. À ce montant, il convient d’ajouter les importations canadiennes de « chars et automobiles blindées de combat, armés ou non ; leurs parties », qui représentent près de 208 millions d’euros et concernent pour la plus grande partie des tourelles-canons assemblées sur des véhicules blindés destinés aux gardes royale et nationale saoudiennes.
« Malgré l’engagement du gouvernement wallon à respecter le droit et un appel d’Elio Di Rupo à respecter le décret wallon sur le commerce des armes, le ministre-président a complètement négligé les avis défavorables de la Commission d’avis concernant l’exportation d’armes wallonnes vers l’Arabie saoudite en signant de nouvelles licences d’exportation à destination de Riyad. Il a fallu une intervention du Conseil d’État en mars dernier pour que soient suspendues 17 licences d’exportation d’armes vers l’Arabie saoudite signées par Monsieur Di Rupo », indique Philippe Hensmans.
Amnesty International rappelle également dans l’Observatoire des armes wallonnes que, entre 2006 et 2018, ce sont près de 2,7 milliards d’euros d’exportation directe qui ont été autorisées à destination de l’Arabie saoudite. Par ailleurs, l’exportation au Canada depuis 2014 de tourelles-canons destinées à compléter des véhicules blindés vendus à Riyad avoisine un montant qui s’élèverait à 1,4 milliard d’euros.
« Malgré l’engagement du gouvernement wallon à respecter le droit et un appel d’Elio Di Rupo à respecter le décret wallon sur le commerce des armes, le ministre-président a complètement négligé les avis défavorables de la Commission d’avis concernant l’exportation d’armes wallonnes vers l’Arabie saoudite »
L’organisation pointe enfin que l’Égypte, responsable de graves violations des droits humains sur son propre sol et membre de la coalition menée par l’Arabie saoudite active dans le conflit armé en cours au Yémen, a bénéficié en 2017 et en 2018 de licences d’exportation d’armes octroyées par la Région wallonne pour une valeur totale de 9 572 923 €.
Complément d’information
En décembre 2019, Amnesty International s’est jointe avec quatre autres organisations au Centre européen pour les droits de l’homme et constitutionnels pour demander à la Cour pénale internationale de mener une enquête afin de savoir si la responsabilité pénale de hauts dirigeants d’entreprises et de gouvernements européens peut être engagée en ce qui concerne la fourniture d’armes utilisées par des membres de la coalition menée par l’Arabie saoudite pour commettre de possibles crimes de guerre au Yémen.
Une version mise à jour de l’Observatoire des armes wallonnes est disponible sur le site de la section belge francophone d’Amnesty International. Initiative de la société civile, l’Observatoire des armes wallonnes vise à ce que la Région wallonne rende des comptes par rapport à ses obligations en matière de commerce des armes, particulièrement aux exportations à destination des pays impliqués dans la guerre au Yémen, ainsi qu’à d’autres pays qui commettent de graves violations du droit international humanitaire et des droits humains.