Commission africaine. Déclaration orale d’Amnesty International sur la procédure de transmission de l’information de la Commission

Déclaration publique

AFR 01/010/2006

Amnesty International se félicite de la publication du rapport de la réunion de réflexion de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission africaine), organisée par la Commission de l’Union africaine (UA), qui s’est tenue les 9 et 10 mai 2006. Ce rapport contient plusieurs recommandations utiles qui, si elles sont mises en œuvre, contribueront au fonctionnement efficace de la Commission africaine.

Amnesty International estime que l’examen actuel de la relation de la Commission africaine avec les organes de l’UA, et en particulier de ses pratiques de transmission de l’information, offre une grande opportunité de clarifier le rôle respectif de la Commission africaine et des organes de l’UA, en particulier le Conseil exécutif et l’Assemblée, afin de renforcer l’indépendance de la Commission. Il a été demandé à la Commission africaine de soumettre à la Commission de l’UA son opinion sur l’interprétation de l’article 59(1) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine), concernant la publication de ses rapports. La Commission africaine est l’organe mandaté pour interpréter les dispositions de la Charte, et en tant que telle, fait autorité pour l’interprétation de l’article 59(1).

Dans cette optique, Amnesty International réaffirme le principe fondamental selon lequel la Commission africaine ne pourra jouer réellement son rôle de protection et de promotion des droits humains en Afrique que si les organes politiques de l’UA s’abstiennent de toute interférence indue. La publication des rapports et des décisions de la Commission africaine ne doit pas être soumise à l’approbation de l’Assemblée des chefs d’État de l’UA.

Aux termes de la Charte africaine, la Commission africaine est constituée d’experts agissant à titre individuel, et chargés d’observer la mise en œuvre de la Charte africaine. Tous les États membres de l’UA sont parties à la Charte, et se sont engagés à respecter les droits contenus dans ce texte, et à mettre en œuvre les recommandations de la Commission africaine.

Amnesty International a dénoncé à plusieurs occasions la décision adoptée en janvier 2006 par l’Assemblée de l’UA lors de sa 6ème session ordinaire à Khartoum, au Soudan, qui autorisait la publication du 19ème rapport d’activité de la Commission africaine, à l’exception notable des résolutions sur l’Érythrée, l’Éthiopie, l’Ouganda, le Soudan et le Zimbabwe, adoptées par la Commission africaine lors de sa 38ème session ordinaire. Pour Amnesty International, cette décision se fondait sur une erreur d’interprétation de l’article 59, sans aucun lien avec la Charte. Il faut également noter qu’une telle restriction dans la procédure d’information ne figure ni dans le système des Nations unies relatif aux droits humains, ni chez les organes de surveillance du respect de traités relatifs aux droits humains d’autres grandes organisations régionales.

Amnesty International note que l’exigence de confidentialité définie par l’article 59 de la Charte ne couvre que les « mesures prises » au chapitre des communications. Les résolutions adoptées par la Commission africaine, ainsi que les observations finales aux États parties, les rapports de mission dans les pays à des fins d’enquête ou de promotion, et d’autres rapports d’activité menées par la Commission africaine ou ses Rapporteurs spéciaux et d’autres groupes de travail, ne sont pas soumis à la confidentialité, et leur publication ne doit donc ni être retardée ni soumise à la condition que la réponse des gouvernements sera aussi publiée.

Il faut noter que selon la pratique actuelle de la Commission africaine, les États parties ont la possibilité de faire connaître leur point de vue tant oralement que par écrit, lors des sessions de la Commission africaine et des débats de l’Assemblée de l’UA sur le rapport d’activité de la Commission africaine.

En faisant publiquement état de leur opinion sur les rapports et résolutions de la Commission, les gouvernements créent une occasion utile d’engager un dialogue constructif entre les États parties à la Charte africaine et la Commission. Cependant, bien que la publication des réponses écrites des États parties concernés soit essentielle à l’évaluation de la mise en œuvre de la Charte africaine, elle ne doit en rien interférer avec la publication des rapports ou résolutions de la Commission.

La capacité de réagir immédiatement aux rapports faisant état de violations des droits humains, et celle de les faire connaître, sont deux des outils les plus efficaces dont dispose tout organe de surveillance des droits humains. Même si les résolutions retardées adoptées à la 38ème session ordinaire et les réactions gouvernementales qu’elles ont suscitées sont désormais publiées, de tels retards ne doivent pas se reproduire à l’avenir. La valeur immédiate d’une résolution est complètement perdue si elle est publiée presque un après son adoption.

En outre, les rapports des missions d’enquête ou de promotion dans certains pays sont très rarement publiés, et, dans le cas contraire, avec un retard considérable ; un exemple révélateur est donné par la mission d’enquête de la Commission au Darfour en 2004, dont le rapport n’a toujours pas été publié. Certaines observations finales sur des rapports initiaux et périodiques d’États parties n’ont pas non plus été publiés. Cette absence de publicité constitue une grave menace, non seulement pour l’indépendance de la Commission, mais aussi pour sa capacité à promouvoir les droits humains.

Amnesty International encourage la Commission africaine à asseoir son autorité et à réaffirmer son indépendance en :

 demandant que tous les organes de l’UA soutiennent le travail de la Commission africaine, conformément à l’objectif de l’UA de promouvoir et protéger les droits humains et les droits des peuples, comme le déclare clairement l’Acte constitutif de l’UA ;
 publiant sans retard les observations finales de la Commission africaine sur les rapports initiaux et périodiques des États parties, les rapports de ses missions d’enquête et de promotion dans les pays, les rapports de ses Rapporteurs spéciaux et groupes de travail, ainsi que les rapports sur les résolutions adoptées lors de ses sessions ;
 faisant en sorte que tous les rapports et décisions de la Commission africaine soient rapidement et largement diffusés, et reçoivent une publicité suffisante sur le site Web de la Commission africaine ;
 publiant et en soumettant à la Commission de l’UA son opinion sur l’interprétation de l’article 59(1) de la Charte, et, en général, sur la procédure de transmission de l’information, conformément aux suggestions ci-dessus.

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