Commission africaine. Déclaration orale d’Amnesty International sur la situation des droits humains en Afrique

Déclaration publique

AFR 01/012/2006


Nigéria
(violations des droits humains dans la campagne électorale)

En avril 2007 auront lieu au Nigéria les élections à la présidence, au parlement et aux gouvernorats d’État. Amnesty International est préoccupée du niveau de violence et d’intimidation déjà élevé qui entoure le processus électoral, et par le risque de nouvelles violations graves des droits humains dans le cadre du processus électoral, d’ici à avril 2007.

Amnesty International a déjà signalé des violences politiques répandues, pendant et après les élections nigérianes de 1999 et 2003 – comme plusieurs homicides à caractère politique, ainsi que des agressions et des combats de factions entre des groupes de miliciens armés liés à des candidats aux élections. Cette violence politique a lieu au niveau du pays, de ses États et de ses localités.

Amnesty International a déjà reçu de nombreuses informations signalant des cas de violence politique liée aux élections de 2007, notamment des assassinats ou tentatives d’assassinat de plusieurs candidats.

Dans tout le pays, de nombreuses sources font état de groupes de civils armés par des dirigeants politiques pour fomenter des violences politiques au niveau local et étatique. La menace de la violence armée est entretenue par un flux croissant d’armes arrivant au Nigéria. Amnesty International est particulièrement préoccupée par la violence politique au niveau local, qui, selon nous, n’est pas assez signalée.

Derrière cette violence liée aux élections se posent de graves questions relatives à la gouvernance et à l’accès aux ressources au Nigéria, ainsi qu’à une culture de l’impunité où des hommes politiques importants qui auraient soutenu la violence échappent souvent aux enquêtes, et sont encore moins traduits en justice. Malgré de récentes déclarations de responsables de la sécurité et quelques arrestations, la majorité des violences liées aux élections ne font l’objet ni d’enquête ni de châtiment. L’impunité pour les violences et violations des droits humains similaires, lors des précédentes élections, a exercé une influence directe sur la situation actuelle, avec le risque que la situation sécuritaire au Nigéria se dégrade encore davantage à l’approche d’avril 2007.

Le rôle d’Amnesty International dans les élections n’est pas d’agir comme observateur électoral, au Nigéria ou ailleurs. Notre organisation se limite à la recherche et aux commentaires sur les atteintes aux droits humains qui se produisent dans le contexte des élections, en demandant le respect et la protection des droits humains. Amnesty International reste strictement neutre dans tous les scrutins, sans favoriser de parti ni de candidat, ni commenter les procédures et aspects techniques de l’élection.

Amnesty International estime que la Commission africaine peut jouer un rôle crucial dans le respect et la protection des droits humains au Nigéria. Pour cette raison, nous encourageons la Commission à :

 demander au gouvernement du Nigéria d’assurer le plein respect et la protection des droits humains reconnus dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et d’exhorter tous les partis politiques à déclarer publiquement que les atteintes aux droits humains dans le cadre de l’élection ne seront pas tolérées ;
 demander aux autorités compétentes d’enquêter sur toutes les allégations d’atteintes aux droits humains et, s’il existe des éléments recevables suffisants, de poursuivre les responsables présumés ;
 demander au gouvernement de respecter et protéger le travail des défenseurs des droits humains, notamment ceux des femmes, et de faire en sorte que ces défenseurs puissent mener leurs activités de promotion et de surveillance du respect des droits humains pendant les élections.

Amnesty International encourage la Commission africaine à mener une mission de promotion des droits humains au Nigéria avant les élections d’avril 2007, afin de promouvoir la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et d’encourager les autorités compétentes et tous les partis politiques à s’engager publiquement en faveur d’un programme clair de protection et de respect des droits humains, pendant et après les élections.

Soudan (Darfour)

Pour les personnes déplacées du Darfour, la survie reste difficile et dangereuse. Le même gouvernement qui a financé, soutenu et aidé les milices janjawids pour chasser ces personnes de leurs villages et de leurs terres, refuse à présent de permettre la transition de l’actuelle force de maintien de la paix de l’Union africaine (AMIS) vers une force des Nations unies pour le maintien de la paix au Darfour, plus importante et mieux équipée, mandatée par le Conseil de sécurité des Nations unies pour protéger les civils. Ce même gouvernement soudanais dont l’obligation devrait être de protéger son peuple, lui refuse sa protection.

Pendant ce temps, ce peuple souffre. Plus de 2 000 villages ont été détruits au Darfour depuis 2003. Près de deux millions de personnes sont confinées dans des camps, des dizaines de milliers d’autres ont trouvé refuge en ville, et 200 000 se trouvent encore dans des camps de réfugiés du Tchad. Dans la majorité du Darfour occidental, les Janjawids occupent les lieux, et les personnes déplacées ne peuvent quitter les camps ou les villes sans risque d’être torturées, violées ou tuées par les Janjawids. Amnesty International, qui n’a pas reçu la permission de se rendre au Soudan, a rassemblé des dizaines de témoignages au Tchad, provenant de personnes qui avaient récemment fui le Darfour, décrivant les homicides et les tortures des Janjawids. La police soudanaise ne prend aucune mesure réelle pour enquêter sur les plaintes liées aux violences de ces milices, et dans certains cas, des personnes se plaignant à la police soudanaise ont été placées en détention et torturées.

Le gouvernement soudanais, après plusieurs accords promus par l’UA depuis 2004, n’a pris aucune mesure réelle pour désarmer les Janjawids. Pire, ces miliciens sont désormais non seulement en voie d’intégration dans des organisations paramilitaires comme les Forces de défense populaires ou la Border Intelligence (renseignements frontaliers), mais seraient aussi intégrés à l’armée régulière. Au lieu d’être désarmés, ils sont réarmés. Par exemple, certains observateurs, notamment des victimes d’attaques à Jebel Moon, ont décrit les Janjawids attaquants comme équipés d’armes flambant neuves, avec des uniformes militaires soudanais neufs également. Dans le camp des forces armées soudanaises de Tina, à la frontière du Tchad et à 80 kilomètres environ de Jebel Moon, des observateurs ont également signalé la présence dans le camp de Janjawids équipés d’armes et vêtus d’uniformes neufs. Des villages ont été attaqués à quelques kilomètres d’un camp des forces armées soudanaises, sans que celles-ci ne tentent de protéger leurs habitants. Parallèlement, les forces armées soudanaises ont mené des attaques à l’aveugle, ou parfois semble-t-il, délibérées, contre des civils, en bombardant des villages peuplés de civils.

Les forces de l’AMIS, qui avaient été tellement bienvenues à leur premier déploiement, n’ont plus, désormais, la confiance des personnes déplacées à l’intérieur du Darfour. Ces forces manquent de financement et de matériel essentiel, comme des moyens de transport ou de communication, souvent à cause des promesses non tenues par les donateurs. Le gouvernement soudanais limite le mouvement de ces forces, leur imposant un couvre-feu et des autorisations de vol préalables, ce qui rend difficile une réaction rapide aux attaques contre les civils, et entretient la méfiance et le désarroi de la population.

En mars 2006, le Conseil de paix et de sécurité de l’UA a soutenu une transition vers une force de maintien de la paix des Nations unies au Darfour. Le 31 août 2005, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution invitant le gouvernement du Soudan à consentir au déploiement de cette force au Darfour, avec un mandat et des moyens suffisants pour protéger réellement les civils. Dans le cadre de la MINUS, plus de 10 000 membres des forces du maintien de la paix des Nations unies se trouvent déjà dans le sud du pays. Le Mouvement populaire pour la libération du Soudan, partenaire du Congrès populaire dans le gouvernement d’unité nationale, soutient la transition vers une force des Nations unies – comme tous les partis d’opposition, mais pas le CP au pouvoir.

Sans gouvernement pour les protéger, les populations déplacées du Darfour doivent se tourner vers des organisations régionales et internationales susceptibles de les aider : l’Union africaine et les Nations unies. Lors de sa 38ème session ordinaire, la Commission africaine a adopté une résolution très importante demandant au gouvernement du Soudan de respecter ses obligations définies par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Amnesty International estime que la Commission africaine doit continuer à exercer son autorité en exhortant le gouvernement soudanais à assurer une protection efficace aux civils du Darfour, et à consentir au déploiement d’une force de maintien de la paix des Nations unies au Darfour, conformément à la résolution 1706 du Conseil de sécurité.

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