COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES - Déclaration orale d’Amnesty sur le Zimbabwé

Index AI : IOR 30/010/2005

DÉCLARATION ORALE

Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres de la Commission,

Amnesty International est toujours très préoccupée par la répression que subissent les défenseurs des droits humains au Zimbabwe. Au cours de ces quatre dernières années, ils ont fait l’objet de menaces, ont été placés sous la surveillance constante d’agents de l’État chargés de la sécurité, ont été soumis à des arrestations arbitraires, des violences physiques et des actes de torture.

Plusieurs personnes ont été contraintes de fuir le pays. Parce qu’ils critiquent le gouvernement, les défenseurs des droits humains sont considérés comme des partisans de l’opposition politique, le Movement for Democratic Change (MDC, Mouvement pour le changement démocratique) ; ils sont qualifiés de subversifs, on les accuse d’être contrôlés par des mouvements étrangers et d’être racistes.

Amnesty International est particulièrement préoccupée par le sort des femmes du mouvement de défense des droits humains WOZA (Women of Zimbabwe Arise, Femmes du Zimbabwe, debout !). Depuis février 2003, des militantes du WOZA ont été arrêtées à de nombreuses reprises par la police nationale du Zimbabwe pour avoir pris part à des manifestations pacifiques contre la dégradation des conditions sociales et économiques et la situation des droits humains dans le pays. Certaines ont également été arrêtées lors de réunions privées ou pour avoir pris part à des prières publiques.

Des militantes du WOZA ont été victimes d’insultes verbales et de violences physiques en garde à vue ; elles n’ont pas été autorisées à consulter un avocat et ont été privées d’eau et de nourriture. Des bébés et de jeunes enfants ont été placés en garde à vue avec leur mère, passant parfois la nuit en cellule.

Au cours des trois premiers mois de 2005, pas moins de 300 militantes du WOZA ont été interpellées et placées en garde à vue par des policiers à l’occasion de quatre évènements séparés, l’un deux étant la Journée internationale des femmes. Des dizaines d’entre elles ont été frappées, certaines très brutalement. Très récemment, le 31 mars, la police a dispersé un rassemblement de prière pacifique post-électoral à Harare, arrêtant quelque 260 femmes. Beaucoup d’entre elles ont reçu des coups pendant et après leur interpellation. Un certain nombre de femmes ont été gravement blessées et ont dû être hospitalisées. Les femmes arrêtées ont été remises en liberté le lendemain, après avoir subi des pressions pour accepter de s’acquitter d’amendes de « reconnaissance de culpabilité » pour de supposées infractions au code de la route. On leur aurait dit que si elles ne réglaient pas ces amendes, elles resteraient en détention durant tout le week-end et auraient à répondre de charges tombant sous le coup de la Loi relative à l’ordre public et à la sécurité.

Amnesty International condamne le recours à la législation nationale pour supprimer les libertés d’expression, d’association et de réunion et faire taire les voix dissidentes au Zimbabwe. L’organisation renouvelle en particulier sa condamnation de la Loi relative à l’ordre public et à la sécurité et soutient fermement la recommandation de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, dans son rapport d’enquête sur le Zimbabwe en 2002, en faveur d’une modification de la Loi relative à l’ordre public et à la sécurité visant à la rendre conforme aux normes internationales relatives à la liberté d’expression.

Lors de la 36ème session de la Commission africaine à Dakar, au Sénégal, en novembre 2004, Amnesty International avait fait part de ses graves préoccupations concernant une nouvelle proposition de loi visant à régir les activités des ONG au Zimbabwe et ciblant plus précisément les ONG travaillant sur les thèmes de la gouvernance et des droits humains. Bien que le projet de loi sur les ONG ait été adopté par le parlement du Zimbabwe le 9 décembre 2004, il n’a pas encore été signé et selon certaines informations actuelles la loi devrait retourner devant le parlement. C’est une nouvelle positive mais Amnesty International reste gravement préoccupée par le climat d’insécurité et de menaces que cette loi a généré pour les ONG travaillant à la défense des droits humains.

Amnesty International considère la loi sur les ONG comme une tentative délibérée, de la part du gouvernement du Zimbabwe, de paralyser l’action des organisations de défense des droits humains et donc de limiter toute critique du gouvernement. Pour Amnesty International, cette législation est conforme aux tentatives précédentes du gouvernement du Zimbabwe de recourir à des mesures répressives légales pour restreindre l’action des défenseurs des droits humains et empêcher que les violations des droits humains dans le pays ne fassent l’objet d’enquêtes, de dossiers et de rapports.

Amnesty International en appelle donc à la Commission africaine, pour qu’elle demande au gouvernement du Zimbabwe de rendre compte de ses actes au titre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte africaine), en exigeant :

 que cessent immédiatement tous les actes de harcèlement, d’intimidation et autres violations des droits humains à l’égard des défenseurs des droits de l’homme ; que soient appliquées pleinement la Charte africaine et la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme ; que soient notamment respectés les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association des défenseurs ;

 qu’il soit établi publiquement et clairement que toute loi relative à l’action des ONG ou des défenseurs des droits humains respectera pleinement les engagements du Zimbabwe au regard de la Charte africaine et reflétera pleinement les dispositions de la Déclaration des Nations unies et de la résolution sur la protection des défenseurs des droits de l’homme en Afrique, adoptée par la Commission africaine lors de sa 35ème session ordinaire à Banjul en Gambie, en juin 2004 ;

 que soit abrogée ou amendée toute législation nationale qui serait incompatible avec les principes et dispositions de la Charte africaine ;

 que soit mis fin à la culture de l’impunité pour les auteurs de violations des droits humains ;

 que soient pleinement appliquées les recommandations émises par la Commission africaine à l’issue de sa mission au Zimbabwe en juillet 2002. La Commission africaine doit mettre en place un groupe de travail, présidé par le rapporteur spécial en charge de la situation des défenseurs des droits de l’homme, pour contrôler l’application de ses recommandations par le gouvernement du Zimbabwe, notamment celles relatives à la protection des droits des défenseurs.

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