Amnesty International a salué l’adoption d’un nouveau rapport du Parlement européen engageant encore une fois les États membres de l’Union européenne (UE) à enquêter sur le rôle qu’ils ont joué dans les programmes de « restitution » et de détention secrète de l’Agence centrale du renseignement (CIA).
Jusqu’à présent, aucun d’entre eux ne s’est acquitté pleinement de l’obligation légale d’enquêter sur les graves violations des droits humains liées aux opérations de la CIA visant à lutter contre le terrorisme, parmi lesquelles figurent des transferts illégaux, des détentions secrètes, des actes de torture et des disparitions forcées de personnes. Ce rapport a été adopté par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) le 10 juillet 2011.
« Le Parlement européen a de nouveau braqué les projecteurs sur des violations graves des droits de l’homme par la CIA et a prononcé un blâme à l’encontre des États membres de l’UE complices de ces abus. Les députés européens ont subi des pressions considérables de la part des intérêts nationaux et d’autres, cherchant à maintenir ces allégations secrètes, mais heureusement, ils sont restés fermes et ont voté en faveur de ce rapport », a déclaré la rapporteuse, Hélène Flautre (Verts/ALE, FR), dont le projet de résolution a été adopté par 50 voix pour, 2 contre et 5 abstentions (source : Parlement européen). Le rapport sera soumis à un vote lors de la session plénière de septembre, à Strasbourg.
Le rapport de la commission LIBE s’intéresse en particulier à trois États qui auraient accueilli des centres de détention secrets où des personnes soupçonnées de terrorisme ont été placées à la suite des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis : la Lituanie, la Pologne et la Roumanie. La Lituanie a reconnu avoir accueilli deux sites secrets de détention, et des éléments crédibles de plus en plus nombreux montrent que la Pologne et la Roumanie ont également collaboré avec la CIA pour installer des centres de détention secrets sur leur territoire. Tous les gouvernements nient que des suspects ont été détenus sur des sites secrets dans leur pays. La commission LIBE appelle tous les États membres de l’UE impliqués à mener des enquêtes indépendantes, impartiales, approfondies et efficaces sur leur participation à ces programmes.
Ce rapport fait suite à un rapport de 2007 présenté par une commission spéciale du Parlement européen qui exposait les éléments alors disponibles attestant de la complicité européenne dans les opérations dirigées par les États-Unis. Des résolutions adoptées en 2007 et 2009 priaient instamment les États membres de l’UE à ouvrir des enquêtes, mais elles ont été en grande partie ignorées. Entre 2007 et 2012, de nombreux événements ont entraîné la publication d’éléments crédibles supplémentaires faisant état de la complicité européenne, notamment la découverte de sites secrets en Lituanie (décembre 2009), l’identification d’un centre de détention à Bucarest par d’anciens agents de la CIA dans la presse (décembre 2011) et la révélation de poursuites engagées en Pologne contre le chef des services secrets polonais pour collusion avec la CIA dans la détention de personnes soupçonnées de terrorisme dans le pays (mars 2012).
Une délégation du Parlement européen s’est rendue en Lituanie au cours du travail de la commission et a visité l’un des sites d’un centre de la CIA. La rapporteuse Hélène Flautre s’est également rendue en Pologne. Le rapport final appelle la Lituanie à rouvrir une enquête pénale sur les sites secrets et invite la Pologne, où une enquête est en cours, à poursuivre celle-ci avec plus de transparence. Les autorités roumaines ont nié toute participation aux opérations de la CIA, mais la commission LIBE les engage à ouvrir une enquête exhaustive et efficace sur les éléments crédibles toujours plus nombreux démontrant leur collusion avec la CIA.
Les données communiquées par l’agence de l’aviation polonaise et par Eurocontrol à la commission LIBE ont fourni des informations importantes sur les vols de « restitution » à destination et en provenance de la Lituanie, de la Pologne et de la Roumanie, qui corroborent encore les allégations indiquant que ces trois pays étaient profondément impliqués dans les programmes de « restitution » et de détention secrète de la CIA. Le rapport fait en outre état d’une « filière scandinave » entre les trois pays et des atterrissages et survols ayant eu lieu sur les territoires danois et finlandais.
Amnesty International rappelle aux États membres de l’UE que la torture et les disparitions forcées ne peuvent pas rester sans suite, argument que le rapport fait bien comprendre. Ce document constitue une contribution forte et importante à l’action en faveur du respect de l’obligation de rendre des comptes pour la complicité européenne dans les programmes de « restitution » et de détention secrète de la CIA. Amnesty International exhorte maintenant les députés européens de tous les groupes politiques à soutenir le rapport quand il sera soumis au vote lors de la session plénière de septembre et à signifier sans équivoque à tous les gouvernements de l’UE concernés qu’ils doivent mener des enquêtes indépendantes, impartiales, approfondies et efficaces sur leur rôle dans ces programmes abusifs et illégaux de la CIA.