Dans un nouveau rapport publié le 19 juillet, Amnesty International révèle que des membres de la communauté indigène Tharu dans les plaines du Teraï, au Népal, sont soumis à des arrestations arbitraires, des actes de torture et des mauvais traitements aux mains de la police, en lien avec l’homicide de huit membres des forces de l’ordre et d’un enfant à Tikapur, dans le district de Kailali, le 24 août 2015.
Ce rapport s’appuie sur les entretiens qu’a menés Amnesty International avec des détenus à la prison de Dhanghadi, dans le district de Kailali. Arrêtés de manière arbitraire, ces prisonniers ont été inculpés de meurtre, de tentative de meurtre et de vol qualifié dans les jours qui ont suivi les homicides.
« Depuis longtemps, la communauté Tharu est marginalisée et privée de ses droits fondamentaux au Népal. Ces cas ne sont, hélas, pas une exception mais relèvent d’une pratique bien établie de violences policières visant la communauté Tharu », a déclaré Champa Patel, directrice pour l’Asie du Sud à Amnesty International.
Le 24 août 2015, la police a tiré des gaz lacrymogènes sur une foule de milliers de manifestants Tharu, descendus dans la rue pour protester contre les frontières fédérales proposées par le gouvernement dans le cadre des négociations sur une nouvelle Constitution et pour réclamer une province séparée et autonome. En réaction, certains manifestants ont attaqué la police, tuant huit policiers, ce qui a déclenché une vague de représailles contre la communauté Tharu.
Torture et autres mauvais traitements
Les détenus interrogés par Amnesty International ont été victimes d’arrestations arbitraires. Sur les 19 détenus avec lesquels l’organisation s’est entretenue, 18 ont déclaré avoir été torturés depuis le moment où ils ont été placés en garde à vue.
L’un d’entre eux a déclaré avoir été frappé dès son arrestation. Il a été détenu pendant sept jours au bureau de la police du district. Un jour, les policiers l’ont roué de coups jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Il a été ramené à lui avec de l’eau.
Un autre détenu a raconté avoir été frappé à coups de cannes de bambous, de bottes, de mains, de lathis (matraques de la police faites en bambou), de tuyaux en plastique et, a-t-il ajouté, de « tout ce qui leur tombait sous la main ».
Selon son témoignage, les policiers étaient ivres au moment des faits, leur haleine et leur démarche trahissant les signes d’une forte consommation d’alcool. Ils « ne se comportaient pas comme des hommes », a-t-il déclaré. L’un des policiers a mâché du tabac et le lui a craché au visage.
Un troisième détenu interrogé a confirmé que les policiers buvaient et chantaient. Ils chantaient pendant qu’ils le frappaient, prenant visiblement plaisir à le torturer.
Un quatrième a déclaré que les policiers lui avaient bandé les yeux et lui avaient ordonné de courir, menaçant de l’abattre.
« Aveux » forcés
Tous les détenus ont déclaré avoir été contraints de signer des « aveux » dans lesquels ils reconnaissaient leurs crimes, sans pouvoir lire le document.
Ram Prasad Chaudhary, un prisonnier soumis à de nombreuses tortures, a déclaré que les policiers lui avaient tenu la main de force et avaient ainsi obtenu des « aveux » signés.
Un autre a raconté que les policiers l’ont frappé et quasiment étranglé jusqu’à ce qu’il signe un document.
Ils n’ont été informés qu’ils avaient été inculpés de meurtre, de tentative de meurtre et de vol qualifié qu’au moment où ils sont arrivés au tribunal pour connaître les charges retenues contre eux.
Privation de soins médicaux
Seul Ram Prasad Chaudhary a pu bénéficier d’un examen médical après avoir déclaré à la cour qu’il souffrait de blessures dues aux tortures subies. Cependant, il n’a pas reçu de traitement pour sa typhoïde.
Les autres détenus ont été privés de leur droit de bénéficier de soins de santé et des traitements dont ils pourraient avoir besoin.
Recommandations
Amnesty International demande aux autorités népalaises de veiller à ce que des enquêtes indépendantes, impartiales et efficaces soient menées sans délai sur toutes les allégations de torture ou d’autres formes de mauvais traitements, d’aveux forcés et d’arrestations arbitraires.
Elle leur demande également d’accorder des réparations aux victimes de torture et de mauvais traitements, conformément au droit international et aux normes internationales – ce qui englobe la reconnaissance de ce qu’elles ont subi, ainsi que la réadaptation, l’indemnisation et des garanties de non-répétition.
« Ce sont les premières mesures que les autorités népalaises doivent prendre pour commencer à effacer la honte liée à ces événements. Les allégations de ces détenus soulignent la nécessité d’adopter des réformes structurelles afin de remédier efficacement à la torture et aux violences policières », a déclaré Champa Patel.