Condamnation confirmée pour un chef de l’opposition

Le 18 novembre, la Cour suprême d’Azerbaïdjan a examiné le recours formé par un prisonnier d’opinion azerbaïdjanais, le chef de l’opposition Ilgar Mammadov, contre sa peine de sept ans d’emprisonnement, et a choisi de la confirmer. Cette décision, qui a pour effet de maintenir en prison une personne qui n’aurait jamais dû y être placée, est également contraire aux obligations juridiques explicites de l’Azerbaïdjan et constitue un affront au Comité des ministres du Conseil de l’Europe, qui a demandé à maintes reprises à l’Azerbaïdjan de se conformer à l’arrêt rendu en 2014 par la Cour européenne des droits de l’homme en libérant sans délai Ilgar Mammadov.

Chef de file du groupe d’opposition Real, Ilgar Mammadov a été arrêté en février 2013 après avoir s’être rendu à Ismayili (nord de l’Azerbaïdjan) les 23 et 24 janvier 2013 avec son collègue, le journaliste Tofig Yagublu, pour observer les manifestations et les émeutes qui avaient lieu dans cette ville à l’époque. Des gens étaient descendus dans la rue pour protester contre le comportement du neveu du gouverneur local, qui, selon les informations recueillies, avait agressé un habitant à la suite d’un accident de voiture. Ilgar Mammadov et Tofig Yagublu, qui n’ont fait qu’observer les événements et en rendre compte, ont été accusés d’incitation à des émeutes antigouvernementales.

En mars 2014, le tribunal des infractions graves de Shaki a déclaré Ilgar Mammadov et Tofig Yagublu coupables des faits qui leur étaient reprochés et les a respectivement condamnés à des peines de sept et cinq ans d’emprisonnement. Amnesty International avait alors indiqué qu’elle considérait les deux hommes comme des prisonniers d’opinion, puisqu’ils avaient été privés de liberté uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux.

Tofig Yagublu a été libéré en mars 2016, après avoir obtenu une grâce présidentielle.

La Cour européenne des droits de l’homme a statué, en mai 2014, que l’arrestation d’Ilgar Mammadov et les poursuites dont il faisait l’objet étaient contraires à la Convention européenne des droits de l’homme, estimant que rien ne prouvait qu’il avait commis une infraction, et que son placement en détention avait en réalité pour but de le réduire au silence ou de le punir pour avoir critiqué le gouvernement. Le jugement est devenu définitif le 13 octobre 2014, date à laquelle la Cour a rejeté un recours formé par le gouvernement azerbaïdjanais. Par la suite, le 4 décembre 2014, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a demandé qu’Ilgar Mammadov soit remis en liberté sans délai, conformément à la décision de la Cour. Les autorités azerbaïdjanaises n’ont pas donné suite à cette requête, pas plus qu’aux demandes que leur a adressées ultérieurement le Comité des ministres en vue de la libération d’Ilgar Mammadov.

L’article 46 (par. 1) de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, instrument que l’Azerbaïdjan a ratifié en 2002, dispose très clairement que « les Hautes Parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties.  »

Dans une déclaration rendue publique le 18 novembre 2016, le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, a condamné la décision de la Cour suprême de l’Azerbaïdjan, y voyant un « manque flagrant de respect [...] pour la Convention européenne des droits de l’homme [qui] remet en cause l’ensemble de notre coopération [et] touche les 47 États membres du Conseil de l’Europe, qui sont collectivement responsables de la mise en œuvre de la Convention ». Le secrétaire général a également estimé que « la gravité de cette évolution pour l’Azerbaïdjan en tant qu’État membre du Conseil de l’Europe ne saurait être sous-estimée. »

L’Azerbaïdjan doit respecter et protéger ceux qui exercent leurs droits fondamentaux pacifiquement, et non les poursuivre et les emprisonner. Il lui faut s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du droit international et se conformer immédiatement et pleinement à la Convention européenne des droits de l’homme en respectant la décision contraignante de la Cour européenne des droits de l’homme. Il doit libérer Ilgar Mammadov dans les meilleurs délais et sans condition.

Le Conseil de l’Europe, pour sa part, devrait prendre des mesures décisives face à une violation aussi flagrante et persistante de la Convention et des principes sur lesquels ce texte est fondé, notamment le respect du caractère contraignant des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

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