Condamnés pour des « aveux » extraits sous la torture

Deux Ukrainiens emprisonnés en Russie après avoir « avoué » sous la torture une série de meurtres sont les victimes d’une parodie de justice, a déclaré Amnesty International après qu’ils ont perdu leur procès en appel contre leur condamnation à de lourdes peines de prison mardi 26 octobre.

Stanislav Klykh et Mykola Karpiouk ont été déclarés coupables d’avoir tué des soldats russes en Tchétchénie dans les années 90, bien que tous deux aient fourni des informations crédibles montrant qu’ils ne se trouvaient pas dans cette région instable à l’époque. Mardi 26 octobre, la Cour suprême a confirmé la condamnation de Mykola Karpiouk et de Stanislav Klykh à 22 et 20 ans de prison respectivement.

« Ce que la Russie reproche à ces hommes défie l’entendement. Les nombreuses violations des normes d’équité des procès et les éléments peu convaincants avancés par le parquet font tous penser à des accusations fabriquées de toutes pièces. Ces hommes n’ont pas pu consulter des avocats de leur choix et affirment que les aveux qu’ils ont faits leur ont été arrachés sous la torture », a déclaré John Dalhuisen, directeur du bureau régional Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

« Au lieu de saisir l’occasion qui lui était donnée de mettre fin à cette mascarade, la Cour suprême de Moscou a une nouvelle fois négligé les preuves et retenu les arguments du parquet dans ce procès de propagande. »

Stanislav Klykh et Mykola Karpiouk, qui appartiennent à un groupe nationaliste de droite ukrainien, n’ont pas été en mesure de bénéficier des services d’avocats de leur choix pendant plusieurs mois après leur arrestation en 2014 ; ils affirment qu’on les a torturés entretemps afin de leur extorquer des aveux.

Stanislav Klykh a déclaré qu’on l’a forcé à boire de la vodka jusqu’à ce qu’il perde connaissance, qu’on lui a donné des psychotropes, et qu’on l’a suspendu aux barreaux de sa cellule, soumis à des décharges électriques et maintenu en détention à l’isolement pendant plus d’un an. Aucune enquête n’a été menée sur ces allégations de torture.

L’avocate désignée d’office pour représenter Stanislav Klykh n’était même pas présente pour son interrogatoire et a plus tard indiqué qu’elle était en congé maternité.

« Les autorités russes doivent enquêter sur les graves allégations selon lesquelles des membres des forces de l’ordre ont commis des actes de torture, ainsi que sur le déni d’accès à un avocat », a déclaré John Dalhuisen après qu’Amnesty International a assisté à l’audience d’appel à Moscou.

Les actes de torture que Stanislav Klykh a subis ont affecté sa santé mentale, et il est apparu gravement perturbé pendant toute la durée du procès, qui s’est ouvert en octobre 2015.

Il s’est déshabillé en pleine salle d’audiences, a hurlé des insultes et s’est suspendu la tête en bas dans le box des accusés.

En novembre 2015, il s’est tailladé avec une lame pour protester contre le refus des autorités de procéder à un examen médical. En octobre 2016, il a dit ne pas se souvenir de sa date de naissance durant une audience, et a demandé à être défendu par Stanislav Mikhaïlov, un chanteur pop russe.

Toutes les requêtes visant à obtenir que Stanislav Klykh soit soumis à un examen psychiatrique ont été rejetées, et il a été déclaré apte à être jugé.

Il n’avait jamais présenté de troubles mentaux avant ces actes de torture présumés.

« Ne pas prendre en considération l’état de santé de Stanislav Klykh, malgré les éléments démontrant sa vulnérabilité, est cruel et inhumain. Il doit être évalué par un professionnel de santé indépendant dans les plus brefs délais  », a déclaré John Dalhuisen

Complément d’information

Mykola Karpiouk et Stanislav Klykh ont été arrêtés en mars et août 2014 respectivement alors qu’ils séjournaient en Russie.

Ils étaient tous les deux membres du Congrès national ukrainien - Autodéfense des peuples ukrainiens (UNA UNSO), une organisation ukrainienne de droite interdite en Russie.

En mai 2016, la Cour suprême de Tchétchénie les a déclarés coupables d’avoir appartenu à un groupe de combattants ayant tué 30 soldats russes durant le conflit en Tchétchénie entre 1994 et 1996.

Les deux hommes nient les faits qui leur sont reprochés.

L’alibi de Mykola Karpiouk, selon lequel il était étudiant en Ukraine à l’époque des crimes dont on l’accuse, a été ignoré par la Cour. Stanislav Klykh faisait à la même période l’objet d’une enquête en Ukraine pour des faits distincts, et ses déplacements étaient alors restreints.

Leur déclaration de culpabilité s’est appuyée sur les « aveux » des deux hommes, qui leur auraient été arrachés sous la torture, et sur le témoignage d’Alexandre Malofeïev, un membre de l’UNA UNSO qui se trouve également en prison pour l’homicide de soldats russes.

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